Hardbacon : le nouveau répertoire de conseillers inquiète

Par Pierre-Luc Trudel | 8 juillet 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
3 minutes de lecture
Photo : niroworld / 123RF

Fraîchement mis en ligne, le nouveau site d’évaluation des conseillers de Hardbacon a reçu un accueil partagé dans l’industrie. Si certains y voient une excellente façon de faire connaître leurs services auprès de clients potentiels, d’autres craignent les dérives que pourraient occasionner un tel outil.

« Évaluer les services professionnels d’un conseiller, ce n’est pas du tout comme évaluer la propreté d’un appartement sur Airbnb », argue Flavio Vani, président de l’Association professionnelle des conseillers en services financiers (APCSF).

S’il explique n’avoir aucun problème avec le lancement d’un nouveau répertoire dans lequel les conseillers peuvent personnaliser leur profil, il se dit mal à l’aise avec le fait que les clients puisent juger le travail de leur conseiller sur un site « à but lucratif ».

« Un commentaire maladroit peut affecter une carrière entière, déplore-t-il. Je crains que les choses dérapent. On ne connaît pas les motifs des gens qui publient les évaluations. »

Flavio Vani se dit d’ailleurs prêt à défendre les membres de l’APCSF en cas de problème avec les évaluations sur le site. « On va regarder attentivement les critiques qui vont y être publiées », assure-t-il.

Hardbacon définit son service comme « le TripAdvisor des conseillers financiers au Canada ». À l’heure actuelle, 120 000 conseillers de toutes les provinces canadiennes sont répertoriés, soit les conseillers en placement, les représentants en épargne collective et les planificateurs financiers.

En entrevue avec Conseiller la semaine dernière, le cofondateur et PDG de Hardbacon, Julien Brault, a expliqué que sa firme va s’assurer qu’il n’y ait pas de diffamation ou de propos calomnieux dans les évaluations qu’écrirons les utilisateurs sur la plateforme, sans toutefois pouvoir faire « une enquête pour chaque commentaire ».

PROBLÈMES DE FIABILITÉ

Michel Mailloux, planificateur financier et expert en conformité financière, émet lui aussi de sérieuses réserves par rapport au nouveau service de Hardbacon. « Ce n’est pas une mauvaise idée en soi, mais pourquoi vouloir dédoubler le répertoire de l’Autorité des marchés financiers (AMF), la seule liste fiable? », demande-t-il.

M. Mailloux dit avoir identifié deux planificateurs financiers dans le répertoire de Hardbacon qui ne figurent plus dans celui de l’AMF. Il déplore également le fait qu’un représentant ait écrit dans son profil personnalisé qu’il offre des services de planification financière alors qu’il ne détient pas le titre de planificateur financier. « C’est une faute déontologique commise par ce représentant. Hardbacon a une responsabilité de s’assurer que les informations transmises sur son site ne soient pas erronées », soutient-il.

Michel Mailloux critique aussi le fait qu’Hardbacon transmette l’adresse, le numéro de téléphone et les permis détenus par les représentants, des informations considérées comme privées par l’AMF, dit-il. « Je ne sais pas trop comment ils ont fait pour avoir ces informations, car on ne peut pas obtenir le registre de l’AMF, et ce n’est pas faute d’avoir essayé. De plus, l’AMF publie ces informations en ligne à des fins de protection du public, pas à des fins commerciales. D’un point de vue éthique, j’ai un problème avec ça ».

Malgré les réserves exprimées par certains représentants de l’industrie, plusieurs conseillers semblent heureux du lancement du répertoire d’Hardbacon. Certains ont salué le lancement du site sur les réseaux sociaux, alors que d’autres ont déjà accédé au répertoire pour personnaliser leur profil.

De son côté, l’AMF rappelle que les investisseurs doivent toujours consulter son site web avant de choisir un représentant pour vérifier que celui-ci et son entreprise sont inscrits. « L’Autorité ne vérifie pas l’exactitude de l’information fournie sur un site externe au sujet de l’inscription d’une personne », précise le régulateur. De plus, l’AMF appelle à la vigilance en ce qui concerne les évaluations personnelles des usagers, et insiste sur le fait que « les sites comme TripAdvisor peuvent convenir des faux avis ».

Pierre-Luc Trudel