Le passage à la norme IFRS, trop cher et complexe pour les entreprises privées

Par David Santerre | 4 août 2010 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Si les entreprises ayant une obligation publique de rendre des comptes n’ont pas le choix de se conformer dès janvier 2011 aux Normes internationales d’information financière (IFRS), les entreprises à capital fermé sont beaucoup plus réticentes à se lancer dans une opération qui ne fera selon elles qu’engendrer des coûts d’opérations supplémentaires.

Dans un article récent, le quotidien The Globe and Mail présentait le point de vue de quelques administrateurs de ces sociétés à capitalisation privée qui après avoir jonglé avec l’idée, on décidé d’ignorer l’IFRS.

En fait, ces entreprises disposent de deux options. Se conformer à l’IFRS, ce qui veut dire un protocole de divulgation des résultats financiers hyper-transparent et complexe. Trop lourd pour bien des entreprises privées qui sont pour la plupart des PME.

Ou elles peuvent se tourner vers la version nouvellement simplifiée des Principes comptables généralement reconnus (PCGR) du Canada, qui était la norme jusqu’à maintenant.

«En regardant ce que voulait dire pour nous l’IFRS, nous n’y voyons pas de bénéfice. Ce ne fut qu’une question d’analyse de coûts et bénéfices, et nous sommes allés vers ce que nos clients demandent et apprécient… Nous croyons que ces nouvelles normes (PCGR simplifié) sont parfaites pour nous», a affirmé au Globe Rick Cecchetto, directeur financier du Bragg Group, une grosse entreprise familiale de Nouvelle-Écosse présente dans les aliments surgelés, les télécommunications et les technologies environnementales.

Il faut dire que le nouveau PCGR allégé n’oblige même pas les entreprises à dévoiler les primes des dirigeants…

M. Cecchetto insiste toutefois, ce n’est pas un refus de son entreprise de dévoiler ses chiffres qui motive la non adhésion à l’IFRS. «Si nos clients désirent des informations, ils les auront», déclare-t-il.

Même une entreprise comme Centra Industries, qui fabrique en Ontario des composantes de train d’atterrissages pour avion, et qui a plusieurs actionnaires privés, a choisi de passer outre les normes IFRS.

«Nous avons examiné les deux types de normes, ce qui changerait selon les deux types, et avons analysé ce que voulaient savoir les utilisateurs de nos rapports financiers. Nous n’avons pas trouvé une grande plus value dans l’IFRS», explique Peter Voss, directeur financier de Centra.

L’entreprise clame d’ailleurs qu’elle fournit des rapports d’opérations qui vont au-delà des exigences de l’IFRS.

Alors pourquoi ne pas joindre les rangs des entreprises qui se conforment à l’IFRS?

Une question de coûts, tout simplement.

Contrats d’assurance conformes à l’IFRS

Par ailleurs, l’International Accounting Standards Board (IASB) a récemment émis un modèle de contrat d’assurance se conformant aux normes IFRS, c’est-à-dire plus de transparence et des changements drastiques dans la façon dont les assureurs mesurent, rapportent et évaluent la performance de leurs contrats.

L’IASB ouvre ainsi une période de quatre mois au cours de laquelle elle entendra les commentaires des principaux intéressés, en vue de publier un modèle final en 2011, et qui entrerait en vigueur en 2013.

Une démarche saluée par plusieurs spécialistes en la matière, comme la firme KPMG, qui estime que cela devrait avoir «un impact significatif sur l’industrie de l’assurance, considérant l’actuelle diversité sous les normes IFRS dans les pratiques comptables des différents pays», lit-on dans un communiqué de KPMG.

Les assujettis canadiens se préparent

Toujours sur le même sujet, l’Autorité canadienne en valeurs mobilières (ACVM) a récemment dévoilé des statistiques démontrant que de plus en plus de compagnies assujetties aux nouvelles normes IFRS ont amélioré la qualité et le volume d’information sur le passage prochain à cette nouvelle ère dans leurs communications aux actionnaires.

Voici quelques statistiques sur le sujet, fournies par l’ACVM :

-95 % des émetteurs assujettis examinés ont présenté leur plan d’adoption des IFRS dans leur rapport de gestion de 2009

-60 % des émetteurs assujettis examinés ont décrit les étapes importantes à franchir et le calendrier prévu pour chacun des éléments clés de leur plan d’adoption des IFRS

-82 % des émetteurs assujettis examinés ont exposé des différences importantes entre les principes comptables généralement reconnus du Canada (PCGR) en vigueur et les IFRS en ce qui concerne leurs méthodes comptables. Néanmoins, de nombreux émetteurs assujettis pourraient améliorer cet exposé afin d’aider les investisseurs à comprendre les répercussions de la transition aux IFRS.

«L’examen des ACVM ne porte que sur l’information présentée par les émetteurs assujettis sur les mesures prises en vue de la transition aux IFRS et n’évalue pas leur état de préparation réel», nuance toutefois l’ACVM.

David Santerre