L’AMF joue la carte fintech

Par Hélène Roulot-Ganzmann | 24 novembre 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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L’Autorité des marchés financiers (AMF) a annoncé la nomination de Moad Fahmi au nouveau poste de directeur fintech et innovation. Conseiller s’est entretenu avec lui.

Conseiller : Pourquoi nommer un directeur fintech et innovation seulement maintenant?

Moad Fahmi : L’écosystème fintech se développe depuis plusieurs années partout dans le monde et le Canada et le Québec ne font pas figure d’exception. Au fur et à mesure, l’AMF a mis en place des dispositifs pour pouvoir jouer son rôle de régulateur dans ce secteur, comme dans le reste de l’industrie. L’Autorité vient également d’adopter son plan stratégique 2017-2020 et plusieurs objectifs centraux concernent les fintechs et l’innovation. Pour atteindre ces objectifs, il nous a paru important de mieux structurer les différentes initiatives que nous avons mises en place. Il s’agit à la fois de tirer avantage de ce que les fintechs peuvent apporter, mais aussi de nous assurer que le public soit protégé.

À quoi ressemble l’écosystème fintech au Québec aujourd’hui?

Il est naissant mais en pleine ébullition. Il y a d’un coté les grandes firmes financières, banques, compagnies d’assurances, gestionnaires de patrimoine, etc., qui souhaitent profiter des nouvelles technologies et de l’intelligence artificielle pour trouver de nouvelles façons de contacter les consommateurs en leur proposant des solutions très personnalisées. Et puis, il y a de plus en plus de petites entreprises. On en recense entre 60 et 100 aujourd’hui à Montréal, mais pour plein de raisons, nous nous attendons à ce que ce chiffre augmente rapidement.

Quelles sont ces raisons?

Nous avons mis en place un courriel unique permettant à tous ceux qui souhaitent se lancer dans le domaine de nous contacter et de nous poser des questions. Vu la réaction que nous récoltons, je vous assure qu’il y a plusieurs petits joueurs sur les lignes de côté, dans leur salon, qui n’attendent que de se lancer. Il y a aussi le projet de loi 141, qui ouvre la porte à la vente en ligne de produits financiers sans passer par une personne physique. Ça nous oblige, en tant que régulateur, à développer un cadre pour protéger le public, mais ça va ouvrir des opportunités d’affaires à la fois pour les firmes traditionnelles et de nouveaux joueurs. Enfin, Finance Montréal souhaite lancer un hub fintech afin de faire de la métropole un pôle d’excellence en la matière. Le gouvernement du Québec a d’ailleurs débloqué[1] des fonds à cet effet dans son dernier budget.

Comment comptez-vous accompagner ces entreprises?

Nous le faisons déjà avec notre bac à sable réglementaire. Nous instaurons un dialogue avec les entreprises qui arrivent avec un produit ou un modèle d’affaires réellement novateur. Il peut s’agir de plateformes en ligne, de financement participatif, d’entreprises effectuant certaines activités ou qui donnent des conseils grâce à l’intelligence artificielle, la cryptomonnaie, etc. Nous les amenons à comprendre leurs obligations. De notre côté, toutes ces informations nous permettent de voir vers quoi s’en va l’industrie et de réfléchir ainsi aux moyens à mettre en place pour protéger le public.

Quels sont les enjeux spécifiques aux fintechs du point de vue du régulateur?

Ce sont des entreprises qui passent très vite de too small to care à too big to ignore à too big to fail. L’accélération rapide de certaines de ces entreprises nous oblige à nous positionner très vite. C’est pour cela que nous avons mis en place une stratégie de proximité. Afin de bien voir quelles entreprises vont avoir un impact demain. Aussi, ces entreprises financières deviennent de plus en plus des sources de données. Ça modifie la façon dont l’Autorité va accomplir son travail. Nous voulons être un régulateur innovant, à valeur ajoutée, proactif. Nous devons nous aussi réfléchir à la manière dont le régulateur peut utiliser les nouvelles technologies pour accomplir son mandat. Au fur et à mesure que des données sont générées, nous aussi, nous allons être capables de les utiliser.

[1] Un million et demi de dollars sur deux ans sera versé à Finance Montréal pour la création d’un pôle d’excellence destiné aux fintechs.

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Hélène Roulot-Ganzmann