Le PDG de Desjardins est-il payé trop cher?

Par La rédaction | 14 juin 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Guy Cormier, président du Mouvement Desjardins, en allocution devant le Cercle canadien de Montréal. (Photo : Agence Québec Presse)

« Est-il normal que le chef de la direction de Desjardins touche une rémunération de plusieurs millions de dollars? ». C’est la question que pose Gérald Fillion dans sa plus récente chronique sur le site de Radio-Canada.

Citant un rapport sur la rémunération des dirigeants dans les coopératives publié lundi par l’Institut de recherche en économie contemporaine (IREC), le journaliste économique pointe que, même si le Mouvement « semble maintenir une retenue qui pourrait être attribuable à sa “différence coopérative”, les logiques sous-tendant certains de ses choix et la conception de ses instruments laissent poindre des risques de “contamination” idéologique susceptibles d’altérer sa mission ».

« Contamination, ma foi, est-ce contagieux? », ironise le chroniqueur. Le danger proviendrait de deux sources, explique-t-il. « Premièrement, Desjardins se compare aux grandes banques, affirmant qu’elle évolue sur le même terrain. Et deuxièmement, elle place la rémunération de ses dirigeants dans le contexte de tout le Canada, et non seulement du Québec. On comprend bien que, sur ces bases, la rémunération du chef de la direction aura plus tendance à pointer vers le haut et… pas le contraire! »

« Depuis 2013, Desjardins compare plutôt [la rémunération de son président] à celle de ses vis-à-vis dans d’autres groupes financiers coopératifs d’envergure comparable, qui partagent les mêmes valeurs », affirme cependant André Chapleau, porte-parole du Mouvement, dans un courriel à Conseiller.

SALAIRE 39 FOIS PLUS ÉLEVÉ QUE CELUI D’UN EMPLOYÉ

Malgré tout, Desjardins se tire plutôt bien d’affaire, puisque « tout en étant très élevée en termes absolus, la rémunération de ses hauts dirigeants est plus modérée que dans toutes les grandes banques canadiennes », souligne l’IREC. En 2015, avec une rémunération globale estimée à 3,9 millions de dollars, la présidente du Mouvement Monique Leroux gagnait ainsi « seulement » 39 fois la rémunération moyenne de ses employés, selon les données de Desjardins. En 2016, la rémunération de Guy Cormier représentait 28 fois la moyenne de celle des employés réguliers à temps plein. À titre comparatif, ce ratio s’élevait à 146 fois pour le patron de la Banque Scotia la même année.

L’Institut fait néanmoins remarquer qu’en dollars constants de 2015, la rémunération directe du plus haut dirigeant de Desjardins a bondi de 147 % entre 2001 et 2015, passant de 1 079 626 $ à 2 664 598 $, tandis que le salaire moyen de ses employés n’a augmenté que de 46 %, passant de 40 638 $ à 59 386 $. Verdict de l’IREC : « Desjardins ne semble jamais avoir visé un “ratio d’équité” entre la rémunération du chef de la direction et celle des autres employés de la coopérative. »

Les auteurs du rapport notent également que la prime au rendement du patron de l’institution financière prend une importance croissante au sein de l’entreprise, puisqu’elle est passée de 10 % du salaire de base en 1996 à 110 % depuis 2009. Or, durant cette période, les ristournes aux membres « n’ont cessé de baisser, alors que l’organisation est en pleine expansion », soulignent-ils. Plus précisément, de 2002 à 2014, elles sont passées de 415 à 177 M$ (en dollars courants).

« Le niveau de ristournes ne peut pas être considéré comme un indicateur financier. Rappelons aussi que les ristournes sont déterminées en fonction des excédents des caisses et votées par les membres en assemblée générale de chaque caisse. Desjardins est encore l’une des rares institutions financières coopératives à en verser », rétorque le porte-parole du Mouvement.

« DESJARDINS DEVRAIT DONNER L’EXEMPLE »

« En plus d’avoir la responsabilité de satisfaire ses membres, une coopérative doit obéir à un certain nombre de principes coopératifs. L’égalité, l’équité et la solidarité comptent parmi les six valeurs au cœur du mouvement coopératif, avec l’autoassistance, l’autoresponsabilité et la démocratie, insiste l’IREC. En tant que plus grand employeur privé du Québec, Desjardins pourrait jouer un rôle plus grand encore pour contribuer à la réduction des inégalités et à une plus grande justice sociale. »

Une opinion que semble partager Gérald Fillion. « Au moment où les patrons des banques canadiennes doivent répondre à des questions sur leurs pratiques envers leurs employés et leur clientèle, on peut se demander si la haute direction de Desjardins n’aurait pas avantage à s’engager dans une pratique de gouvernance de haut niveau », écrit-il.

Dans un discours prononcé en mai, Guy Cormier déclarait qu’« il faudra mieux faire jouer les mécanismes de la solidarité sociale pour aplanir les inégalités », rappelle le journaliste, qui conclut sa chronique en se posant cette autre question : « Le grand patron de Desjardins peut-il lancer un tel appel sans, d’abord, donner l’exemple? »

« La rémunération du président du Mouvement Desjardins tient compte de ses importantes responsabilités à la tête de la plus importante coopérative financière au pays, avec un actif de près de 268 G$, et de l’un des plus importants employeurs privés canadiens avec près de 48 000 employés », répond M. Chapleau.

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