La « finance de l’ombre » est plus forte que jamais

Par La rédaction | 10 janvier 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Près d’une décennie après l’explosion de la bulle des subprimes et le début de la crise financière, le système financier est-il plus sûr qu’auparavant?

Dans sa dernière édition, Le Monde répond par la négative en citant les conclusions d’un récent rapport d’un groupe de banquiers centraux et de régulateurs, selon lesquels « les risques globaux qui menacent la stabilité sont probablement aussi élevés que par le passé ».

Si les établissements bancaires eux-mêmes sont désormais davantage contrôlés et, dans l’ensemble, sans doute plus solides qu’ils ne l’étaient en 2007-2008, il est possible « que la menace sur la stabilité financière se soit déplacée des banques vers le “shadow banking” ».

LE SHADOW BANKING PÈSE 36 000 G$

Cette « finance de l’ombre », ou finance parallèle, est composée d’assureurs, de fonds spéculatifs, de fonds communs de créances ou de fonds monétaires, « qui peuvent emprunter et prêter de l’argent, comme le feraient des banques, mais qui n’en sont pas et ne sont donc pas soumises au même contrôle », rappelle Le Monde.

Le journal explique que cet univers peu régulé est composé d’acteurs très divers, puisque cela va de la plate-forme de financement participatif Lendix, qui a fourni 60 millions de dollars de prêts à des petites et moyennes entreprises l’an dernier, au géant BlackRock, principal gestionnaire d’actifs mondial, gestionnaire de plus de 5 000 milliards de dollars.

Au total, le shadow banking pèse 36 000 milliards de dollars, soit deux fois le produit intérieur brut des États-Unis, selon le Conseil de stabilité financière (Financial Stability Board, ou FSB), chargé par le G20 de renforcer le système financier mondial.

UN SECTEUR QUI GAGNE EN PUISSANCE

Le paradoxe, c’est que les diverses réglementations instaurées par les gouvernements depuis la crise financière de 2008 ont largement contribué à « accentuer le poids de ce secteur, qui avait pourtant été désigné comme le principal vecteur de contagion lors de la crise des subprimes », souligne Le Monde.

La raison? « Cette finance non bancaire constitue [désormais] un rouage indispensable à l’économie, au moment où les établissements de crédit traditionnels, de plus en plus contraints par la réglementation prudentielle, […] sont réticents à prêter aux entreprises » et où « la politique monétaire ultra accommodante menée par les banques centrales accentue le mouvement de transfert ».

Une bonne nouvelle, cependant : les formes de crédit qui avaient joué un rôle néfaste en 2007 ont presque disparu et « on ne devrait plus entendre parler des CDO [Collateralized Debt Obligations] et autres monstruosités qui ont contaminé les bilans des banques du monde entier », note Le Monde.

RECENSEMENT DES ACTEURS SYSTÉMIQUES

« La mauvaise nouvelle, c’est que d’autres poches de risques ont surgi », en particulier la montée en puissance de la finance parallèle en Chine. « Les entreprises des pays émergents ont emprunté à tour de bras, souvent en dollars, en court-circuitant les banques, souvent avec leur complicité. Que se passera-t-il quand les taux remonteront? », s’alarme le quotidien.

Pour tenter de limiter les dégâts lors de la prochaine crise, les États membres du G20 ont demandé dès 2010 au FSB de s’attaquer aux risques qui pourraient survenir hors du système bancaire, rappelle le journal, qui précise que « le G20 des ministres des finances veut progresser vers une régulation plus stricte des marchés financiers, en particulier concernant le shadow banking ».

L’un des principaux chantiers en cours du Conseil est d’ailleurs de recenser les acteurs systémiques de cette finance parallèle, c’est-à-dire ceux dont une éventuelle défaillance risquerait d’entraîner une crise mondiale par effet domino, avec pour objectif de leur imposer des contraintes strictes de capital ou de divulgation de l’information. Si les grands assureurs « ont bataillé dur pour y échapper », neuf compagnies figurent tout de même désormais sur la liste, notamment la firme française AXA, observe Le Monde.

DONALD TRUMP POURRAIT REBATTRE LES CARTES

Les gestionnaires d’actifs, en particulier BlackRock, sont parvenus à convaincre le FSB qu’ils n’avaient pas besoin de renforcer leur capital, puisque le risque de leurs portefeuilles est assumé par les investisseurs. Mais le Conseil a néanmoins émis l’an dernier à leur intention une liste de recommandations en vue, notamment, de les inciter à accroître leur niveau de liquidités.

La route avant d’en arriver à un encadrement de ce secteur s’annonce encore « longue et difficile », estime Le Monde, en particulier à cause de l’arrivée prochaine à la Maison-Blanche d’un partisan d’une plus grande dérégulation de la finance. Un probable assouplissement de la loi Dodd-Frank s’ensuivra. Rappelons qu’elle a été instaurée en 2010 pour réduire les liens entre la finance parallèle et les banques « afin d’éviter que l’une ne contamine l’autre, comme cela avait été le cas en 2007-2008 ».

« Sachant que les États-Unis représentent 40 % du shadow banking, cette position du futur président pourrait bien sonner le glas de la coopération mondiale en matière de régulation financière » et, dans ces conditions, la finance de l’ombre risque fort de faire à nouveau trembler la planète, conclut le journal.

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