Le controversé projet de loi C-29 finalement adopté

Par La rédaction | 7 Décembre 2016 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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À l’issue d’un débat particulièrement houleux, le projet de loi C-29, qui vient notamment modifier la Loi sur les banques, a été adopté mardi soir à la Chambre des communes, rapporte La Presse.

Tous les partis représentés à l’Assemblée nationale du Québec, plusieurs associations et organismes professionnels, dont la Chambre des notaires du Québec, ainsi que des experts en droit dénonçaient pourtant ce projet, jugeant que les consommateurs risquaient de se retrouver moins protégés qu’avec le régime existant dans la Belle Province.

Ils invoquaient le fait qu’il risquait de soustraire les banques aux obligations qu’elles avaient jusqu’alors au Québec en vertu de la Loi sur la protection du consommateur (LPC) en introduisant un régime fédéral destiné à protéger les citoyens.

BILL MORNEAU NE RÉFUTE PAS

Cette interprétation n’a d’ailleurs pas été contredite mardi par le ministre fédéral des Finances, qui a refusé de se prononcer à ce sujet durant les débats parlementaires, souligne La Presse.

Le sénateur André Pratte s’est notamment dit « préoccupé » du fait que le projet de loi C-29 puisse « affaiblir les régimes forts des provinces », en particulier au Québec.

« Il est clair que la Constitution dit que les banques sont une responsabilité fédérale. C’est une mesure qui protège les consommateurs. […] Nous ne voulons pas qu’une personne soit dans une moins bonne position dans une partie du pays que dans une autre. […] Les compétences sont [désormais] clarifiées », a répondu Bill Morneau devant le comité sénatorial.

« La protection du consommateur est au cœur de notre approche. Soyons clairs, avec ce projet de loi, nous visons une amélioration [des droits des consommateurs] », s’est aussi défendu Bill Morneau au cours du débat parlementaire.

LA CHAMBRE DES NOTAIRES HOSTILE À C-29

Dernier intervenant en date à prendre position dans ce dossier, la Chambre des notaires du Québec s’est dite en profond désaccord avec cette affirmation. Dans une lettre publiée mardi sur le site Web de l’organisme, son président, Gérard Guay, soutient que le projet d’Ottawa renferme des dispositions qui permettront aux banques de contourner la LPC et qu’« il est urgent de le bloquer ». Selon lui, « son effet principal est d’exclure les banques de l’application de la loi [provinciale] alors que celle-ci constitue un cadre strict fait dans l’intérêt du public ».

« Le consommateur fait face à une panoplie d’instruments de crédit sophistiqués, pour ne pas dire complexes, souligne par ailleurs le président de la Chambre. Lorsqu’une banque lui accorde un prêt, il est essentiel que celui-ci puisse disposer de tous les renseignements nécessaires pour prendre une décision éclairée. Il doit aussi disposer de recours légaux impartiaux et exécutoires lorsqu’il considère avoir été lésé. Or, le projet C-29 remet en question ces acquis pour les Québécois. »

« Alors que la LPC est d’ordre public et permet ce qui précède, elle deviendra ineffective avec C-29, ajoute Gérard Guay. Qui plus est, les consommateurs lésés devront dorénavant s’adresser à l’Ombudsman des banques, qui formulera des recommandations. Les banques auront [ensuite] la liberté de les appliquer… ou pas. »

Deux professeurs en droit de la consommation consultés par La Presse ont aussi récemment affirmé que la LPC offrait une meilleure protection aux consommateurs que la future loi fédérale.

UN « COUP DE FORCE », SELON LE BLOC QUÉBÉCOIS

Le Bloc québécois s’est fortement opposé à l’adoption du projet de loi, note La Presse. Au cours des débats aux Communes, le député bloquiste Gabriel Ste-Marie a ainsi traité les 40 députés fédéraux libéraux du Québec de « bourreaux ». « Les 40 comparses d’Ali Baba, on connaît leur nom maintenant. Et on peut voir leur visage à deux faces  », a-t-il notamment déclaré, qualifiant le projet C-29 de « pire coup de force depuis le rapatriement de la Constitution en 1982 ».

En fin de compte, ce sont les tribunaux qui décideront si la LPC continuera ou non de s’appliquer aux banques dans la Belle Province, conclut le quotidien montréalais. « Les chances qu’elle puisse continuer à s’appliquer vont être réduites », estime cependant Patrick Taillon, professeur de droit constitutionnel à l’Université Laval.

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