L’avalanche de règles nuit aux consommateurs

Par La rédaction | 21 février 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
5 minutes de lecture

La réglementation « de plus en plus intrusive » imposée par les États « bouleverse le fonctionnement des institutions financières » et génère des effets « qui peuvent, paradoxalement, mettre le consommateur en difficulté », estime l’un des principaux assureurs français.

Dans un billet publié dimanche par Les Echos, Charles Berkovits déplore le nombre et la superposition des règles qui encadrent le secteur financier en Europe, et particulièrement en France. Des doléances souvent entendues au Québec également.

Ce dernier est directeur commercial assurance et banque au sein de la mutuelle Macif, le numéro un de l’assurance dans l’Hexagone avec près de cinq millions de membres. Il estime que « les évolutions de la réglementation ont longtemps été la source de la créativité des banquiers et des assureurs », puisque « chaque nouvelle loi ou chaque nouveau décret fournissait une occasion de construire autour ou au-dessus ».

LES AUTORITÉS DE PLUS EN PLUS PRÉSENTES

« Ces dernières années, un palier a été franchi » en raison de « l’exubérance législative française et européenne » et de « l’ingérence croissante des autorités régaliennes visant à contrôler le comment et plus seulement les résultats », ce qui a entraîné de profonds bouleversements pour les entreprises financières, soutient-il.

La protection des clients, « louable évidemment dans ses objectifs », est devenue « l’alpha et l’oméga de la stratégie des régulateurs », souligne le dirigeant, qui rappelle le contexte dans lequel ce train de mesures a été instauré. « À la suite de crises financières successives, des établissements exposant la planète à des risques dits systémiques se sont vu imposer des obligations croissantes de maîtrise de leurs différentes natures de risques avec, pour vérifier, des missions d’audit déclenchées par les autorités bancaires européennes. »

Résultat : les établissements bancaires d’abord, puis ceux du secteur de l’assurance, ont été « envahis » par la fonction « Contrôle », qui occupe désormais une place « névralgique ». Le contrôle permanent et la lutte au blanchiment d’argent font l’objet de formations constantes et les audits internes se renforcent, explique Charles Berkovits. Mais, surtout, « la conformité est au cœur de tout » alors que les différents acteurs impliqués n’en donnent pas forcément la même définition, relève-t-il.

« LE BON SENS SE NOIE DANS LA PAPERASSE »

Selon lui, l’une des conséquences les plus dommageables pour le secteur est que « les règles européennes se superposent aux règles nationales, davantage qu’elles ne les remplacent, conduisant à un cafouillage réglementaire ». Ainsi, « des dates butoirs sont fixées pour répondre aux exigences des autorités alors même que les textes d’application nécessitent des interprétations qui ne sont pas forcément identiques entre les États ». Circonstance aggravante, les délais prescrits par les différents législateurs ne tiennent pas non plus compte des spécificités des entreprises ni de leur capacité à procéder aux adaptations requises par les nouvelles lois.

Additionnés, tous ces facteurs ont plusieurs conséquences néfastes, tant pour les consommateurs que pour les institutions financières, juge Charles Berkovits. D’un côté, « l’excès de formalisme perd le client qui, aujourd’hui, peut être conduit à signer ou parapher des liasses épaisses de documents sans avoir pris le temps de les lire et les comprendre réellement », note-t-il. D’autre part, « l’excès de process et d’intervenants dans les schémas de décision déresponsabilise les différents acteurs de la chaîne ». Son verdict? « Parfois, le bon sens se noie dans la paperasse. »

Concernant le devoir de conseil, le directeur commercial observe que l’approche actuelle de la plupart des institutions financières est concentrée « sur la seule réponse à une opération particulière avec un unique projet et un seul produit ».

« L’outil devoir de conseil est le plus souvent arrimé aux outils d’aide à la vente, avec une rigidité importante », regrette-t-il. Même s’il reconnaît que les « meilleurs établissements » proposent des réponses de rechange, c’est pour ajouter aussitôt que « très peu offrent une approche globale du client plutôt que cette approche projet, avec différentes réponses correspondant aux besoins pluriels que chacun a », soit l’épargne liquide pour faire face aux imprévus, l’épargne de moyen terme pour financer un projet et de long terme pour payer les études des enfants ou compléter des revenus de retraite.

CONSÉQUENCES NÉGATIVES POUR LES COMPAGNIES

Charles Berkovits estime que l’accroissement du contrôle a non seulement un coût « prohibitif » pour les institutions financières, mais qu’en plus elle pousse les grands établissements à réseaux « à une réduction radicale des coûts de distribution et par conséquent de la densité de leur maillage ». En outre, elle survient « à un mauvais moment », « dans une conjoncture de très bas taux d’intérêt et de transformation des usages des consommateurs qui remettent fortement en cause la rentabilité traditionnelle des acteurs de l’épargne ».

En fin de compte, l’évolution actuelle de la réglementation « provoque d’autres effets que ceux recherchés, et pas nécessairement heureux », soutient le directeur commercial. Après s’être demandé « comment corriger ces effets de réglementation embrassant imparfaitement leurs propres conséquences ou inconséquences », il conclut : « Allons-nous continuer à produire dans l’urgence une logorrhée réglementaire fragmentaire et extrêmement intrusive? […] À force de vouloir protéger le consommateur, on l’a perdu dans le maquis des textes. »

La rédaction vous recommande :

La rédaction