La cessation d’un régime de retraite individuel

Par Annie Boivin | 23 mai 2012 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Depuis la modification émanant du Budget fédéral de 2011, les Régimes de retraite individuel (RRI) sont tenus de verser un montant minimum à un participant à partir de l’année de ses 72 ans. D’ailleurs, dès 2012, les participants à un RRI qui auront soufflé plus de 71 bougies deviendront rentiers de leur RRI. C’est un peu comme dans le cas des fonds enregistrés de revenu de retraite (FERR), où chaque année après celle de son 71e anniversaire, un participant RRI devra recevoir au moins la rente annuelle minimum de son RRI. Cette rente sera déterminée selon le montant le plus élevé entre le montant régulier de pension payable au participant au cours de l’année selon les modalités du régime et la somme minimum qui lui aurait été versée si la part des actifs du RRI était plutôt détenue dans un FERR.

Il existe principalement trois options de décaissement d’un RRI :

  • Le versement d’une rente de retraite directement du régime;
  • Le transfert des actifs à un FRV ou FRRI (ou dans certains cas, un FERR dans la province de Québec);
  • L’achat d’une rente.

1. Versement d’une rente de retraite directement du régime

Un RRI est un régime de retraite à prestations déterminées. Généralement, c’est une rente de retraite viagère respectant les conditions du régime que le RRI versera à son participant devenu rentier. Cette rente comporte à la base une garantie de cinq ans, assortie d’une rente réversible au conjoint de 66,6 % (les 2/3). C’est donc dire qu’au décès du participant, la rente continue d’être versée à 100 %, durant une période qui totalise cinq ans, et ce, à compter de la date de la retraite du rentier. Par la suite, c’est 66,6 % (les 2/3) de la rente qui continue d’être versé au conjoint survivant.

Outre cette rente normale, il est aussi possible pour le participant de choisir une forme optionnelle de rente. Les formes optionnelles sont précisées dans les modalités du régime et permettent aux participants d’adapter à leurs besoins le montant de leurs prestations, la durée de la période de garantie et le montant de la réversibilité des prestations au conjoint survivant. En règle générale, plus la période de garantie choisie est longue et plus la somme versée au conjoint survivant est élevée, plus le montant des prestations de retraite mensuelles ou annuelles versées au rentier sera réduit.

Au moment de la retraite, il est également possible de modifier les dispositions du régime afin de prévoir de meilleures prestations de retraite. Par exemple, on peut envisager une retraite anticipée avant l’âge de 65 ans sans réduction actuarielle (sous certaines conditions), des prestations de raccordement payables jusqu’à l’âge de 65 ans, ou une augmentation de l’indexation de la rente, afin de maximiser les prestations de retraite qui seront versées au rentier. Ces modifications des dispositions du régime peuvent entraîner une cotisation additionnelle au régime, qui sera déductible d’impôt pour l’entreprise sous-jacente.

Une fois le montant de la rente établie, il faudra la verser au rentier. Pour verser une rente de retraite directement du RRI, le régime lui-même (et non pas l’entreprise sous-jacente) devra faire la demande des numéros de taxes afin d’effectuer les déductions à la source (DAS) sur la rente versée. C’est donc au fiduciaire du RRI que revient la lourdeur des tâches administratives dans le cas d’une rente payée directement par le régime.

En recevant une rente de son RRI, le rentier n’a guère à se soucier des rendements et des soubresauts de l’économie, car si le RRI est en déficit, c’est l’entreprise sous-jacente qui renflouera les coffres. Cette option suppose toutefois que la compagnie demeure toujours en vie!

Une évaluation actuarielle aux trois ans est toujours requise. S’il y a un déficit actuariel, les cotisations et les coûts rattachés au RRI sont alors déductibles d’impôt et assumés par l’entreprise sous-jacente. Même après la retraite, les sommes continuent de s’accumuler à l’abri de l’impôt si la rente est payée à même le régime. De plus, tout comme un autre type de régimes de retraite, le RRI offre une protection totale contre les créanciers, puisque son actif est insaisissable.

Les revenus provenant d’une rente de retraite payable par un RRI, peu importe l’âge du rentier, peuvent faire l’objet de fractionnement avec son conjoint.

Au décès du rentier, la rente continue d’être versée au conjoint survivant selon le pourcentage de réversibilité choisi. En l’absence de conjoint survivant ou au décès du conjoint, le RRI sera résilié et le solde sera remis à la succession.

2. Transfert des actifs du RRI à un FERR

Une autre option de décaissement est le transfert de la valeur du RRI en FERR. Ceci implique la cessation du régime. Puisque le RRI est généralement offert aux actionnaires dits rattachés (ceux qui possèdent plus de 10% d’actions), les sommes accumulées dans le régime ne sont pas immobilisées. Ainsi, une fois l’heure de la retraite sonnée, il est possible de transférer le solde du RRI en FERR.

Si le RRI est au bénéfice d’une personne non rattachée ou bien est assujetti à une autre province canadienne, une autre option de décaissement possible est le transfert de la valeur du régime à un fonds de revenu viager (FRV), à un fonds de revenu de retraite immobilisé (FRRI) ou, si le membre est âgé de moins de 71 ans, à un régime d’épargne-retraite immobilisé (RERI). Une fois le transfert effectué, le régime sera régi par les instances provinciales compétentes.

Cette option de transfert peut donner au retraité un plus grand contrôle sur les options de placement au sein du régime après la retraite.

Tout comme dans le cas d’un FERR dont les fonds proviennent d’un REER, le rentier peut utiliser l’âge de son conjoint plus jeune afin de réduire le montant annuel des retraits minimums.

Toutefois, mieux vaut être bien avisé avant de choisir cette option. Il est probable que la totalité des sommes accumulées dans le RRI ne puisse être transférée dans le FEER. En fait, le règlement de l’impôt sur le revenu (RIR 8517) limite le montant transférable en franchise d’impôt d’un régime de retraite à un compte enregistré. Il est donc probable qu’à la résiliation du régime, une certaine somme soit imposable pour le rentier. Il est prudent d’évaluer cette option avec votre client avant qu’il ne prenne une décision.

Ici aussi, les revenus de retraite provenant du FERR peuvent faire l’objet de fractionnement avec le conjoint, mais seulement si le rentier a 65 ans et plus. Au décès du rentier, le FERR peut être transféré au conjoint survivant, à défaut le solde du FERR est imposable et remis à la succession.

3. Achat d’une rente

La troisième option de décaissement envisageable dans le cas du RRI est le transfert de la valeur dans une rente. Cette rente peut être adossée à une assurance vie, et elle peut prévoir une période garantie de versement et un pourcentage de réversibilité au conjoint survivant. La rente doit comporter au minimum la même garantie que celle prévue au RRI, soit une garantie de cinq ans et une réversibilité au conjoint survivant de 66,6 % (2/3). Puisqu’il s’agit de fonds enregistrés, cette rente ne pourra pas être prescrite aux fins de l’impôt.

Encore ici, les revenus de retraite provenant de la rente viagère, peu importe l’âge du rentier, peuvent faire l’objet de fractionnement avec son conjoint. Il est important de noter que les dispositions de la rente ne peuvent être modifiées après l’achat.

La planification est la clé

Peu importe l’option que votre client choisira, l’important est de ne pas oublier de l’aviser à temps. Puisque le RRI est une fiducie, notre rôle de conseiller est d’aviser les fiduciaires des RRI de toutes les options de décaissement possibles qui s’offrent à leurs participants, afin qu’ils puissent faire un choix éclairé et surtout pour éviter qu’ils soient soumis à des pénalités pour avoir dans leur RRI des participants trop âgés!

Annie Boivin, B.A.A., Pl. Fin., D. Fisc., TEP, est vice-présidente, Planification fiscale et successorale, chez Richardson GMP Limitée. Son équipe d’experts internes collabore avec les conseillers en placement et propose des solutions de gestion de patrimoine personnalisées, conçues pour répondre aux besoins en matière d’impôt, de succession, de philanthropie, d’assurance et de relève d’entreprise.

Annie Boivin