La technologie: une arme à double tranchant

Par Carole Le Hirez | 16 mai 2022 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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L’investissement autonome, les fonds de cryptomonnaie et les outils propulsés par l’intelligence artificielle transforment le visage de l’industrie. Face à ces changements, les technologies facilitent en partie le rôle des conseillers mais apportent aussi leur lot de nouveaux défis.

L’âge moyen des investisseurs autonomes sur la plateforme de Banque Nationale Courtage direct (BNCD) a diminué de 10 ans depuis le début de la pandémie, a souligné son président, Claude Frédérick Robert, lors d’un panel sur l’impact des technologies présenté à l’occasion du colloque du Conseil des fonds d’investissement du Québec (CFIQ), le 10 mai.

L’utilisation des plateformes de courtage à escompte a explosé au cours des deux dernières années, passant de près de 8 millions de comptes ouverts au premier trimestre de 2020 à plus de 10 millions un an plus tard, avec une présence accrue des 18 à 34 ans, a ajouté Omar Diallo, directeur Fintech et innovation de l’Autorité des marchés financiers (AMF).

La convivialité et l’amusement figurent en tête des raisons qui motivent les clients à investir de manière autonome sur les plateformes numériques, précise le spécialiste, se référant à un sondage de l’Autorité effectué en 2021.

Le fait que ces plateformes utilisent la ludification, c’est-à-dire qu’elles s’inspirent de l’univers du jeu vidéo en offrant, par exemple, des primes et des récompenses aux utilisateurs pour accéder à certains paliers, tend à attirer davantage les jeunes et à minimiser les risques liés à l’utilisation de ces plateformes, estime le directeur.

LES FONDS DE CRYPTOMONNAIES POPULAIRES

Les fonds de cryptomonnaies bénéficient également de l’engouement pour l’investissement autonome. « En moins de cinq clics, vous avez accès à une plateforme étrangère non contrôlée dans laquelle vous pouvez investir tout votre argent… et le perdre », résume Louis Roy, président et leader de la technologie blockchain chez Catallaxy.

Les fonds de cryptomonnaies suscitent beaucoup d’intérêt chez les clients de BNCD, que ce soit pour investir ou pour demander de l’information à leur sujet, signale Claude Frédérick Robert. Les actifs des fonds négociés en Bourse (FNB) de cryptomonnaies gérés par l’institution ont presque doublé au cours de la dernière année.

Afin d’assurer la sécurité des investisseurs, la Banque offre l’accès aux produits de cryptomonnaies sous le contrôle de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) pour les investisseurs autonomes, ou avec l’aide d’un conseiller par l’intermédiaire de Financière Banque Nationale pour les investisseurs qui souhaitent être guidés. « Et comme tous les autres placements alternatifs, ils ne peuvent représenter qu’une portion limitée du portefeuille d’un client », ajoute le président.

LA VALEUR DU CONSEIL HUMAIN

Le rôle du conseiller pourrait donc s’affaiblir dans cet environnement de plus en plus dominé par la technologie, mais ce n’est pas le cas, bien au contraire, considère Claude Frédérick Robert. « Nous croyons à la valeur ajoutée du conseil humain, car il permet de mieux gérer l’aspect émotif des clients en leur recommandant, par exemple, de ne pas sortir de leurs positions en cas de forte baisse des marchés, comme c’est arrivé les jours derniers », souligne-t-il.

Il cite une étude de Vanguard selon laquelle 90 % des clients qui reçoivent du conseil de la part d’un humain ne changeraient pas pour un conseiller numérique. Chez les millénariaux, 40 % des utilisateurs déclarent préférer faire affaire avec un conseiller en personne, selon la même étude.

Les technologies ont certes un rôle important à jouer, mais il ne doit pas être décisionnel, considère pour sa part Jean-Marc Patenaude, vice-président technologie de Laplace Insights, une fintech spécialisée en intelligence artificielle (IA). « Les technologies peuvent être un couteau a deux tranchants. Elles sont utiles pour outiller l’analyse et la réflexion, mais elles ne remplacent pas le jugement humain. »

Un conseiller peut éclairer un client en lui apportant une profondeur de connaissances, illustre-t-il. « Si les marchés continuent à être à la baisse, les conseillers vont être plus occupés pour aider leurs clients. En marché haussier, les clients ont plus tendance à se prendre pour des experts et à se passer du conseiller. »

L’IA, UNE AIDE À LA RÉFLEXION

Face aux changements, l’intelligence artificielle permettra aux gestionnaires d’être plus efficaces et de servir les clients encore plus rapidement à l’avenir, croit Jean-Marc Patenaude. « L’IA change les règles du jeu, notamment dans la gestion des portefeuilles », indique-t-il. Il cite une étude de Gartner selon laquelle les gestionnaires qui utilisent l’IA pour analyser les portefeuilles obtiennent une performance supérieure de 46 % par rapport aux gestionnaires qui se limitent à l’analyse quantitative.

L’IA peut aussi servir à améliorer l’expérience client, croit Claude Frédérick Robert. BNCD a ainsi lancé durant la pandémie un assistant virtuel pour répondre plus rapidement aux questions des clients. La firme utilise également un algorithme pour accélérer l’approbation des ouvertures de compte, afin de permettre à un nombre plus élevé de clients d’investir plus rapidement.

Selon Louis Roy, cette technologie pourrait être également utile, si elle est utilisée en amont du développement des nouveaux produits de cryptomonnaies et de jetons non fongibles (NFT), pour rendre la conformité plus efficiente, notamment en ce qui concerne le suivi des actifs numériques et de la chaine de blocs. Cet aspect est critique, alors que les fraudes relatives aux plateformes de cryptomonnaies ne cessent d’augmenter.