La fin de l’ALENA ne serait pas la fin du monde

Par La rédaction | 27 novembre 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Même si la fin de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) aurait un impact négatif sur l’économie canadienne, c’est un « risque gérable » auquel les autorités, les entreprises et les marchés pourraient s’adapter en « relativement peu de temps », estime BMO.

Dans un rapport publié lundi, The Day After NAFTA (Le lendemain de l’ALENA, en anglais seulement), le service des Études économiques de la banque prévoit que le Canada connaîtrait un recul net de son produit intérieur brut (PIB) de 0,7 % à 1 % sur une période de cinq ans. Ce qui pourrait entraîner une hausse des prix à la consommation d’environ 0,8 %, en raison d’une diminution du taux de change et de droits de douane un peu plus élevés.

Si l’ALENA disparaît, BMO juge également que l’économie québécoise sera moins vulnérable que celle de l’Ontario, où 76 % des exportations sont jugées à risque élevé. De plus, seulement 11 % du PIB de la Belle Province est lié aux exportations américaines, soit la moitié seulement de nos voisins ontariens. En effet, contrairement à ces derniers, le Québec dispose d’un marché d’exportation diversifié, orienté notamment vers des régions comme l’Europe. Enfin, le Québec possède le plus grand nombre de fermes laitières et demeure le principal exportateur de produits alimentaires (8,5 milliards de dollars) au pays, ce qui l’aidera aussi à atténuer le choc résultant d’un abandon de l’Accord.

LES GRANDS PERDANTS SERAIENT LES CONSOMMATEURS

Le rapport souligne par ailleurs que le consommateur serait vraisemblablement celui qui aurait le plus à perdre de la fin de l’ALENA, et ce, dans chacun des trois pays partenaires et dans tous les secteurs économiques. « Les dépenses d’investissement des entreprises diminueraient également, en partie en raison de l’incertitude du climat commercial et des perspectives de croissance généralement affaiblies. En même temps, nous nous attendons à ce que les exportations et les importations diminuent sensiblement, mais que les échanges nets demeurent globalement inchangés, la dépréciation du dollar canadien amortissant partiellement l’impact sur le Canada », commente Doug Porter, économiste en chef, BMO Groupe financier.

Au final, c’est tout de même l’économie américaine qui s’en sortirait le mieux, puisque BMO dit s’attendre à ce que les répercussions macroéconomiques aux États-Unis soient plus modestes, avec une réduction nette de seulement 0,2 % de son PIB réel par rapport à ce que l’on pourrait autrement observer au cours des cinq prochaines années. « Les États-Unis sont mieux positionnés que le Canada ou le Mexique, analyse Doug Porter. Nous sommes toutefois d’avis que les premiers seraient perdants sans l’ALENA et que leurs secteurs du matériel de transport et du textile, en particulier, seraient nettement plus vulnérables. Sur une base régionale, nous considérons certains États frontaliers et ceux qui dépendent largement de l’agriculture comme étant les plus vulnérables. »

« Il est primordial de noter que le politique ne resterait pas immobile advenant un dénouement défavorable pour l’Accord. La politique monétaire deviendrait plus souple qu’elle ne l’aurait été autrement, le dollar canadien s’ajusterait à la baisse et même les politiques fiscales seraient potentiellement revues. Nous nous attendons à ce que la politique commerciale canadienne viserait vigoureusement à diversifier les intérêts du Canada, qui conclurait de nouvelles ententes avec les économies dont la croissance est la plus rapide, comme les pays signataires de l’Accord de partenariat transpacifique et du Mercosur, l’Inde et la Chine, tout en cherchant à profiter pleinement des avantages du nouvel Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne », ajoute l’économiste en chef de BMO. L’ensemble de ces facteurs mis bout à bout « contribueraient à atténuer les dommages économiques », conclut-il.

JUSQU’À 50 000 EMPLOIS SUPPRIMÉS AU PAYS

La fin de l’ALENA amputerait le PIB canadien d’environ 0,55 % (soit 15 milliards par an), ferait perdre leur travail à entre 25 000 et 50 000 personnes au pays et réduirait les importations de 2,8 %, conclut de son côté une étude effectuée pour le compte du groupe de recherche C.D. Howe. Réalisé sous la direction du consultant Dan Ciuriak, ancien responsable des modèles informatiques d’Affaires mondiales Canada, ce document qui doit prochainement être divulgué va dans le même sens que le rapport de BMO. Autrement dit, la disparition de l’Accord entraînerait certes un ralentissement économique important, mais celui-ci serait néanmoins gérable par les autorités politiques et les décideurs économiques.

« Ces estimations de gains sont trop petites pour vraiment pouvoir s’y fier. Mais ce qui ressort, c’est que la fin de l’ALENA ne serait pas catastrophique », confirme au Devoir Dan Ciuriak. Selon l’analyste, cette relative absence de choc est principalement due au fait que le monde du commerce a continué d’évoluer depuis la signature de l’Accord il y a 25 ans, et que sa disparition laisserait la place aux règles de l’Organisation mondiale du commerce. Le principal perdant de l’affaire serait, d’après lui, le Mexique, qui essuierait une perte de quelque 24 milliards par an, soit 1,16 % de son PIB, avec à la clé la suppression de 150 000 à 300 000 emplois.

BMO mise sur une croissance mondiale stable d’ici à 2023

BMO Gestion mondiale d’actifs a publié la semaine dernière son rapport annuel de perspectives quinquennales (en anglais), qui examine les tendances qui devraient se profiler dans l’économie et les marchés mondiaux au cours des cinq prochaines années (2018-2023). Celui-ci évalue à 60 % la probabilité que l’économie mondiale poursuive sa croissance à un rythme stable avec une faible inflation, à 30 % l’hypothèse d’un scénario baissier, et à 10 % celle que les banques centrales parviendront à ramener les économies au plein emploi sans entraîner de hausses des prix.

Selon son scénario de base, « l’économie mondiale poursuivra sa croissance à un rythme stable et connaîtra une faible inflation ». La raison? « L’ajustement progressif de l’orientation accommodante de la politique monétaire, sous forme de taux d’intérêt plus élevés et de réduction des assouplissements quantitatifs, devrait être atténué par de faibles pressions inflationnistes et par la flexibilité des marchés, ramenant ces vents contraires à une douce brise plutôt qu’à une tempête destructrice. » Dans ces conditions, si l’économie mondiale demeure en bon état et si la santé des marges de profits est maintenue, les éléments d’actifs à risque devraient généralement donner de bons résultats.

RISQUE DE RÉCESSION MONDIALE?

Selon le deuxième scénario, nettement moins optimiste, l’année 2018 pourrait voir le risque d’un scénario baissier s’accroître « devant les craintes d’erreurs politiques ». Dans ce cas, BMO entrevoit la possibilité d’une récession mondiale pour deux raisons : « Les politiques monétaires passées pourraient avoir stimulé les marchés outre mesure; il pourrait s’ensuivre une hausse de l’inflation, qui pourrait alors coïncider avec l’assouplissement quantitatif et amplifier les répercussions. Cette conjoncture pourrait mener d’abord les États-Unis à la récession, avant que celle-ci n’entraîne le reste du monde. »

Enfin, un troisième scénario prévoit que les banques centrales parviendront à ramener les économies au plein emploi sans entraîner de hausse de l’inflation et suggère par ailleurs que « les bilans des banques centrales et les taux d’intérêt se normalisent en douceur, ce qui favorisera la stabilité des comportements des marchés et des investisseurs ». Dans ce « monde parfait », note BMO, les éléments d’actifs de risque sont solides, les obligations ne subissent qu’une pression limitée et la volatilité demeure faible.

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