L’appétit pour le conseil financier évolue

Par Frédérique David | 15 mars 2016 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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De plus en plus recherché, le conseil financier doit s’adapter à une clientèle qui a changé, selon des experts de l’industrie. Elle est désormais plus jeune, plus instruite et nécessite une approche spécifique.

« Je constate une augmentation graduelle de la demande, année après année », indique Guylaine Dufresne, directrice principale Investissement et planification financière à la Banque Laurentienne.

Et elle n’est pas la seule. La présidente et directrice générale de l’Institut québécois de planification financière (IQPF) abonde dans le même sens : « Les planificateurs financiers sont de plus en plus demandés, indique Jocelyne Houle-LeSarge. Nous n’avons pas assez de candidats pour remplacer les changements d’emploi et les départs à la retraite. »

De fait, Forbes prévoyait en 2014 une croissance de la profession de conseiller de 27 % au cours de la prochaine décennie (contre une croissance moyenne de 11 % pour l’ensemble des autres métiers). Une étude de l’Investor Education Fund réalisée en 2012 révèle également que cinq Canadiens sur six font affaire avec un conseiller. C’est donc dire que le bassin de clients potentiels est assez vaste.

Par ailleurs, un récent sondage réalisé par SOM pour l’IQPF l’automne dernier démontre une hausse marquée de la reconnaissance de l’expertise du planificateur financier et des services qu’il offre. Les trois quarts (74 %) des 1 000 répondants considèrent ne pas disposer de toutes les connaissances nécessaires pour planifier adéquatement leur avenir financier et 66 % estiment avoir besoin d’aide pour y parvenir.

Jocelyne Houle-LeSarge, présidente de l'IQPF.

Jocelyne Houle-LeSarge, présidente de l’IQPF.

« En 2015, c’est 89 % des Québécois qui estimaient que le planificateur financier pouvait les aider en matière de placements alors qu’on était à 84 % l’année précédente », ajoute Jocelyne Houle-LeSarge, citant le même sondage.

Pourquoi un tel engouement pour le conseil financier? « Quand les marchés sont plus difficiles, comme c’est le cas depuis 18 mois, les gens ressentent le besoin de consulter un conseiller pour composer avec cette période, croit Sylvain Brisebois, directeur régional à BMO Nesbitt Burns. Ils sont aussi généralement plus informés et le besoin d’un conseiller devient donc plus évident. »

UNE CLIENTÈLE DIFFÉRENTE

« Les gens n’ont jamais été aussi sensibilisés à l’importance de planifier leur avenir financier qu’aujourd’hui, renchérit Claude Paquin, président pour le Québec du Groupe Investors. Nous sommes passés d’une époque où ils avaient une confiance aveugle en leur institution financière à une plus grande responsabilisation. C’est là que le rôle d’accompagnateur du conseiller prend tout son sens. »

Pour Guylaine Dufresne, cette démocratisation de l’information, rendue possible grâce au web notamment, implique une meilleure conscience de l’importance de faire une planification financière jeune : « Les gens comprennent de mieux en mieux qu’ils ont besoin d’un conseiller dès le départ, alors qu’il y a 15 ou 20 ans, la retraite était leur seule préoccupation; c’est ce qui les incitait à demander du conseil. En dehors de cela, ils pensaient qu’il fallait être riche pour avoir besoin d’un conseiller. »

UN LIEN DE CONFIANCE À PRIVILÉGIER

Même s’ils ressentent davantage le besoin d’être conseillés, les nouvelles générations de clients manifestent des attentes différentes de leurs parents envers les conseillers. Avoir une relation de confiance est leur priorité, surtout depuis la crise de 2008, qui a soulevé beaucoup d’inquiétudes.

« Elle a d’ailleurs généré un certain immobilisme, constate Claude Paquin. Il y a encore 120 G$ d’actifs dans des comptes à intérêt quotidien, mentionne-t-il. La peur de la volatilité des marchés est toujours omniprésente chez les gens. »

Les scandales comme l’affaire Vincent Lacroix ont également provoqué une certaine méfiance à l’égard des conseillers. « Heureusement, on s’éloigne de cette période, indique Guylaine Dufresne. Il n’en demeure pas moins que la relation de confiance est la clé de la relation avec le client. C’est ce que les gens attendent le plus de leur conseiller. »

Et il est très important pour le professionnel des services financiers d’en avoir conscience : l’époque où les gens n’osaient pas changer de professionnel est bel et bien terminée.

UN AVENIR REMPLI DE DÉFIS

L’instabilité du marché de l’emploi a aussi modifié le travail des conseillers. Dans le contexte actuel où rares sont les personnes qui gardent le même emploi pendant 40 ans, ils ont de nouveaux défis à relever.

Angela Iermieri, planificatrice financière au Mouvement Desjardins.

Angela Iermieri, planificatrice financière au Mouvement Desjardins.

« De moins en moins d’individus ont des fonds de pension offerts par leur employeur, constate Angela Iermieri, planificatrice financière au Mouvement Desjardins. Les travailleurs autonomes sont plus nombreux et ils doivent planifier leur retraite eux-mêmes. »

Une clientèle de plus en plus variée ajoute également à la complexité du métier : « Les situations ne sont plus uniformes, explique Guylaine Dufresne. Le conseiller doit adapter sa stratégie et être capable de la justifier au client en lui donnant des arguments clairs. D’où l’importance de la formation continue. »

Sylvain Brisebois ajoute que les générations plus jeunes connaissent de mieux en mieux les structures pour investisseurs autonomes. « Les firmes vont devoir se réinventer pour offrir des solutions en ligne, que ce soit pour l’ouverture de comptes, les états de compte ou l’interaction. Cela ne se fera plus de façon traditionnelle en succursale ou lors d’une rencontre face à face. »

Claude Paquin se dit toutefois très optimiste quant à l’avenir du conseil financier.

« Les jeunes viennent nous voir pour financer leur hypothèque et réalisent alors qu’il existe d’autres produits, mentionne Claude Paquin. Lors de la naissance d’un enfant, les parents s’intéressent soudainement à l’assurance vie. La demande est encore trop souvent liée à un événement de la vie, mais on se rapproche du moment où les gens vont vraiment comprendre l’importance d’avoir un plan financier. »

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Frédérique David