La Suède envisage de taxer le secteur financier

Par La rédaction | 15 novembre 2016 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Taxes concept – keyboard with taxes button

Le gouvernement suédois pourrait taxer le secteur financier pour compenser l’absence de TVA (taxe sur la valeur ajoutée) sur cette activité et engranger des recettes potentielles de 700 millions d’euros (environ 1 G$) par an, rapporte l’Agence France-Presse.

C’est en tout cas la proposition faite la semaine dernière par un comité d’experts au pouvoir exécutif, qui associe les partis social-démocrate et écologiste.

Ce groupe de spécialistes lui recommande d’instaurer une taxe équivalant à 15 % de la masse salariale, un niveau qu’il juge acceptable, sachant que « pour éliminer totalement l’avantage de l’exemption de TVA », il faudrait, d’après ses calculs, monter à 40 %.

LES BANQUIERS FAROUCHEMENT HOSTILES

Depuis la crise financière de 2008, les banques suédoises contribuent déjà à un fonds créé en vue de réduire l’apport des contribuables dans d’éventuels plans de sauvetage en cas de faillite d’institutions financières. Calculée en fonction du montant de leurs actifs et de leur profil de risque, cette « cotisation » représentera environ 340 millions d’euros (496 M$) en 2016.

La nouvelle taxe devrait être plus lucrative pour l’État, puisque les experts estiment que son produit pourrait atteindre de 370 à 700 millions d’euros en 2018. Auparavant, la proposition du comité doit cependant être transformée en projet de loi, dont l’adoption demeure incertaine, car la gauche est minoritaire au Parlement et l’opposition de centre-droit est hostile à cette initiative.

Le milieu financier, quant à lui, y est farouchement opposé. Évoquant une « taxe punitive », l’Association suédoise des banques affirme que, d’après les calculs du cabinet Copenhagen Economics, cette mesure entraînerait la disparition de plus de 7 000 emplois sur les 85 000 actuels dans le secteur.

UNE MESURE PEU ENVISAGEABLE AU CANADA

Même s’il précise qu’il lui est « difficile de dire si cette situation est envisageable au Canada », Pierre Chaigneau, professeur de finance à HEC Montréal, estime qu’« il n’est pas difficile d’imaginer tous les effets pervers qui résulteraient d’une telle taxe, l’une des particularités du secteur financier étant qu’il est très mobile géographiquement », à l’exception des agences bancaires, qui sont des activités à faible valeur ajoutée.

En outre, « le Canada croît à un rythme faible avec une économie en restructuration, du fait de la fin de l’âge d’or des matières premières. Le secteur financer y joue un rôle important, notamment pour financer les projets de développement immobilier, les emprunts hypothécaires et les créations d’entreprises », souligne-t-il. Dans ce contexte économique fragile, « il serait étonnant que le gouvernement s’attaque au système financier », ajoute le spécialiste.

« En Europe, poursuit Pierre Chaigneau, la plupart des activités financières ont migré vers Londres, du fait des avantages comparatifs de la capitale britannique, et les grandes banques d’affaire n’avaient que de petites équipes, voire pas d’équipe du tout, dans la plupart des autres pays. Un banquier a seulement besoin d’un bureau, d’un téléphone, d’un ordinateur avec un accès à Internet et éventuellement un terminal Bloomberg pour travailler, et il peut le faire n’importe où dans le monde. »

« INSTAURER UNE TELLE TAXE SERAIT COMPLIQUÉ »

« La TD, par exemple, est déjà très active aux États-Unis, et les autres banques pourraient sérieusement songer à déplacer une partie de leurs activités si le gouvernement canadien s’attaquait au secteur. Un autre effet pervers pourrait être le développement d’activités financières parallèles en dehors du cadre visé par le nouvel impôt. Ces activités seraient moins bien encadrées et potentiellement plus dangereuses pour les épargnants et pour la stabilité financière. »

Enfin, la mise en place d’une telle taxe « serait vraisemblablement compliquée du fait de la nature même des activités financières ». La raison? « Il serait difficile d’écrire les textes pour éviter qu’il n’existe de nombreuses possibilités de contourner l’imposition », conclut Pierre Chaigneau.

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