L’AMF nie les allégations de collusion

Par La rédaction | 30 octobre 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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L’Autorité des marchés financiers (AMF) réfute les allégations selon lesquelles elle serait impliquée dans un « stratagème allégué » aux côtés de l’Unité permanente anticorruption (UPAC) et d’une firme de consultants.

Dans un communiqué, elle précise qu’elle « tient à démentir haut et fort les allégations contenues dans un article de journal, qui fait état d’un “stratagème allégué impliquant l’UPAC, l’AMF et une firme de consultants” ».

« Ces allégations sont non seulement fausses et d’une totale gratuité, mais elles entachent la réputation et l’intégrité de l’ensemble du personnel de l’Autorité », ajoute le communiqué, dans lequel il est notamment spécifié que celle-ci « n’intervient pas dans le choix d’une firme de consultants » (voir l’encadré).

UNE ANALYSTE ET UN DÉPUTÉ LIBÉRAL INTERROGÉS PAR L’UPAC

L’article dont il est question vise Le Journal de Montréal, qui publie les extraits d’une entrevue avec Annie Trudel, analyste spécialisée dans la lutte contre la corruption. Celle-ci y révèle notamment avoir été interpellée la semaine dernière par deux policiers membres de l’UPAC alors qu’elle était en train de marcher dans une rue à Montréal. Le quotidien précise que cette interpellation, qui a duré une quinzaine de minutes, s’est produite mercredi, un peu avant que le député Guy Ouellette ne se retrouve lui aussi dans la même situation, mais cette fois à Québec.

Annie Trudel indique que les enquêteurs l’ont informée qu’elle était soupçonnée d’avoir détruit des preuves dans le cadre d’une enquête concernant le financement du Parti libéral du Québec. Devant son refus de répondre à leurs questions, ceux-ci auraient alors menacé de l’arrêter. Selon le JdeM, les policiers ont toutefois changé d’avis après que l’un d’eux a téléphoné à sa hiérarchie et elle a finalement été relâchée. « J’ai été en état d’arrestation pendant une quinzaine de minutes pour destruction de preuve », a-t-elle déclaré, précisant n’avoir fait l’objet d’aucune accusation.

Après cette brève arrestation, les policiers de l’UPAC ont interpellé et questionné Guy Ouellette durant plusieurs heures, avant de le relâcher dans la nuit de mercredi à jeudi. Le Journal précise que jusqu’ici, aucune accusation n’a été portée contre le représentant libéral de la circonscription de Chomedey, qui a annoncé son intention de siéger temporairement comme député indépendant.

« J’ESPÈRE QUE GUY OUELLETTE NE SE LAISSERA PAS INTIMIDER »

D’après Annie Trudel, les policiers ont néanmoins continué à les suivre tous les deux dans les jours qui ont suivi. Ainsi, vendredi, alors qu’ils se trouvaient ensemble au centre-ville de Montréal, ils ont constaté qu’ils faisaient l’objet d’une filature. L’UPAC n’a pas répondu à une demande du journal de lui confirmer le nombre d’arrestations effectuées mercredi, mais dans un communiqué diffusé sur son site web, elle mentionne « une arrestation en cours d’enquête », sans fournir de précisions quant à l’identité de la personne arrêtée.

« Guy Ouellette a été arrêté parce qu’il s’apprêtait à faire des révélations potentiellement dévastatrices pour l’UPAC », écrit le JdeM, qui indique reprendre les propos d’Annie Trudel. Dans l’entrevue que l’analyste a accordé à son Bureau d’enquête, celle-ci soutient que le député entendait en effet dévoiler un stratagème allégué impliquant l’Unité, l’AMF ainsi qu’une firme de consultants. Selon elle, l’AMF aurait ainsi recommandé à des entreprises « de s’adresser à une certaine firme de consultant pour faire faire les diagnostics [et] appliquer les recommandations [de l’UPAC] », mais ce processus serait entaché d’arbitraire et coûterait une petite fortune aux compagnies concernées, jusqu’à 600 000 dollars, voire un million, dans deux cas précis.

L’analyste dit par ailleurs « espérer » que le député de Chomedey se rendra très rapidement à l’Assemblée nationale afin de révéler ce qu’il sait de cette affaire. « M. Ouellette va juger s’il doit le faire ou non. J’espère qu’il va y aller. J’espère qu’il ne se laissera pas intimider, j’espère qu’il va continuer à faire tout ce qu’il peut faire à titre d’élu pour représenter les citoyens », déclare-t-elle, précisant que c’est elle qui l’a informé, ainsi que deux autres élus, de la situation de « collusion » impliquant l’UPAC, l’Autorité et la firme de consultants.

Que répond l’AMF?

Pour sa défense, l’Autorité rappelle que depuis janvier 2013, toute entreprise souhaitant conclure des contrats publics doit lui présenter une demande. Celle-ci est ensuite transmise à l’UPAC, qui a la responsabilité de vérifier son intégrité et celle de ses dirigeants, en collaboration avec la Sûreté du Québec, Revenu Québec, la Régie du bâtiment du Québec et la Commission de la construction du Québec. Une fois ces vérifications achevées, l’UPAC lui transmet un avis favorable ou défavorable.

Dans ce dernier cas, l’Autorité transmet à l’entreprise un préavis de refus ou une demande de correctifs, dans lequel elle explique les motifs pouvant mener éventuellement à un refus de délivrance d’une autorisation. Il revient alors à la compagnie d’apporter les correctifs souhaités pouvant ensuite mener à une réponse positive à sa demande.

« En aucun cas et à aucun moment dans ce processus, l’Autorité n’intervient afin de suggérer à une entreprise de recourir à une firme de consultants en particulier pour l’aider dans son dossier. Le recours à une firme de consultants pour notamment assainir ses pratiques de gouvernance ou confirmer la solidité de ses contrôles internes revient en tout temps à l’entreprise elle-même ».

Source : AMF.

Qui est Annie Trudel?

L’analyste a notamment travaillé au sein de l’ex-Unité anticollusion (UAC) entre 2010 et 2011, sous la direction de Jacques Duchesneau. Elle a ensuite été affectée à l’UPAC de 2011 à 2013 avant d’être recrutée par l’ex-ministre des Transports Robert Poëti « pour enquêter sur certaines irrégularités dans des pratiques administratives du ministère ». Fin 2014, elle a remis un rapport à la direction du MTQ sur cette question mais en a démissionné au printemps 2016, se disant victime d’intimidation et d’entraves à son travail par de hauts fonctionnaires du ministère.

En juin 2016, Annie Trudel a déclaré devant une commission parlementaire que son rapport de 2014 avait été modifié avant d’être déposé à l’Assemblée nationale, « des révélations qui ont mené au départ de la sous-ministre Dominique Savoie ». Elle travaille aujourd’hui sur un projet de norme anticorruption ISO 37001.

Source : Le Journal de Montréal.

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