La lutte au blanchiment d’argent bientôt à « spin »

Par André Giroux | 4 octobre 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : belchonock / 123RF

Un train de nouvelles mesures réglementaires viendra régir la vie des conseillers en services financiers dès juin 2021. Elles visent à contrer le blanchiment d’argent et à lutter contre le terrorisme. Suffiront-elles à lessiver les criminels?

« Les étapes du blanchiment d’argent ne se limitent pas à l’injection d’argent comptant dans une institution financière, rappelle Dominic Hurtubise, directeur exécutif, Crimes financiers au Canada, pour la firme KPMG. Les fonds transitant par les banques peuvent ensuite être investis dans des produits d’assurance, des obligations, des actions et autres produits financiers. »

Accompagné d’Éric Lachapelle, associé et co-leader national, Crimes financiers au Canada, pour la firme KPMG, il prononçait une allocution en septembre dernier dans le cadre de la troisième journée-conférence de la section montréalaise de l’Association of Certified Anti-Money Laundering Specialists (ACAMS).

DES LACUNES À CORRIGER

En 2015-2016, le Groupe d’action financière (GAFI), organisme international, a évalué le régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes pour en vérifier la conformité à ses normes, et a cerné un certain nombre de lacunes à corriger.

De son côté, le gouvernement fédéral a modifié la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (LRPC-FAT) en 2014 et en 2017 afin de renforcer le régime canadien. Ainsi, les promoteurs de nouveaux produits financiers doivent prévoir la façon dont les criminels pourraient les utiliser à mauvais escient. De plus, les personnes politiquement à risque doivent être suivies de plus près.

Des changements réglementaires sont encore nécessaires afin de permettre la mise en œuvre des modifications législatives et de garantir que les mesures canadiennes soient harmonisées avec les normes du GAFI.

Ceux-ci entreront en vigueur en juin 2021 et renforcent la LRPC-FAT de plusieurs manières, notamment :

  • en mettant à jour les exigences du devoir de vigilance à l’égard de la clientèle;
  • en réglementant les entreprises qui font le commerce de la monnaie virtuelle;
  • en mettant à jour les annexes aux règlements;
  • en incluant les entreprises étrangères de services monétaires dans la LRPC-FAT;
  • en mettant à jour les exigences en matière de production de rapports sur la propriété effective dans les rapports d’opérations douteuses;
  • en précisant un certain nombre d’exigences actuelles;
  • en apportant des modifications techniques mineures.

Le gouvernement fédéral et l’industrie ne s’entendent pas sur le coût de telles mesures pour l’ensemble du secteur financier (les « entités déclarantes »). L’État l’évalue à 61 millions de dollars sur dix ans, l’industrie prévoyant plutôt de 500 millions à un milliard de dollars pour l’ensemble des entités déclarantes : banques, assurances, maisons de courtage, etc.

Pour Éric Lachapelle, malgré que les changements apportés soient nombreux et touchent l’ensemble de l’industrie, d’autres sont à venir, notamment pour assujettir les transporteurs de valeurs (tels que Brinks, Sécur, etc.) à la réglementation.

Il estime qu’il faut prendre ces nouvelles exigences au sérieux pour éviter les risques de pénalité et les pertes de réputation. Leur mise en place sera longue et coûteuse; il incite les conseillers et les cabinets à commencer tôt à prendre connaissance des changements qui s’appliqueront à eux afin d’être à temps pour les dates butoirs, principalement en juin 2021. Et à ne pas hésiter à vous faire accompagner par des professionnels en crimes financiers, que l’on retrouve dans les cabinets de comptables et d’avocats, tout au long de ce processus de changement.

Tous ces investissements sont-ils rentables pour épingler les criminels? « Il n’existe pas de statistiques éloquentes pour déterminer l’efficacité des changements, reconnaît Éric Lachapelle. Par contre, je considère que le Canada a raison d’emboîter le pas. Les renseignements financiers sont importants dans les enquêtes policières. »

André Giroux