L’appui des sociétés de FCP en période difficile

25 novembre 2011 | Dernière mise à jour le 25 novembre 2011
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La vaste majorité des conseillers fait face à la plus grande correction boursière de l’histoire. Se sentent-ils soutenus par les fournisseurs?

En temps normal, mais davantage dans un environnement sous tension, dominé par une forte volatilité des marchés, les conseillers aiment se sentir épaulés par leurs fournisseurs de produits et services financiers. Il ressort des quelques témoignages recueillis un satisfecit à l’endroit des institutions dans leurs communications électroniques. L’on déplore cependant que l’accès direct aux gestionnaires de portefeuille soit trop souvent élitiste.

Richard Giroux parle d’un changement d’attitude par rapport à la crise de 2008. « Les institutions ont compris l’importance de maintenir une communication régulière. Ils parlent sans cesse de l’importance d’avoir une telle relation avec nos clients. Or, nous sommes leurs clients », a commenté le conseiller en placement d’Industrielle Alliance Valeurs mobilières. Il qualifie de « très efficace » ce lien constant. Il apprécie notamment cette possibilité d’être en relation avec différents gestionnaires de portefeuille des institutions. « Il est important d’avoir leur son de cloche, de savoir ce qu’ils pensent, ce qu’ils voient, ce qu’ils ressentent. »

Ce conseiller estime que ses clients comprennent les aléas des marchés. Ce qui ne les empêche pas de vouloir être rassurés. « Une grande partie de ma clientèle est composée de personnes à la retraite ou évoluant en mode de décaissement. J’attends donc de mes fournisseurs qu’ils me proposent des produits offrant des revenus réguliers, supérieurs à l’inflation, comportant un minimum de risque et créant une distance par rapport à l’instabilité non contrôlée des marchés. »

Le président d’Avantages Services financiers, Michel Marcoux, parle également d’un « gros plus ». Le spécialiste en fonds d’investissement insiste sur l’importance d’avoir accès aux gestionnaires et, dans un sens plus large, d’établir un lien de communication – avec les compagnies de fonds dans son cas.

« Nous pouvons recevoir des modèles de lettre à envoyer à nos clients et visant à les rassurer. Ou encore une documentation sur l’historique des crises et des articles permettant d’expliquer ce qui se passe. Ça aide, car il arrive que nous soyons à court d’explications. » Le spécialiste observe toutefois plus de prudence dans le marché actuellement, contrairement à 2008. « On voit beaucoup plus de fonds empruntant l’étiquette de revenu », illustre-t-il. « C’est plus sécurisant, quoiqu’il y ait beaucoup de marketing derrière tout cela. »

Michel Marcoux apprécie davantage les firmes qui maintiennent un contact régulier en appui des représentants et des conseillers. L’envoi de lettres financières selon une fréquence mensuelle ou aux deux mois, dans laquelle le gestionnaire fait état de sa réflexion, les réponses par courriel et les déjeuners ou dîners-causeries, en petit groupe, sont ses moyens d’échange préférés.

Michel Boutin dit également être privilégié de maintenir une discussion de qualité avec les gestionnaires et les fournisseurs de produits et services financiers. Le président de Merici Services financiers estime qu’il bénéficie d’un bon support à ce niveau même s’il faut, parfois, lire entre les lignes et décortiquer le langage des gestionnaires. « Ils donnent rarement la vérité crue. » Michel Boutin estime cependant que l’environnement actuel est plus franc, plus ouvert. « Je suis satisfait du support des gestionnaires de fonds. » Et il rappelle qu’en 2008 la crise comportait son lot d’effets de surprise alors que, cette fois-ci, l’environnement est plus prévisible.

Épauler, un concept parfois relatif Daniel Bissonnette ne le voit pas de la même façon. Pour le président des Services financiers Planifax, les institutions ne se sentent pas interpellées. « Elles s’en contrefoutent. Du moins, cela vaut pour la plupart des grandes institutions financières. » Celui qui exerce également les fonctions de chef de la conformité au sein de son cabinet estime que le verbe épauler est trop souvent dénué de sens. « C’est un grand mot, mais un mot vide. Du vent », dit-il sans ambages.

Encore récemment, Daniel Bissonnette a pris part à une rencontre privée à laquelle participaient, sur invitation, des conseillers triés sur le volet. « On nous présente les nouveaux produits, les nouvelles modes. Mais rien quant aux perspectives économiques. Rien non plus quant à l’explication de ce qui se passe, et pas ou peu de recul historique par rapport aux crises. Ni de nouvelles techniques ou approches. En réalité, ces réunions ne servent trop souvent qu’à faire des ventes. Et elles ne sont destinées qu’à une certaine élite. Quant aux 35 000 conseillers inscrits… »

« Les représentants et les conseillers sont comme le client : ils regardent la télévision, ils lisent les médias. Ils ont besoin d’avoir du recul, de bénéficier d’autres points de vue, d’avoir l’heure juste. À tout le moins, d’avoir accès à des prévisionnistes et à des économistes qui savent de quoi ils parlent, qui sont capables de faire la part des choses et de mettre l’actualité en perspective, afin de retransmettre le tout à leurs clients. »

Le nom de Gestion de patrimoine EdgePoint a été évoqué par Michel Marcoux. Il ressort également dans l’entretien avec Daniel Bissonnette. « EdgePoint fait bande à part. C’est une des plus petites firmes, mais elle est à l’avant-garde de l’information aux conseillers », dit-il de cette firme créée par des anciens de Trimark. Souhaitant que les grands s’en inspirent, le président de Planifax précise toutefois que certains gestionnaires et grandes firmes de fonds d’investissement font des efforts louables. Quant aux banques, « elles n’ont rien compris de 2008 », lance-t-il.

La volatilité présente dans les marchés n’a pas encore atteint l’intensité du choc de 2008, mais la crise de confiance qui secoue les marchés fait de plus en plus ressentir ses effets. « Ce n’était pas le cas cet été, mais ça commence chez nos clients. Avec la réception des états de compte du 30 septembre, le téléphone sonne plus souvent. » Daniel Bissonnette rappelle que la très grande majorité des conseillers fait face à la plus grande correction boursière de l’histoire. « Sur dix ans, ce n’est pas très spectaculaire comme rendement. Et je dirais qu’à peine 5 % ou 10 % seulement des conseillers ont vécu l’expérience du krach boursier de 1987. »

Et chez les indépendants ? Au Groupe financier Peak, le président et chef de la direction, Robert Frances, parle de l’importance d’un tel appui, davantage en période d’instabilité. « Les conseillers sont toujours inquiets lorsque leurs clients traversent des difficultés. » Au sein de ce réseau de conseillers indépendants, Peak multiplie les transmissions en direct, les sessions d’information, les tournées auprès des conseillers. On offre des outils tels des portefeuilles modèles et des lettres trimestrielles. « Ils ont besoin d’un soutien moral. Ce sont des soldats, et nous sommes en période de guerre », illustre Robert Frances.

« Nous, dans notre responsabilité de conformité, nous travaillons de manière à changer les perceptions, à ramener le conseiller à son véritable rôle, qui n’est pas nécessairement celui de gestionnaire de portefeuille. Dans sa relation avec ses clients, nous l’appuyons dans ses efforts afin d’augmenter les chances du client de bien s’en sortir. »

Le président de Peak évalue que les conseillers reçoivent un bon support de la part des fournisseurs de produits et services financiers. « Les compagnies de fonds et les banques donnent beaucoup d’information. » Ces institutions ont-elles appris de 2008? « La crise de 2008 a permis de mettre à jour de gros conflits d’intérêts et de mesurer l’ampleur de l’appât du gain. Ont-elles appris ? Je dirais que dans le reste du monde, non. Beaucoup de conflits d’intérêts demeurent dans le système. »

Robert Frances souligne que, désormais, les clients posent plus de questions et qu’ils reconnaissent que la taille de l’institution financière n’est pas garante de la sécurité. « Regardez ce qui se passe aujourd’hui avec Dexia. Au Canada, la Confédération-Vie est tombée en 1995, trois semaines après avoir été cotée triple A. Nous sommes plus en sécurité en nous diversifiant. Le conseiller indépendant a accès à toutes les institutions financières. »

Les conseillers ont peut-être perdu leurs moyens Chez Gestion de patrimoine EdgePoint, on estime qu’on peut résumer les besoins exprimés présentement par les conseillers par un seul mot : rassurer.

« Dans la situation actuelle, ils ont besoin d’être rassurés, d’être enracinés à du fondamental, à du réel, a souligné Pierre Novak, l’un des 29 partenaires de la petite firme. Il y a tout ce bruit, et cette fumée médiatique autour de la crise européenne. Mais sous ce voile, on retrouve un nombre élevé d’entreprises qui vont bien. Le fait d’être propriétaire d’une entreprise n’a jamais été aussi payant. La prime de risque, calculée selon l’écart avec le taux sans risque, n’a jamais été aussi élevée depuis 1954. On découvre des aubaines spectaculaires, des Wells Fargo et des Cisco que l’on peut acheter à huit fois les profits. On n’a jamais eu autant de possibilités d’acheter les plus belles entreprises du monde à moins de 10 fois les bénéfices. Et avec un dollar autour de la parité par surcroît. »

Pierre Novak s’emballe. Le conseiller, confronté à l’inquiétude de ses clients, a besoin de se reconnecter. Dans la relation d’EdgePoint avec les conseillers, « nous donnons accès à nos produits. Nous relions une quantité limitée de conseillers à nos gestionnaires lors de rencontres trimestrielles, en petit groupe. Ils peuvent se regarder droit dans les yeux. La relation est directe. Cette proximité est de plus en plus appréciée. »

Il rappelle que les conseillers ont donné des rendements positifs à leurs clients au cours des années 1980 et 1990. Ce ne fut cependant pas toujours le cas pour la décennie 2000. « Ils ont perdu confiance en eux-mêmes. L’industrie y est probablement pour quelque chose. Avec le temps et la taille grossissante des portefeuilles, on a segmenté ou spécialisé la gestion et morcelé les portefeuilles. En faisant affaire avec des spécialistes, le conseiller est devenu forcément un gestionnaire généraliste, ce qui n’est pas toujours son rôle. »

EdgePoint joue dans la simplicité, avec une famille de quatre fonds au mandat de gestion très large. « On s’occupe de la gestion, le conseiller s’occupe de son client. »

Paul Roy, directeur du développement des affaires, Assurance et épargne chez Desjardins Sécurité financière, parle, pour sa part, d’un travail à long terme par opposition à une réaction à un événement. « Nous avons développé des outils destinés aux clients de nos représentants et conseillers, misant sur l’éducation, la formation et la démystification. » En temps plus difficiles, « nous insistons sur l’importance de parler le plus souvent au client, de manière à le rassurer, à ce qu’il ne panique pas, de façon à éliminer l’émotivité. »

Cette communication est axée sur l’éducation, et non sur l’offre de produits. Tout au plus, les questions de stratégie pourraient être abordées. « Mais l’importance est d’expliquer ce qui se passe, pour que le client soit en contrôle. » L’outil privilégié est un bulletin mensuel d’information électronique visant à faciliter le travail du représentant. Cette présence continue auprès du client prend aussi la forme d’un message corporatif, personnalisé avec la photo du représentant. « Nous regardons également le volet médias sociaux, et les occasions ainsi offertes d’assurer une omniprésence en communication, a ajouté Paul Roy. Les clients bien informés sont au fait de la situation. Ils regardent plus froidement les événements. »

Cet article est tiré de l’édition de novembre du magazine Conseiller. Consultez-le en format PDF.