La littératie financière change tout

Par Pierre-Luc Trudel | 6 novembre 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Deux individus ont le même âge et le même revenu. Alors que l’un des deux a accumulé un patrimoine important, l’autre est submergé par les dettes. Comment peut-on expliquer un tel phénomène? Bien souvent par le niveau de littératie financière.

« Le niveau de littératie financière d’un individu est l’un des principaux facteurs qui déterminent ses comportements financiers », affirme Andrea Hasler, du Global Financial Literacy Excellence Center.

Lors de la Conférence nationale sur la littératie financière jeudi dernier à Montréal, elle a présenté les résultats du S&P Global FinLit Survey, la plus vaste enquête à l’échelle mondiale sur le niveau de connaissances financières de la population. Plus de 150 000 adultes vivant dans 148 pays ont été interrogés dans le cadre de ce sondage.

« À l’échelle mondiale, seulement 33 % de la population a un niveau de littératie financière jugé suffisant », déplore Mme Hasler. Les résultats sont en revanche meilleurs dans les pays industrialisés que dans les pays en voie de développement. Le Canada fait particulièrement bonne figure avec un score de 68 %, ce qui le place devant le Royaume-Uni (67 %), l’Allemagne (66 %) et les États-Unis (57 %).

Pour mesurer le niveau de connaissances financières de la population, l’étude a posé aux répondants quatre questions portant sur quatre notions financières de base : l’inflation, la numératie (la capacité de faire des calculs simples), les intérêts composés et la gestion du risque de placement. Pour réussir le test, les personnes interrogées devaient répondre correctement à au moins trois des quatre questions.

Les résultats de l’enquête révèlent que les notions d’inflation et de numératie sont les mieux maîtrisées par la majorité de la population, tandis que les notions de diversification et de risque des placements sont celles qui posent le plus problème.

À noter que les connaissances financières sont souvent liées à l’expérience économique que vivent au quotidien les individus. Par exemple, la compréhension des notions d’inflation est sensiblement plus élevée dans les pays aux prises avec un phénomène d’hyperinflation. Par contre, les notions de diversification et de gestion du risque sont mieux comprises dans les pays industrialisés, où les citoyens sont davantage exposés aux concepts d’épargne et de placement.

BONS COMPORTEMENTS, MAUVAIS COMPORTEMENTS

Pour Andrea Hasler, le lien entre le niveau de littératie financière des individus et leurs comportements financiers est évident. « Les gens qui ont de bonnes connaissances financières sont beaucoup plus susceptibles de planifier leur retraite », souligne-t-elle.

Ceux-ci sont aussi moins nombreux à utiliser des produits financiers qui impliquent des frais élevés. Leurs portefeuilles génèrent en outre de meilleurs rendements ajustés en fonction du risque. Pourquoi? Ils sont mieux diversifiés et contiennent généralement plus d’actions. En effet, les investisseurs qui ont une meilleure compréhension des marchés financiers sont moins réticents à l’idée de prendre des risques et s’inquiètent moins de la volatilité de leurs placements.

À l’autre bout du spectre, les personnes qui possèdent des connaissances financières limitées sont beaucoup plus à risque d’avoir recours à des sources de financement alternatif, tels que les prêts sur salaire ou les commerces de prêt sur gage. Ils sont conséquemment plus susceptibles d’être endettés de façon excessive.

En fait, le niveau de littératie financière est tellement déterminant qu’il explique en partie les inégalités économiques sur la planète. « Aux États-Unis, 30 à 40 % des inégalités de revenus à la retraite peuvent potentiellement être expliquées par la variation du niveau de littératie financière entre les individus », mentionne Mme Hasler.

LE CAS DES RÉGIMES DE RETRAITE

Une étude de cas réalisée par la Réserve fédérale américaine (Fed) a pour sa part démontré que plus un employé est financièrement éduqué, plus il a de chances de participer au régime de retraite à cotisation déterminée offert par son employeur. Sa cotisation est également supérieure de 3 points de pourcentage et il détient davantage d’actions dans son compte, ce qui se traduit par des rendements plus élevés.

Pour faire grimper les taux de participation, les promoteurs devraient donc fortement envisager d’implanter un programme d’apprentissage sur la planification de la retraite dans leur organisation. Selon les résultats de l’étude de la Fed, les participants qui ont suivi un tel programme sont plus susceptibles de commencer à cotiser à leur régime, sont moins susceptibles de cesser ou de réduire leur cotisation et sont moins réfractaires à l’idée d’augmenter leur exposition aux marchés boursiers.

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Pierre-Luc Trudel