Le don planifié sous toutes ses coutures

19 Décembre 2012 | Dernière mise à jour le 19 Décembre 2012
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Quand les conseillers devraient-ils aborder la question des dons de charité?

Régulièrement.

Pourtant, seuls 25 % des conseillers discutent régulièrement de dons caritatifs avec leurs clients, selon un sondage mené en 2010 par Placements Mackenzie. Pourquoi si peu? Parce que ce sujet entraîne ses interlocuteurs sur l’intimidant terrain de l’intimité.

« Les conseillers ne sont pas très à l’aise d’aborder cette question, mais cela s’améliore, observe Brad Offman, vice-président, philanthropie stratégique chez Placements Mackenzie. Le principal défi est de maîtriser les aspects techniques du sujet et de ne pas se laisser intimider sous prétexte qu’il relève de la vie privée. »

Comment en parler?

Si vous ne soulevez pas la question, personne ne le fera. Moins de 10 % des répondants au sondage de Mackenzie ont indiqué que leurs clients initiaient eux-mêmes la conversation à cet égard.

La façon la plus simple est souvent la plus directe : « Faites-vous des dons de charité et, si oui, comment? »

« Juste après, je demande : “Seriez-vous ouvert à des moyens de donner qui bénéficieraient autant à l’organisme de charité qu’à vous?”, relate Jay Nadler, stratège en assurance et fiscalité à Marathon Benefit Corp., à Calgary. En posant la question en ces mots, et en énumérant ensuite les bénéfices potentiels, un client qui s’apprêtait à répondre “Non” fermement rétorque souvent qu’il n’avait jamais pensé à cela », témoigne-t-il.

Les dons de charité peuvent s’avérer avantageux, car ils permettent :

  • de transmettre le patrimoine;
  • de profiter d’une économie fiscale;
  • de réaliser un objectif cher;
  • de léguer des valeurs à la jeune génération;
  • de soutenir des causes valables;
  • de restructurer un plan de don actuel pour avantager le donneur et le bénéficiaire .

Un potentiel alléchant

Certains événements majeurs de la vie peuvent déclencher l’envie ou le besoin de « donner », comme un héritage ou la vente d’une entreprise familiale. La planification successorale et fiscale s’avère alors un bon contexte pour discuter de dons de charité.

À chaque rencontre de planification ou presque, un questionnaire peut être utile pour aborder le sujet au bon moment et de la bonne façon. Consultez des ressources pour perfectionner vos connaissances techniques (par exemple sur conseiller.ca/dons) ou tenez-vous au courant des organismes de bienfaisance admis sur le site de l’Agence du revenu du Canada (ARC).

Le potentiel d’affaires des dons de bienfaisance est clair. Outre les nouvelles ventes possibles, comme l’assurance vie, vous pourriez être en meilleure position d’attirer les clients nantis, omniprésents dans la sphère philanthropique, et établir des relations plus profondes avec des clients existants en sachant mieux intégrer les dons de charité à la stratégie qui guide leurs placements et fiscalité. De surcroît, la philanthropie fait appel à plusieurs champs d’expertise financière, plantant un terreau fertile pour faire croître ses références.

Pour lancer la conversation sur les dons avec vos clients, allez-y de questions comme :

  • Quel héritage voulez-vous laisser?
  • Comment espérez-vous y arriver?
  • Aimeriez-vous savoir où va chacun de vos dollars de contribuable?
  • Votre plan successoral a tout prévu pour votre famille et vous. Y a-t-il autre chose que vous aimeriez accomplir?
  • Vous êtes-vous déjà demandé à quel point les dons de bienfaisance pouvaient affecter le montant d’impôts que vous débourserez?
  • Votre déclaration d’impôt m’indique que vous faites des dons de charité. Puis-je vous demander pour quelle raison?
  • Souhaiteriez-vous connaître les options qui rendraient vos dons plus efficaces, tant pour vous que pour la cause que vous soutenez?
  • Quels sont vos intérêts en dehors du travail ? Aimeriez-vous vous soutenir davantage ces passions en les finançant?

Quelques questions utiles au légataire :

  • Votre avenir financier était sans nuages avant de recevoir cet héritage. Aimeriez-vous faire autre chose avec votre argent que ce qui est prévu dans votre plan?
  • De quelle façon voulez-vous honorer la mémoire de la personne qui vous lègue cet héritage?

Côté planification fiscale

La majorité des dons de charité sont planifiés dans les derniers mois de l’année afin de bénéficier des crédits d’impôt. Voilà donc le moment le plus propice pour courtiser vos clients par cet angle.

« La plupart des conseillers préfèrent amener le sujet dans un contexte d’impôts au lieu d’aborder les valeurs de leur client », remarque Brad Offman. Il est en effet plus facile de dire « Voici combien vous allez épargner d’impôt » que de lui demander comment il aimerait que les gens se souviennent de lui. Par ailleurs, des modifications au régime fiscal canadien ont rendu les dons attrayants d’un point de vue fiscal. Employés correctement, les crédits d’impôt peuvent compenser jusqu’à 75 % du revenu net, et jusqu’à 100 % du revenu net au décès.

Les questions administratives importent, mais les raisons pour lesquelles votre client veut donner aussi.

Selon l’organisme de sensibilisation à la philanthropie Imagine Canada, les crédits d’impôt arrivent au 5e rang sur la liste des raisons motivant un don de charité, derrière la sympathie pour la cause, le fait d’avoir personnellement été affecté par la cause soutenue ou encore l’obligation de s’y conformer pour des raisons de croyance et de religions.

Les déclarations fiscales révèlent d’ailleurs souvent la propension des contribuables à faire preuve de charité.

« C’est toujours vers cette section du formulaire que je suis en premier attiré lorsque je revois les déclarations de mes clients, confie Keith Thomson, directeur général à Stonegate Private Counsel à Toronto. Si je constate qu’il donne à la Société canadienne du cancer, ou à l’Hôpital pour enfants Sainte-Justine, par exemple, je lui demande ce qui l’a incité à choisir ces fondations. »

Jusqu’ici, personne ne lui a répliqué de se mêler de ses affaires. « Ce que j’obtiens souvent, ce sont plutôt des histoires extraordinaires comme un fils qui a failli mourir à l’âge de cinq ans et qui a incité ses parents à prendre l’habitude de faire des dons chaque année. Cette conversation constitue un tremplin pour leur demander s’ils aimeraient faire de ces dons un outil plus raffiné dans leur planification financière, qui leur rapporterait à eux comme à l’organisme. »

Côté planification successorale

Dans un contexte de planification successorale, les dons de charité sont généralement motivés par le désir de léguer un héritage et des valeurs aux enfants et petits-enfants tout en économisant de l’impôt.

Selon Keith Thomson, attirer l’attention des clients est alors relativement simple.

Normalement, à la succession, c’est d’abord l’ARC, puis la famille et ensuite les amis qui reçoivent (s’il y a lieu). S’il reste des fonds, les organismes de bienfaisance apparaissent souvent dans le portrait. Keith Thomson informe alors ses clients que, avec une combinaison de dons ponctuels et structurés, par exemple une donation de titres de placement et une police d’assurance vie, l’argent va en premier à la famille et aux amis, puis à l’ARC.

Autre exercice efficace : présentez à votre client son relevé d’impôt estimé à son décès, basé sur ses actifs actuels. « Cela donne toujours un choc, prévient Brad Offman. C’est donc une bonne occasion de le rassurer en examinant maintenant les façons de réduire drastiquement cette facture fiscale. Les dons de charité sont le chemin le plus rapide pour y arriver. »

Si votre client donne déjà à des organismes, proposez-lui de revoir sa répartition pour souscrire une police d’assurance vie nommant un organisme comme bénéficiaire. Cela permet de transformer un don en outil de réduction des frais successoraux, et pas seulement d’assurer un soutien financier à une cause.

L’héritage

Les parents des baby-boomers transféreront des milliards de dollars à leurs enfants au cours des deux prochaines décennies.

« Cet argent prendra alors l’une de ces quatre destinations : impôts, succession, placements ou dons de charité, résume Gena Rotstein, fondatrice du cabinet Dexterity Consulting à Calgary, qui se spécialise dans le coaching des conseillers ayant des clients donateurs. Qui d’autre de plus qualifié que les gestionnaires de patrimoine pour aiguiller ces fonds [loin des] impôts » et vers une cause ?

Chez les baby-boomers déjà parés financièrement, on s’attend à ce que les dons jouent un rôle significatif dans le transfert successoral.

« Plusieurs aspects de la gestion de patrimoine permettent aux familles de prendre soin d’elles-mêmes sans cette injection supplémentaire de revenu, rappelle toutefois Anne Brayley, vice-présidente, services philanthropiques à la Toronto Community Foundation. Lorsqu’une occasion ouverte par un marché baissier se présente, c’est donc le moment de demander “Y a-t-il autre chose que vous voudriez explorer ?” »

Parfois, le don est l’affaire d’une seule fois, mais la moyenne des personnes qui souhaitent honorer un membre de la famille choisissent plutôt le don planifié, comme un fonds de bienfaisance ou, pour dégager un peu plus de bénéfices, une fondation.

« Au conseiller de jauger si le client a besoin financièrement de ces stratégies caritatives ou pas, conseille Brad Offman. Demandez par exemple : “Avec la seule rente de votre mère, vous vivez à l’aise. Avez-vous déjà songé à utiliser un outil à la fois pour perpétuer sa mémoire et rehausser votre stratégie fiscale ?” »

La vente d’une entreprise

Vendre une entreprise est aussi excitant que démoralisant fiscalement. Voilà l’occasion d’inciter votre client à faire une contribution qui compte.

« La philanthropie ne trône pas au sommet de nos priorités quand on vend une entreprise, note Malcolm Burrows, qui dirige les services-conseils en philanthropie au Groupe Gestion privée Scotia. C’est le rôle du conseiller de s’informer de ce qui arrivera si une importante somme d’argent tombe sur son client à ce moment. »

L’expert conseille ainsi de montrer l’impôt estimé sur la vente au client. Même procédé si une compagnie dans laquelle votre client a investi est vendue, et génère un revenu intéressant pour les actionnaires.

« En sachant où les impôts seront prélevés, on peut décider où l’on veut qu’ils le soient : en impôts ou par le biais d’organismes caritatifs », soutient Malcom Burrows.

Rappelez-vous que tout est dans le timing. « Le moment idéal pour leur parler de succession dans un processus de vente n’est pas quand ils se soucient d’obtenir le bon prix, mais parfois avant que la transaction se conclue, avance Denise Castonguay, directrice exécutive de Canada Gives. Aussitôt qu’on les emmène à penser en dollar fiscal, ils s’ouvrent. »

Ainsi, demandez-leur :

  • Que prévoyez-vous faire avec les recettes de la vente?
  • Avez-vous déjà mesuré à quel point les dons de charité pourraient diminuer les frais fiscaux liés à la transaction?

Soyez toujours soucieux de choisir la bonne option. Une fondation peut prendre des mois à voir le jour, donc doit être établie bien avant la signature finale, alors qu’un fonds de bienfaisance peut être constitué rapidement.

Vous aidez vos clients à bâtir leur fortune. Aidez-les maintenant à donner au suivant.

Des outils pour les conseillers

Le programme québécois de sensibilisation aux dons panifiés Un héritage à partager offre des outils aux conseillers en services financiers afin qu’ils aident leurs clients à mieux planifier leurs dons de charité. D’ailleurs, la Chambre de la sécurité financière, l’Institut québécois de planification financière, la Chambre des notaires du Québec ainsi que l’Ordre des comptables agréés du Québec se sont associés aux activités d’Un héritage à partager. Les outils offerts aux professionnels des services de la santé visent à les aider à se renseigner sur les organismes que son client souhaite aider, afin que ce dernier fasse le bon choix, à faire connaître les avantages, tant financiers que fiscaux, de faire un don et à ce que le client fasse le meilleur choix possible pour lui, mais aussi pour l’organisme.

Un héritage à partager a créé une liste des organismes de charité, que peuvent consulter en ligne ou commander gratuitement les conseillers. De plus, le programme propose sur son site Web des fiches techniques sur une multitude de sujets, comme le don testamentaire, le don d’assurance vie, le don de titre admissible, le don de rente de bienfaisance et le don de fiducie de bienfaisance. Finalement, Un héritage à partager a mis en ligne des exemples de la fiscalité spécifique à chacune de ces formes de donation.

Le saviez-vous?

  • Le milieu des années 1990 était l’aube d’une série de mesures fiscales – comme l’élimination des impôts sur les gains en capital générés par les actions de sociétés ouvertes remises à titre gratuit – qui ont dessiné un paysage des plus fiscalement avantageux pour les dons de bienfaisance.
  • En 2010, 24 millions de contribuables canadiens, soit 84 % de la population âgée de plus de 15 ans, ont donné de l’argent à un organisme de charité ou à un organisme sans but lucratif, pour un total de 10,6 milliards de dollars. En moyenne, chaque donateur a donné 446 $, selon Statistique Canada. Le pourcentage de la population qui fait des dons ainsi que le montant total est presque inchangé depuis 2007.
  • Les donateurs sont plus susceptibles d’être des personnes plus âgées, d’avoir un revenu plus élevé, d’être éduqués ou sont plus portés à assister hebdomadairement à des activités religieuses.

Source : Statistique Canada

Au Québec, pour obtenir un crédit d’impôt à la suite d’un don de charité, il faut faire un don à l’un des organismes suivants :

  • un organisme de bienfaisance enregistré (aucuns frais de scolarité, même s’ils sont relatifs à l’enseignement religieux, ne donnent droit à ce crédit d’impôt);
  • une association canadienne de sport amateur enregistrée;
  • une association québécoise de sport amateur enregistrée;
  • une municipalité canadienne;
  • un organisme municipal ou public remplissant une fonction gouvernementale au Canada;
  • l’Organisation des Nations unies ou l’un de ses organismes;
  • une université étrangère prescrite;
  • le gouvernement du Canada ou celui d’une province;
  • un organisme d’éducation politique reconnu;
  • l’Organisation internationale de la Francophonie ou l’un de ses organismes;
  • une institution muséale enregistrée;
  • un organisme culturel ou de communication enregistré.

Source : Revenu Québec

Où donner?

Vos clients savent peut-être quelles causes ils veulent soutenir, ou utiliser pour épargner de l’impôt, mais ne savent pas encore quel outil philanthropique choisir. « Les conseillers peuvent être mal à l’aise de recommander des causes spécifiques à leurs clients », opine Anne Brayley, vice-présidente des services philanthropiques à la Toronto Community Foundation.

Soyez alors nuancé, offrez votre soutien et des ressources sans toutefois nommer précisément des dons « incontournables ».

Le site de l’ARC du Canada et des organismes comme Place2Give ou Un héritage à partager constituent de bons départs. Les fondations communautaires permettent aussi d’évaluer les options locales.

Bienfaisance : où commencer

Cet article est tiré de l’édition d’octobre du magazine Conseiller. Consultez-le en format PDF.