Le courtage, acteur important du développement du Québec

Par Julie Perreault | 26 août 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Main qui dépose une brique sur plusieurs briques déjà empilées en un mur.
Photo : mau123 / 123RF

Peu savent que les courtiers francophones ont marqué l’histoire du Québec, contribuant notamment à la Révolution tranquille. C’est cette réalité méconnue qu’entend faire connaître l’auteur et historien Marc Vallières avec son nouvel ouvrage.

C’est le 14 août dernier, au siège social de la Banque Nationale, que s’est tenu le lancement du livre Courtiers et entrepreneurs : le courtage financier au Québec, 1867-1987.

Après s’être penché sur le financement du gouvernement québécois et d’Hydro-Québec durant cette même période dans son précédent ouvrage, Le Québec emprunte, l’historien revient avec la suite de son analyse menée en collaboration avec l’Institut de recherche en économie contemporaine, s’attardant cette fois sur ceux qui organisaient le financement : les courtiers.

L’APPORT DES FRANCOPHONES

Beaucoup d’ouvrages se sont écrits sur le thème du financement au Québec, mais peu ont abordé l’univers de ceux qui le concrétisent. C’est notamment l’un des faits qui a intrigué M. Vallières lors de ses recherches. « Les courtiers ont échappé aux travaux de tout le monde. C’est qu’ils sont un sujet plus difficile à étudier puisque ce sont de petits entrepreneurs privés. Cela a été le plus gros défi du projet », indique l’historien, en entrevue avec Conseiller.

Explorant la réalité des courtiers francophones d’alors, l’auteur relate comment ceux-ci ont su contribuer au développement du Québec et à l’organisation des marchés financiers. Entre autres, deux des figures importantes du courtage financier, Louis-Joseph Forget et son neveu Rodolphe Forget, se sont démarqués par leur succès en participant notamment à la création de nombreuses entreprises publiques, en offrant des prêts au gouvernement provincial, en fusionnant ou en restructurant des entreprises pour ensuite revendre leurs titres, etc.

« À la fin du 19e siècle, ils ont réussi à devenir de gros joueurs à la Bourse de Montréal, alors que le milieu était largement dominé par les courtiers anglophones », mentionne Marc Vallières.

Les courtiers francophones ont également joué un rôle important durant la Révolution tranquille et dans la constitution d’un certain savoir-faire québécois en matière de financement de projets et d’entreprises.

Bon nombre d’entre eux possédaient une formation en administration et leurs services ont été utilisés par différentes sociétés d’État, telles qu’Hydro-Québec ou la Caisse de dépôt et placement du Québec, pour financer les multiples projets en cours à cette époque effervescente, notamment les programmes de construction des universités et des cégeps, les grands barrages d’Hydro-Québec, les hôpitaux, etc.

« Il y a une expertise qui s’est développée chez les membres des maisons de courtage, qui a pu ensuite être appliquée au développement des entreprises. Je pense au Québec inc. en général. Bombardier, Couche-Tard, Jean Coutu… Les exemples abondent dans tous les secteurs économiques. La plupart des entreprises qui se sont développées dans les années 1970 ont pu bénéficier de l’aide au financement des maisons de courtage francophones par le régime d’épargne-actions, et du gouvernement du Québec qui travaillaient de concert avec les banques et les grandes entreprises d’assurance. Parce que les capitaux sont en bonne partie là, chez les assureurs et les banques », explique l’historien.

UNE PÉRIODE BOUILLONNANTE

La base du courtage a toujours été et demeure l’échange de valeurs mobilières. Des 120 ans couverts par le livre à aujourd’hui, la nature même des placements ne s’est pas modifiée drastiquement malgré l’arrivée de nouveaux produits. Toutefois, si l’historien a sciemment choisi d’arrêter son analyse à l’année 1987, c’est que de profonds changements ont par la suite bouleversé le milieu.

« En 1987, toutes les institutions financières étaient cloisonnées. Les banques traitaient d’affaires bancaires, les assureurs s’occupaient d’assurance, etc. À la suite du décloisonnement des institutions financières en 1988, beaucoup de banques à charte ont commencé à acquérir des maisons de courtage, des sociétés de fiducie, des compagnies d’assurance… C’était plus avantageux pour elles, car elles acquerraient non seulement des entreprises, mais aussi de l’expertise. Les courtiers qui n’ont pas été absorbés par les banques sont devenus conseillers en placement », relate M. Vallières.

Par la suite, comme pour de nombreuses professions, l’arrivée d’Internet et de l’informatisation a grandement modifié les manières de procéder.

L’AVENIR DU COURTAGE

« Les historiens vont analyser une période de temps récente, mais pas trop. Ce qui fait en sorte que nous ne sommes pas les mieux placés pour formuler des prédictions. Je pense toutefois que le courtage constitue toujours une activité très importante parce qu’elle touche plusieurs sphères de la vie des gens et des entreprises de nos jours : emprunts hypothécaires, placements pour la retraite, financement, etc. », indique M. Vallières.

Même si la technologie prendra de plus en plus de place dans le domaine, elle ne remplacera pas les représentants, selon ce dernier. Par exemple, si un chef d’État décide d’imposer des tarifs douaniers supplémentaires sur des produits précis, bousculant ainsi la Bourse, un humain devra réviser les données utilisées par les algorithmes. M. Vallières est ainsi convaincu que l’intervention des conseillers en placement sera toujours nécessaire dans la gestion des investissements.

Marc Vallières, Courtiers et entrepreneurs : le courtage financier au Québec, 1867-1987, Septentrion, 2019, 450 pages.

Julie Perreault