La nouvelle stratégie de la Caisse

Par Alexandre Daudelin | 18 mai 2011 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
10 minutes de lecture

Une équipe brillante M. Sabia déclare avoir été très impressionné par les compétences du personnel de l’organisation pendant ses deux premières années à la tête de la Caisse. «Mes éloges peuvent paraître banals, mais ils sont extrêmement sincères. Je suis particulièrement fier de notre groupe de direction et de l’engagement de tous nos employés, qui est très important à long terme. Notre culture évolue dans la bonne direction et, de plus en plus, nous travaillons en équipe. Ce qui compte, c’est la façon dont se fait le travail et comment les décisions sont prises.»

Nouvelle structure de gouvernance Pour mettre en oeuvre ses quatre principes, la Caisse a adopté une nouvelle structure de gouvernance comportant trois groupes décisionnaires : le comité de direction, qui intervient de plus en plus dans les grandes questions stratégiques et les décisions de placement; le comité de gestion des risques, qui évalue les risques liés à l’évolution de divers facteurs; et le comité des placements, qui s’intéresse aux perspectives des marchés financiers.

«Nous essayons d’encourager les échanges entre les groupes. Depuis environ un an, nous mettons fin au cloisonnement et tâchons de transmettre davantage d’information à l’échelle de l’organisation. Ce genre de collaboration se traduira par de meilleures décisions de placement à long terme», explique M. Sabia.

En 2010, la Caisse a réalisé l’essentiel de son rendement dans les portefeuilles fermés, mais M. Sabia n’y voit pas une tendance majeure. «Nos placements varieront d’année en année, selon la situation des marchés, affirme-t-il. Nous rechercherons toujours un équilibre relatif entre les titres négociés en bourse et les valeurs moins liquides. Nous avons toujours fait une part importante aux actifs immobilisés (actions de sociétés fermées, immobilier et infrastructures) et continuerons d’exploiter nos points forts.»

Des perspectives prometteuses Le potentiel de l’organisation est ce qui motive M. Sabia. Selon lui, la Caisse pourrait devenir un leader mondial dans les placements institutionnels. «Nous avons l’expertise, l’actif et l’envergure nécessaires. Mon objectif est de réaliser ce potentiel. Nous disposons de talents exceptionnels, à la fois pour répondre aux besoins des déposants et pour donner au Québec une présence sur les marchés mondiaux. La Caisse peut largement contribuer à la prospérité de la province. C’est la raison pour laquelle je suis à la barre.»

Changements majeurs depuis la crise Au cours des deux dernières années, la Caisse a eu beaucoup moins recours à l’effet de levier. «Par rapport à la fin de 2008, notre ratio de levier a diminué d’environ 50 %. Sa réduction est en grande partie accomplie, mais nous continuerons de le peaufiner. Maintenant, nous souhaitons aussi abaisser ce ratio dans l’immobilier.»

La Caisse a été vivement critiquée en 2008 pour ses placements dans le papier commercial adossé à des créances. Depuis, elle a largement revu ses stratégies axées sur les produits dérivés. «Les produits dérivés ont mauvaise presse, mais il faut savoir qu’il en existe deux catégories, explique M. Sabia. Il y a des produits dérivés négociés en bourse, comme les contrats à terme et les options, que nous continuerons d’utiliser, car ils sont faciles à comprendre, utiles et importants.»

«Il y a aussi des produits dérivés beaucoup plus spécialisés, conçus presque sur mesure et non négociés en bourse, que nous emploierons avec beaucoup plus de prudence. L’erreur est d’utiliser des produits dérivés que l’on ne maîtrise pas vraiment. Dans ce domaine, il faut vraiment savoir ce que l’on fait », assure-t-il.

Stratégies gagnantes M. Sabia estime que la Caisse, comme tout autre investisseur institutionnel, doit revoir régulièrement la répartition de son actif. La conjoncture économique actuelle justifie à la fois l’optimisme et le pessimisme. «Le problème de la dette souveraine en Europe et la flambée des prix pétroliers découlant de la situation au Moyen-Orient ont des répercussions sur les marchés. D’un autre côté, le redressement de l’économie, la croissance de l’emploi et la progression des bénéfices des entreprises, aux États-Unis, sont encourageants. Nous devons revoir régulièrement la répartition de notre actif pour protéger notre portefeuille et tirer pleinement parti des possibilités offertes par l’économie mondiale.»

«Le rendement à long terme est toutefois ce qui nous importe le plus. Nous devons par conséquent tenir le cap et ne pas chercher à rajuster notre portefeuille en fonction de la dernière saveur de mois », ajoute-t-il.

M. Sabia révèle aussi que la Caisse envisage de miser davantage sur les pays émergents. Il a pu observer, comme tout le monde, le positionnement de l’économie mondiale au profit des marchés en plein essor. «Au cours des prochaines années, plus de 50 % de la croissance économique mondiale sera attribuable à ces marchés. Il y a là des possibilités intéressantes de rendement. Nous devons décider de l’approche à suivre à cet égard, tout en respectant nos quatre principes.»

Pendant l’année, M. Sabia veillera à ce que la Caisse se dote d’un portefeuille robuste pour faire face aux fluctuations de l’économie mondiale. Il passera ensuite à une stratégie plus offensive. «Ce virage est essentiel si nous voulons tirer parti d’un contexte très différent de celui qui existait il y a 10 ans. Notre transformation organisationnelle nous positionnera avantageusement dans ce nouveau contexte.»

Point de vue de Michael Sabia

Que répondez-vous à ceux qui considèrent que la Caisse de dépôt n’investit pas assez au Québec? M. S. – Pour moi, il s’agit d’un faux débat, puisque les deux vont de pair. Sur le plan légal, le mandat de la Caisse est de générer des rendements optimaux pour ses déposants tout en contribuant activement au développement économique du Québec.

Nous sommes mieux positionnés que quiconque au Québec pour bien comprendre les enjeux économiques mondiaux. Par ailleurs, nous sommes au centre de l’économie québécoise et nous nous assurons que nos gestionnaires le comprennent profondément. Notre maîtrise de l’information nous procure un avantage compétitif qui nous permet justement d’investir localement en plus d’obtenir des rendements fort intéressants.

Il y a quelques années, la Caisse de dépôt et placement du Québec a appuyé les principes pour l’investissement responsable des Nations Unies. Ces principes font-ils encore partie de votre philosophie? M.S.- Absolument. Nous avons récemment passé en revue nos propres principes pour l’investissement responsable. En tant qu’investisseur de fonds publics, nous nous devions de le faire et cela va rester un élément important de notre approche. Jusqu’à présent, nous avons surtout cherché à entamer un dialogue avec les entreprises, sur les politiques de rémunération par exemple. Nous sommes maintenant prêts à décider des produits dans lesquels nous refuserons d’investir au cours des prochaines années.

La Caisse a récemment annoncé qu’elle revoir son modèle d’affaires des technologies de l’information. Qu’est-ce que cela suppose? M. S. – Il est crucial pour nous de pouvoir transmettre l’information à l’intérieur de l’organisation. Jusqu’à présent, notre système d’information répondait à des besoins individuels. Nous devions modifier notre architecture pour faciliter la communication.

La Caisse a toujours fait appel à un grand nombre de consultants. Nous abandonnons actuellement cette formule et remplaçons les consultants par du personnel interne pour pouvoir mieux ancrer nos connaissances dans l’organisation.

La Caisse a réduit ses dépenses grâce à la mise en oeuvre d’un nouveau modèle d’exploitation. Tous les efforts dans ce sens ont-ils déjà été accomplis? M.S. – Il s’agit d’un processus permanent, mais une grande partie du travail est terminé. Nous cherchons constamment des façons de devenir plus efficaces et de limiter nos coûts. Depuis le début de 2009, nous les avons réduits de 14 %, soit de 43 millions de dollars. Nous nous classons dans les premiers rangs des investisseurs institutionnels mondiaux à cet égard. À la fin de 2010, nos coûts s’établissaient à 19,4 cents par tranche de 1 000 $ d’actif, ce qui représente déjà une performance enviable.

Alexandre Daudelin

Après s’être cantonnée deux ans en défensive, la Caisse passe à l’offensive.

Michael Sabia a été nommé président et chef de la direction de la Caisse de dépôt et placement du Québec en mars 2009, en pleine crise financière. Depuis, il a profité de la reprise de l’économie mondiale pour instaurer une nouvelle philosophie au sein de l’organisation. Des résultats intéressants ont déjà été obtenus : en 2010, la Caisse a dégagé un rendement global de 13,6 %, supérieur de 4,1 points à celui de son portefeuille repère.

En 2009 et 2010, la Caisse – qui gère les régimes de pension publics du Québec et est aussi le plus important gestionnaire de fonds au Canada – a adopté un certain nombre de changements, de nature surtout défensive. Elle a considérablement simplifié ses stratégies de placement, par exemple, et s’est concentrée sur la gestion du risque. Elle a aussi déployé beaucoup d’efforts pour rétablir la confiance des déposants, ce qui n’était pas une mince affaire. Dans toutes ces réalisations, la transparence a été le mot d’ordre de M. Sabia. «Nous nous sommes dotés d’outils nous permettant de mieux réagir aux fluctuations des marchés. Nous n’investissons maintenant que dans des instruments que nous maîtrisons parfaitement. Nous avons liquidé tous les placements qui ne faisaient pas partie de cette catégorie. Notre nouvelle assise découle de ces changements.»

M. Sabia se guide sur quatre principes, tous inspirés du bon sens : prudence, rigueur, souci du client et simplicité. Il souligne que la vision de la Caisse restera axée sur ces principes. Il ajoute toutefois qu’une stratégie défensive ne suffit pas. «Nous devons maintenant passer à l’offensive. Nous nous sommes dotés d’une base solide au cours des deux dernières années, mais il est temps de passer à la deuxième étape, c’est-à-dire de déterminer comment et dans quelles circonstances nous pouvons générer les rendements dont nos déposants ont besoin à long terme.»

La Caisse a adapté ses stratégies de placement aux changements qui se sont produits dans l’économie des pays de l’OCDE. Elle a aussi pris en compte le grand intérêt des investisseurs institutionnels envers les pays émergents et les ressources naturelles. Elle a enfin décidé de tirer parti de son expertise dans l’immobilier.

Une équipe brillante M. Sabia déclare avoir été très impressionné par les compétences du personnel de l’organisation pendant ses deux premières années à la tête de la Caisse. «Mes éloges peuvent paraître banals, mais ils sont extrêmement sincères. Je suis particulièrement fier de notre groupe de direction et de l’engagement de tous nos employés, qui est très important à long terme. Notre culture évolue dans la bonne direction et, de plus en plus, nous travaillons en équipe. Ce qui compte, c’est la façon dont se fait le travail et comment les décisions sont prises.»

Nouvelle structure de gouvernance Pour mettre en oeuvre ses quatre principes, la Caisse a adopté une nouvelle structure de gouvernance comportant trois groupes décisionnaires : le comité de direction, qui intervient de plus en plus dans les grandes questions stratégiques et les décisions de placement; le comité de gestion des risques, qui évalue les risques liés à l’évolution de divers facteurs; et le comité des placements, qui s’intéresse aux perspectives des marchés financiers.

«Nous essayons d’encourager les échanges entre les groupes. Depuis environ un an, nous mettons fin au cloisonnement et tâchons de transmettre davantage d’information à l’échelle de l’organisation. Ce genre de collaboration se traduira par de meilleures décisions de placement à long terme», explique M. Sabia.

En 2010, la Caisse a réalisé l’essentiel de son rendement dans les portefeuilles fermés, mais M. Sabia n’y voit pas une tendance majeure. «Nos placements varieront d’année en année, selon la situation des marchés, affirme-t-il. Nous rechercherons toujours un équilibre relatif entre les titres négociés en bourse et les valeurs moins liquides. Nous avons toujours fait une part importante aux actifs immobilisés (actions de sociétés fermées, immobilier et infrastructures) et continuerons d’exploiter nos points forts.»

Des perspectives prometteuses Le potentiel de l’organisation est ce qui motive M. Sabia. Selon lui, la Caisse pourrait devenir un leader mondial dans les placements institutionnels. «Nous avons l’expertise, l’actif et l’envergure nécessaires. Mon objectif est de réaliser ce potentiel. Nous disposons de talents exceptionnels, à la fois pour répondre aux besoins des déposants et pour donner au Québec une présence sur les marchés mondiaux. La Caisse peut largement contribuer à la prospérité de la province. C’est la raison pour laquelle je suis à la barre.»

Changements majeurs depuis la crise Au cours des deux dernières années, la Caisse a eu beaucoup moins recours à l’effet de levier. «Par rapport à la fin de 2008, notre ratio de levier a diminué d’environ 50 %. Sa réduction est en grande partie accomplie, mais nous continuerons de le peaufiner. Maintenant, nous souhaitons aussi abaisser ce ratio dans l’immobilier.»

La Caisse a été vivement critiquée en 2008 pour ses placements dans le papier commercial adossé à des créances. Depuis, elle a largement revu ses stratégies axées sur les produits dérivés. «Les produits dérivés ont mauvaise presse, mais il faut savoir qu’il en existe deux catégories, explique M. Sabia. Il y a des produits dérivés négociés en bourse, comme les contrats à terme et les options, que nous continuerons d’utiliser, car ils sont faciles à comprendre, utiles et importants.»

«Il y a aussi des produits dérivés beaucoup plus spécialisés, conçus presque sur mesure et non négociés en bourse, que nous emploierons avec beaucoup plus de prudence. L’erreur est d’utiliser des produits dérivés que l’on ne maîtrise pas vraiment. Dans ce domaine, il faut vraiment savoir ce que l’on fait », assure-t-il.

Stratégies gagnantes M. Sabia estime que la Caisse, comme tout autre investisseur institutionnel, doit revoir régulièrement la répartition de son actif. La conjoncture économique actuelle justifie à la fois l’optimisme et le pessimisme. «Le problème de la dette souveraine en Europe et la flambée des prix pétroliers découlant de la situation au Moyen-Orient ont des répercussions sur les marchés. D’un autre côté, le redressement de l’économie, la croissance de l’emploi et la progression des bénéfices des entreprises, aux États-Unis, sont encourageants. Nous devons revoir régulièrement la répartition de notre actif pour protéger notre portefeuille et tirer pleinement parti des possibilités offertes par l’économie mondiale.»

«Le rendement à long terme est toutefois ce qui nous importe le plus. Nous devons par conséquent tenir le cap et ne pas chercher à rajuster notre portefeuille en fonction de la dernière saveur de mois », ajoute-t-il.

M. Sabia révèle aussi que la Caisse envisage de miser davantage sur les pays émergents. Il a pu observer, comme tout le monde, le positionnement de l’économie mondiale au profit des marchés en plein essor. «Au cours des prochaines années, plus de 50 % de la croissance économique mondiale sera attribuable à ces marchés. Il y a là des possibilités intéressantes de rendement. Nous devons décider de l’approche à suivre à cet égard, tout en respectant nos quatre principes.»

Pendant l’année, M. Sabia veillera à ce que la Caisse se dote d’un portefeuille robuste pour faire face aux fluctuations de l’économie mondiale. Il passera ensuite à une stratégie plus offensive. «Ce virage est essentiel si nous voulons tirer parti d’un contexte très différent de celui qui existait il y a 10 ans. Notre transformation organisationnelle nous positionnera avantageusement dans ce nouveau contexte.»

Point de vue de Michael Sabia

Que répondez-vous à ceux qui considèrent que la Caisse de dépôt n’investit pas assez au Québec? M. S. – Pour moi, il s’agit d’un faux débat, puisque les deux vont de pair. Sur le plan légal, le mandat de la Caisse est de générer des rendements optimaux pour ses déposants tout en contribuant activement au développement économique du Québec.

Nous sommes mieux positionnés que quiconque au Québec pour bien comprendre les enjeux économiques mondiaux. Par ailleurs, nous sommes au centre de l’économie québécoise et nous nous assurons que nos gestionnaires le comprennent profondément. Notre maîtrise de l’information nous procure un avantage compétitif qui nous permet justement d’investir localement en plus d’obtenir des rendements fort intéressants.

Il y a quelques années, la Caisse de dépôt et placement du Québec a appuyé les principes pour l’investissement responsable des Nations Unies. Ces principes font-ils encore partie de votre philosophie? M.S.- Absolument. Nous avons récemment passé en revue nos propres principes pour l’investissement responsable. En tant qu’investisseur de fonds publics, nous nous devions de le faire et cela va rester un élément important de notre approche. Jusqu’à présent, nous avons surtout cherché à entamer un dialogue avec les entreprises, sur les politiques de rémunération par exemple. Nous sommes maintenant prêts à décider des produits dans lesquels nous refuserons d’investir au cours des prochaines années.

La Caisse a récemment annoncé qu’elle revoir son modèle d’affaires des technologies de l’information. Qu’est-ce que cela suppose? M. S. – Il est crucial pour nous de pouvoir transmettre l’information à l’intérieur de l’organisation. Jusqu’à présent, notre système d’information répondait à des besoins individuels. Nous devions modifier notre architecture pour faciliter la communication.

La Caisse a toujours fait appel à un grand nombre de consultants. Nous abandonnons actuellement cette formule et remplaçons les consultants par du personnel interne pour pouvoir mieux ancrer nos connaissances dans l’organisation.

La Caisse a réduit ses dépenses grâce à la mise en oeuvre d’un nouveau modèle d’exploitation. Tous les efforts dans ce sens ont-ils déjà été accomplis? M.S. – Il s’agit d’un processus permanent, mais une grande partie du travail est terminé. Nous cherchons constamment des façons de devenir plus efficaces et de limiter nos coûts. Depuis le début de 2009, nous les avons réduits de 14 %, soit de 43 millions de dollars. Nous nous classons dans les premiers rangs des investisseurs institutionnels mondiaux à cet égard. À la fin de 2010, nos coûts s’établissaient à 19,4 cents par tranche de 1 000 $ d’actif, ce qui représente déjà une performance enviable.

Après s’être cantonnée deux ans en défensive, la Caisse passe à l’offensive.

Michael Sabia a été nommé président et chef de la direction de la Caisse de dépôt et placement du Québec en mars 2009, en pleine crise financière. Depuis, il a profité de la reprise de l’économie mondiale pour instaurer une nouvelle philosophie au sein de l’organisation. Des résultats intéressants ont déjà été obtenus : en 2010, la Caisse a dégagé un rendement global de 13,6 %, supérieur de 4,1 points à celui de son portefeuille repère.

En 2009 et 2010, la Caisse – qui gère les régimes de pension publics du Québec et est aussi le plus important gestionnaire de fonds au Canada – a adopté un certain nombre de changements, de nature surtout défensive. Elle a considérablement simplifié ses stratégies de placement, par exemple, et s’est concentrée sur la gestion du risque. Elle a aussi déployé beaucoup d’efforts pour rétablir la confiance des déposants, ce qui n’était pas une mince affaire. Dans toutes ces réalisations, la transparence a été le mot d’ordre de M. Sabia. «Nous nous sommes dotés d’outils nous permettant de mieux réagir aux fluctuations des marchés. Nous n’investissons maintenant que dans des instruments que nous maîtrisons parfaitement. Nous avons liquidé tous les placements qui ne faisaient pas partie de cette catégorie. Notre nouvelle assise découle de ces changements.»

M. Sabia se guide sur quatre principes, tous inspirés du bon sens : prudence, rigueur, souci du client et simplicité. Il souligne que la vision de la Caisse restera axée sur ces principes. Il ajoute toutefois qu’une stratégie défensive ne suffit pas. «Nous devons maintenant passer à l’offensive. Nous nous sommes dotés d’une base solide au cours des deux dernières années, mais il est temps de passer à la deuxième étape, c’est-à-dire de déterminer comment et dans quelles circonstances nous pouvons générer les rendements dont nos déposants ont besoin à long terme.»

La Caisse a adapté ses stratégies de placement aux changements qui se sont produits dans l’économie des pays de l’OCDE. Elle a aussi pris en compte le grand intérêt des investisseurs institutionnels envers les pays émergents et les ressources naturelles. Elle a enfin décidé de tirer parti de son expertise dans l’immobilier.

Une équipe brillante M. Sabia déclare avoir été très impressionné par les compétences du personnel de l’organisation pendant ses deux premières années à la tête de la Caisse. «Mes éloges peuvent paraître banals, mais ils sont extrêmement sincères. Je suis particulièrement fier de notre groupe de direction et de l’engagement de tous nos employés, qui est très important à long terme. Notre culture évolue dans la bonne direction et, de plus en plus, nous travaillons en équipe. Ce qui compte, c’est la façon dont se fait le travail et comment les décisions sont prises.»

Nouvelle structure de gouvernance Pour mettre en oeuvre ses quatre principes, la Caisse a adopté une nouvelle structure de gouvernance comportant trois groupes décisionnaires : le comité de direction, qui intervient de plus en plus dans les grandes questions stratégiques et les décisions de placement; le comité de gestion des risques, qui évalue les risques liés à l’évolution de divers facteurs; et le comité des placements, qui s’intéresse aux perspectives des marchés financiers.

«Nous essayons d’encourager les échanges entre les groupes. Depuis environ un an, nous mettons fin au cloisonnement et tâchons de transmettre davantage d’information à l’échelle de l’organisation. Ce genre de collaboration se traduira par de meilleures décisions de placement à long terme», explique M. Sabia.

En 2010, la Caisse a réalisé l’essentiel de son rendement dans les portefeuilles fermés, mais M. Sabia n’y voit pas une tendance majeure. «Nos placements varieront d’année en année, selon la situation des marchés, affirme-t-il. Nous rechercherons toujours un équilibre relatif entre les titres négociés en bourse et les valeurs moins liquides. Nous avons toujours fait une part importante aux actifs immobilisés (actions de sociétés fermées, immobilier et infrastructures) et continuerons d’exploiter nos points forts.»

Des perspectives prometteuses Le potentiel de l’organisation est ce qui motive M. Sabia. Selon lui, la Caisse pourrait devenir un leader mondial dans les placements institutionnels. «Nous avons l’expertise, l’actif et l’envergure nécessaires. Mon objectif est de réaliser ce potentiel. Nous disposons de talents exceptionnels, à la fois pour répondre aux besoins des déposants et pour donner au Québec une présence sur les marchés mondiaux. La Caisse peut largement contribuer à la prospérité de la province. C’est la raison pour laquelle je suis à la barre.»

Changements majeurs depuis la crise Au cours des deux dernières années, la Caisse a eu beaucoup moins recours à l’effet de levier. «Par rapport à la fin de 2008, notre ratio de levier a diminué d’environ 50 %. Sa réduction est en grande partie accomplie, mais nous continuerons de le peaufiner. Maintenant, nous souhaitons aussi abaisser ce ratio dans l’immobilier.»

La Caisse a été vivement critiquée en 2008 pour ses placements dans le papier commercial adossé à des créances. Depuis, elle a largement revu ses stratégies axées sur les produits dérivés. «Les produits dérivés ont mauvaise presse, mais il faut savoir qu’il en existe deux catégories, explique M. Sabia. Il y a des produits dérivés négociés en bourse, comme les contrats à terme et les options, que nous continuerons d’utiliser, car ils sont faciles à comprendre, utiles et importants.»

«Il y a aussi des produits dérivés beaucoup plus spécialisés, conçus presque sur mesure et non négociés en bourse, que nous emploierons avec beaucoup plus de prudence. L’erreur est d’utiliser des produits dérivés que l’on ne maîtrise pas vraiment. Dans ce domaine, il faut vraiment savoir ce que l’on fait », assure-t-il.

Stratégies gagnantes M. Sabia estime que la Caisse, comme tout autre investisseur institutionnel, doit revoir régulièrement la répartition de son actif. La conjoncture économique actuelle justifie à la fois l’optimisme et le pessimisme. «Le problème de la dette souveraine en Europe et la flambée des prix pétroliers découlant de la situation au Moyen-Orient ont des répercussions sur les marchés. D’un autre côté, le redressement de l’économie, la croissance de l’emploi et la progression des bénéfices des entreprises, aux États-Unis, sont encourageants. Nous devons revoir régulièrement la répartition de notre actif pour protéger notre portefeuille et tirer pleinement parti des possibilités offertes par l’économie mondiale.»

«Le rendement à long terme est toutefois ce qui nous importe le plus. Nous devons par conséquent tenir le cap et ne pas chercher à rajuster notre portefeuille en fonction de la dernière saveur de mois », ajoute-t-il.

M. Sabia révèle aussi que la Caisse envisage de miser davantage sur les pays émergents. Il a pu observer, comme tout le monde, le positionnement de l’économie mondiale au profit des marchés en plein essor. «Au cours des prochaines années, plus de 50 % de la croissance économique mondiale sera attribuable à ces marchés. Il y a là des possibilités intéressantes de rendement. Nous devons décider de l’approche à suivre à cet égard, tout en respectant nos quatre principes.»

Pendant l’année, M. Sabia veillera à ce que la Caisse se dote d’un portefeuille robuste pour faire face aux fluctuations de l’économie mondiale. Il passera ensuite à une stratégie plus offensive. «Ce virage est essentiel si nous voulons tirer parti d’un contexte très différent de celui qui existait il y a 10 ans. Notre transformation organisationnelle nous positionnera avantageusement dans ce nouveau contexte.»

Point de vue de Michael Sabia

Que répondez-vous à ceux qui considèrent que la Caisse de dépôt n’investit pas assez au Québec? M. S. – Pour moi, il s’agit d’un faux débat, puisque les deux vont de pair. Sur le plan légal, le mandat de la Caisse est de générer des rendements optimaux pour ses déposants tout en contribuant activement au développement économique du Québec.

Nous sommes mieux positionnés que quiconque au Québec pour bien comprendre les enjeux économiques mondiaux. Par ailleurs, nous sommes au centre de l’économie québécoise et nous nous assurons que nos gestionnaires le comprennent profondément. Notre maîtrise de l’information nous procure un avantage compétitif qui nous permet justement d’investir localement en plus d’obtenir des rendements fort intéressants.

Il y a quelques années, la Caisse de dépôt et placement du Québec a appuyé les principes pour l’investissement responsable des Nations Unies. Ces principes font-ils encore partie de votre philosophie? M.S.- Absolument. Nous avons récemment passé en revue nos propres principes pour l’investissement responsable. En tant qu’investisseur de fonds publics, nous nous devions de le faire et cela va rester un élément important de notre approche. Jusqu’à présent, nous avons surtout cherché à entamer un dialogue avec les entreprises, sur les politiques de rémunération par exemple. Nous sommes maintenant prêts à décider des produits dans lesquels nous refuserons d’investir au cours des prochaines années.

La Caisse a récemment annoncé qu’elle revoir son modèle d’affaires des technologies de l’information. Qu’est-ce que cela suppose? M. S. – Il est crucial pour nous de pouvoir transmettre l’information à l’intérieur de l’organisation. Jusqu’à présent, notre système d’information répondait à des besoins individuels. Nous devions modifier notre architecture pour faciliter la communication.

La Caisse a toujours fait appel à un grand nombre de consultants. Nous abandonnons actuellement cette formule et remplaçons les consultants par du personnel interne pour pouvoir mieux ancrer nos connaissances dans l’organisation.

La Caisse a réduit ses dépenses grâce à la mise en oeuvre d’un nouveau modèle d’exploitation. Tous les efforts dans ce sens ont-ils déjà été accomplis? M.S. – Il s’agit d’un processus permanent, mais une grande partie du travail est terminé. Nous cherchons constamment des façons de devenir plus efficaces et de limiter nos coûts. Depuis le début de 2009, nous les avons réduits de 14 %, soit de 43 millions de dollars. Nous nous classons dans les premiers rangs des investisseurs institutionnels mondiaux à cet égard. À la fin de 2010, nos coûts s’établissaient à 19,4 cents par tranche de 1 000 $ d’actif, ce qui représente déjà une performance enviable.