Le ministre Leitao défend son projet de loi

Par La rédaction | 10 octobre 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Le ministre des Finances du Québec, Carlos Leitao, a défendu jeudi son projet de loi sur la réforme de l’encadrement des services financiers, en entrevue avec Gérald Fillion à l’Émission 24/60, sur Radio-Canada.

Bien sûr, l’élimination proposée de la Chambre de la sécurité financière (CSF) et de la Chambre de l’assurance de dommage (ChAD) y a été rapidement abordée. Le projet de loi prévoit que les fonctions de protection des consommateurs de ces deux chambres passent à l’Autorité des marchés financiers (AMF). « Le modèle québécois, c’est d’avoir un régulateur intégré, qui est l’AMF », a martelé le ministre. Un point qu’il a réitéré à plusieurs reprises pendant cet entretien.

Malgré les craintes de nombreux intervenants quant à la protection des consommateurs, notamment la ministre de la Justice Stéphanie Vallée, il a affirmé que l’encadrement sera plus efficace sous la gouverne de l’AMF que sous celle des deux chambres, selon lui.

« Il y avait une certaine ambiguïté, un certain flou, comme le Vérificateur général nous l’avait souligné à plusieurs reprises, a poursuivi M. Leitao. C’est mieux d’avoir un guichet unique pour la réglementation des services financiers. » Il a aussi vanté le fait que les décisions en cas de plaintes seront désormais concentrées au Tribunal administratif des marchés financiers, un organe indépendant, plutôt que dans des organismes d’auto-réglementation.

Il a d’ailleurs soutenu que, mêmes abolies en tant qu’organismes, les chambres ne disparaissaient pas vraiment mais passaient plutôt sous la coupe de l’AMF. « Les chambres ne disparaissent pas, cette activité-là va migrer vers l’AMF et toutes les personnes qui présentement travaillent dans les chambres vont aussi migrer vers l’AMF et devenir des employés de l’AMF. »

DESJARDINS AUX MANETTES?

Par ailleurs, le ministre s’est défendu d’avoir cédé à toutes les demandes du Mouvement Desjardins, en proposant des mesures qui, au final, pourraient diminuer la protection dont jouissent les consommateurs de produits financiers de cette coopérative géante. Le Mouvement Desjardins est visé par certains articles du projet de loi en raison de son importance systémique pour le marché financier et l’économie québécoise. Desjardins gère plus de 258milliards de dollars d’actif, dont la majeure partie est concentrée au Québec, en plus d’employer plus de 47500personnes.

Alors, le projet de loi sacrifie-t-il les consommateurs aux intérêts de Desjardins? « Absolument pas, a protesté le ministre. L’objectif du projet de loi est de faire tous ces changements dans l’intérêt public, dans l’intérêt des consommateurs […] Desjardins est un très grand conglomérat financier, qui doit suivre des règles internationales. Donc la réglementation québécoise doit refléter ces règles internationales. »

ACHETER DE L’ASSURANCE EN QUELQUES CLICS

Desjardins réclamait un cadre législatif souple permettant la distribution de produits d’assurance par Internet et sans représentants. Il est permis de se demander en quoi les consommateurs sont mieux protégés en achetant des assurances en ligne, sans conseiller pour les informer. Pour M. Leitao, il s’agit d’abord et avant tout d’encadrer une pratique qui existe déjà. Le ministre assure que les clients auront toujours l’opportunité de contacter « une vraie personne » pour acheter un tel produit. Le consommateur pourra aussi annuler son contrat dans les dix jours suivant la transaction.

Dans La Presse, la chroniqueuse Stéphanie Grammond rappelle qu’effectivement, certaines firmes comme Sonnet avait profité d’un vide juridique pour offrir leurs produits sur Internet. Mais l’encadrement dont ils feront l’objet si le projet de loi de M. Leitao est accepté n’est pas beaucoup moins vide, notamment du côté de la protection des consommateurs. La chroniqueuse s’inquiète du fait que n’importe quel produit d’assurance puisse être vendu en ligne et sans représentant, y compris les plus complexes, qui nécessiteraient pourtant une analyse des besoins financiers du client.

UN FONDS D’INDEMNISATION PLUS UTILE

Elle se réjouit davantage des améliorations promises au Fonds d’indemnisation des services financiers (FISF), qui peinait à jouer un rôle constructif envers les épargnants floués en raison de critères trop restrictifs. L’an dernier, le Fonds a indemnisé trois consommateurs pour un total de 405 000 $. C’est peu, mais il avait fait pire l’année précédente. Il avait alors dépensé 1,2million de dollars pour analyser 34 demandes d’indemnisation. Au final, un seul consommateur a été dédommagé. Il a touché 50 000 dollars.

Le projet de loi prévoit notamment que ceux-ci pourront désormais être dédommagés même si le conseiller a commis une fraude dans un domaine qui n’est pas relié à son permis. Rien, toutefois, sur l’administration du Fonds, qui demeure sous la gouverne de l’AMF malgré les demandes de nombreux professionnels en services financiers. L’Association professionnelle des conseillers en services financiers réclame notamment depuis longtemps d’avoir voix au chapitre, comme ce sont les cotisations des conseillers qui paient le Fonds.

Stéphanie Grammond souligne aussi la création annoncée d’un comité consultatif des consommateurs de produits et services financiers, ouvert au public. Reste à voir les modifications qui pourront être apportées à ce projet de loi suite aux débats dont il fera l’objet avant son adoption.

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