La crise a affecté la qualité de vie des Canadiens

Par La rédaction | 23 novembre 2016 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Il y a « un écart énorme » entre l’état actuel de l’économie et la qualité de vie des Canadiens, et cet écart s’est accentué durant la récession, affirme un rapport de l’Indice canadien du mieux-être (ICM) publié mardi.

Alors qu’en 2008, l’écart entre le produit intérieur brut (PIB) et l’ICM était de 21 %, il a grimpé à 24,5 % en 2010 et atteignait 28,1 % en 2014.

L’Indice suit 64 indicateurs afin d’offrir une analyse exhaustive de huit domaines « d’une importance cruciale » pour la qualité de vie des particuliers. S’il intègre les données économiques, ce modèle prend aussi en compte les fluctuations dans les domaines suivants : dynamisme communautaire, participation démocratique, loisirs et culture, éducation, environnement, populations en santé et emploi du temps.

LA CROISSANCE, PAS LA PANACÉE

Rédigé par des chercheurs de la Faculté des sciences de la santé appliquées de l’Université de Waterloo, le rapport brise le mythe selon lequel la croissance économique se traduit forcément par un mieux-être des populations. En matière de loisirs, de culture et d’environnement, par exemple, les Canadiens sont en moins bonne posture qu’ils ne l’étaient en 1994.

Si l’on en croit l’ICM, les niveaux de vie ont augmenté de 23 % de 1994 jusqu’à la récession de 2008, avant de chuter de près de 11 %. Résultat, malgré une hausse des revenus familiaux médians, un plus grand nombre de personnes au pays vivent désormais dans l’insécurité alimentaire et de logement, sans parler de l’emploi, qui est devenu plus précaire pour beaucoup d’entre elles.

Les loisirs et la culture ont également diminué de 9 %. En 2014, les dépenses des ménages à ce chapitre étaient à leur point le plus bas depuis deux décennies. De même, les Canadiens consacrent moins de temps aux vacances, ainsi qu’à la participation ou au bénévolat dans des activités de loisirs et culturelles. Bien que le dynamisme communautaire demeure solide, le bénévolat, en particulier, a diminué de 15 % depuis 2008.

LES CONTRAINTES DE TEMPS AUGMENTENT

Les progrès en environnement se sont eux aussi amoindris de 2,9 %. Bien que l’utilisation d’énergie résidentielle ait diminué de 20 %, beaucoup plus de progrès devrait encore être réalisé par les industries, souligne le rapport.

Par ailleurs, l’enquête de l’ICM montre que la contrainte de temps représente un défi constant : les Canadiens passent aujourd’hui près de 30 % moins de temps avec leurs amis, tandis que la durée du trajet entre leur domicile et leur lieu de travail est de plus en plus longue et que seuls 35 % d’entre eux dorment suffisamment, soit une baisse notable par rapport à 1994 (44 %).

Si l’espérance de vie augmente, les évaluations de la santé globale des Canadiens sont également moins bonnes qu’il y a 20 ans. Ainsi, les taux de diabète sont deux fois et demie plus élevés qu’en 1994, et plus d’une personne sur cinq a une limitation relative à la santé ou à l’activité.

Finalement, l’éducation est le seul secteur à suivre réellement le rythme du PIB, puisque neuf étudiants sur 10 terminent maintenant leurs études secondaires et que, en 2014, 28 % des Canadiens détenaient un diplôme universitaire. « Malgré tout, les droits de scolarité accrus et l’accès à des places de services de garde réglementés sont toujours des défis importants », notent les auteurs du rapport.

« SE TOURNER VERS DES SOLUTIONS NOVATRICES »

Ceux-ci relèvent en outre que bien que la participation électorale ait récemment augmenté, en 2014, moins d’un tiers des Canadiens déclaraient avoir « un haut niveau de confiance » à l’égard du Parlement, ce qui représente une baisse de 14 % depuis 2003.

« Bien que l’économie du Canada se soit rétablie de la récession de 2008, ce n’est pas le cas pour notre mieux-être. La crise nous a volé notre temps de loisirs, notre temps de bénévolat, nos niveaux de vie et notre sommeil, et nous ne les avons jamais récupérés », commente Bryan Smale, directeur de l’ICM.

« Lorsque nous nous tournerons vers des solutions novatrices et proactives qui tiennent compte de plus d’un domaine de notre vie à la fois, nous commencerons à voir des changements positifs qui amélioreront la vie quotidienne des Canadiens dans les domaines qui leur importent le plus », conclut-il.

En finir avec l’obsession de la croissance

Pour affronter les crises financières, économiques, sociales et environnementales auxquelles font face les pays industrialisés, les gouvernements, banques centrales et organisations financières internationales proposent la croissance pour seul remède, déplore Marc Chesney dans une chronique publiée par Le Temps.

« Pour combattre chômage et déflation, la croissance! Pour réduire les dettes, la croissance, évidemment! Pour se faire élire, promettre la croissance, pour ne pas compromettre ses chances! Ce dogme règne sans partage et il semblerait incongru de le remettre en question », dénonce ce professeur à l’Université de Zurich, en Suisse.

UN CERCLE VICIEUX ET SANS FIN

L’économie actuelle est basée sur un dualisme dette-croissance, rappelle l’économiste, qui note que « la première composante serait utile pour tenter de relancer la seconde et la croissance serait nécessaire pour tâcher de rembourser une partie des dettes ». Or, « la croissance occidentale, et en particulier européenne, est atone et l’endettement explose », au point que le total des dettes représente désormais 250 % du PIB mondial et qu’il croît plus vite que celui-ci, fait-il observer.

« La croissance requiert non seulement une augmentation insoutenable des dettes, mais repose aussi sur un autre facteur : l’obsolescence programmée de biens conçus pour ne durer qu’un certain temps, ce qui incite à consommer toujours plus », insiste-t-il.

L’EXPANSION DE LA FINANCE CASINO

Le problème, c’est que ces deux facteurs « maintiennent sous perfusion la croissance économique, mais sont contraires à un développement durable et respectueux du genre humain », explique Marc Chesney. Contrairement à ce qui s’est passé au XIXe siècle, développement social et croissance économique sont aujourd’hui souvent découplés et cette dernière « a surtout pour corollaire une augmentation de la pollution, des dettes, ainsi qu’une expansion de la finance casino », ajoute-t-il.

Une absence de croissance n’est pas souhaitable, mais elle doit répondre aux besoins du plus grand nombre et respecter notre environnement, lance-t-il. Sa conclusion? « Une croissance qui provient de la destruction de la nature ne saurait déboucher que sur des désastres écologiques et sociaux. »

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