Le crédit de ne pas prendre de crédit

3 mars 2020 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : 123RF

À la veille d’une annonce attendue de la Banque du Canada au sujet du taux directeur, on évalue les conséquences d’une baisse avec Benjamin Tal, économiste en chef adjoint à la CIBC.

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« Comme chacun sait, le niveau d’endettement est élevé au pays. On peut se demander si cela se ferait sentir si les taux venaient à augmenter, et à quel point cela dissuade la Banque du Canada de les abaisser. Mais il faut avant tout mettre les choses en perspective », dit Benjamin Tal.

« Si on observe le niveau d’endettement nouveau, c’est-à-dire la vitesse à laquelle s’accumulent de nouvelles dettes, il est en réalité relativement bas. De fait, la croissance du crédit au Canada est au plus faible qu’elle n’a jamais été en dehors des périodes de récession », poursuit-il.

Selon l’économiste, ce phénomène reflète une certaine sagesse des Canadiens face au crédit.

« Les emprunteurs canadiens font preuve de maturité et ne se laissent pas aveugler par les bas taux d’intérêt. On peut dire que c’est à eux que revient le crédit de ne pas prendre de crédit ! », lâche-t-il.

L’économie demeure sensible aux hausses de taux, cependant, comme on l’a vu pendant une récente période de hausse du taux préférentiel.

« Les défaillances et les insolvabilités ont connu une hausse, ce qui nous a donné un bon aperçu de notre sensibilité à des taux plus élevés. Heureusement, la hausse a été de courte durée, et les banques n’ont pas été affectées de manière significative. En outre, l’effet n’a été observé que dans les outils sensibles aux taux d’intérêt : on ne l’a vu ni dans les prêts auto, ni dans les cartes de crédit, ni dans les hypothèques. On l’a principalement observé dans les lignes de crédit, garanties ou non », analyse Benjamin Tal.

« La leçon à en tirer, c’est que nous devons reconnaître notre sensibilité en tant que société au risque de taux plus élevés, mais vu que ceux-ci sont actuellement faibles et qu’on peut encore les réduire, on ne devrait pas observer une accélération des défaillances dans les temps à venir », résume l’économiste.

Selon lui, la croissance canadienne risque d’être très limitée en 2020, par manque de moteurs. Et cela pourrait déclencher une nouvelle baisse des taux.

« Les entreprises ont peu envie d’investir, et le consommateur ne répond clairement plus présent comparativement à 2018 et 2019. Il y a encore le marché immobilier, et les consommateurs vont bien se porter, mais sans plus. Cela est conforme à la faible expansion économique que l’on prévoit, d’environ 1,5 %. La Banque du Canada pourrait donc être tentée d’abaisser ses taux dans les prochains mois pour donner du souffle à l’économie. »

Ce texte fait partie du programme Gestionnaires en direct, de la CIBC. Il a été rédigé sans apport du commanditaire.