La fin de l’argent liquide est-elle inéluctable?

Par La rédaction | 28 juin 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
4 minutes de lecture

La numérisation des moyens de paiement s’accélère et, dans les cinq prochaines années, ce secteur changera davantage qu’au cours des trois dernières décennies, prédit le PDG de PayPal.

Dans une entrevue accordée en début de semaine au quotidien Le Monde, Dan Schulman appuie sa prévision sur « deux tendances fortes » qui traversent aujourd’hui l’industrie : d’une part, « l’explosion du nombre de téléphones intelligents dans le monde, qui permettent aux consommateurs d’avoir tous les services d’une agence bancaire dans la paume de leur main », et, d’autre part, « la [numérisation] de l’argent ».

« Cela prendra du temps, mais la fin de l’argent comptant est inévitable », affirme le patron de PayPal. Celui-ci note qu’aux États-Unis, « les transactions de personne à personne, en ligne ou depuis un téléphone mobile, remplacent déjà une grande part des paiements en argent liquide et que ce service va doubler, voire tripler, d’ici trois à cinq ans ». D’ailleurs, « certains pays agissent d’ores et déjà de manière très volontaire, comme l’Inde, qui a engagé un plan de « démonétisation » pour éliminer le comptant », ajoute-t-il.

« Le rêve des banquiers, du fisc et de Google est en train de se réaliser : l’usage du liquide est en train de disparaître, gentiment, doucement, discrètement, mais sûrement », estime lui aussi Amid Faljaoui, directeur des magazines francophones du groupe de presse Roularta. Dans une chronique publiée sur le site belge Trends-Tendances, le journaliste spécialisé en économie relève que, pour la première fois depuis des décennies, les quatre grandes banques du pays ont enregistré un léger recul des retraits d’argent liquide.

« Rien de dramatique encore, mais cela corrobore une tendance assez lourde, le fait que le comptant a de moins en moins la cote, souligne-t-il. L’heure n’est plus au liquide, mais aux services bancaires mobiles et, aujourd’hui, 85 % des opérations bancaires se font via un téléphone intelligent », devenu « en peu de temps le premier canal bancaire en Belgique, du moins pour la consultation des comptes », explique le chroniqueur.

« L’UNE DES DERNIÈRES EXPRESSIONS DE NOTRE LIBERTÉ »

Combien de temps l’argent liquide aura-t-il encore cours? S’il n’évoque aucune échéance précise, Amid Faljaoui juge qu’il s’agit « juste d’une question de confiance et donc d’usage ». Mais il rappelle que « les banquiers sont plutôt d’avis de le supprimer, officiellement parce qu’il leur coûte beaucoup en manipulation et en sécurité ». Et officieusement « parce que c’est une manière de bancariser de force tout le monde ».

L’État et la banque centrale belges y auraient tout intérêt, juge-t-il, « car si demain ils ont un besoin urgent d’argent, ils pourront prélever directement à la source, étant donné qu’il ne sera plus possible de sortir son argent vu que le comptant aura cessé d’exister ».

Une situation qui, selon lui, pose un problème de démocratie, puisque « le renforcement des paiements électroniques donnera encore plus de pouvoirs aux GAFA [Google, Apple, Facebook et Amazon] qui vivent de nos données, y compris bancaires ». « Malheureusement, cette défection lente mais inexorable envers le liquide est une mauvaise nouvelle, car elle va aussi renforcer l’emprise des banquiers et du fisc » sur les consommateurs. « Le comptant, on ne le répétera jamais assez, ce n’est pas seulement une expression monétaire, c’est aussi l’une des dernières expressions de notre liberté », conclut le chroniqueur belge.

La rédaction vous recommande :

La rédaction