Le pouvoir insoupçonné de l’épargne des Québécois

Par Pierre-Luc Trudel | 9 avril 2015 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Grâce à la quantité colossale d’actions qu’ils détiennent dans leurs REER, CELI, régimes de retraite et autres véhicules de placement, les Québécois ont entre les mains un pouvoir énorme sur la gouvernance des entreprises. Mais dans la réalité, ce pouvoir n’est que rarement exercé.

« Sommes-nous devenus des capitalistes passifs et silencieux? », a demandé Normand Caron du Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC) lors d’un atelier-conférence organisé lundi dernier à Montréal.

« L’épargne des Québécois est colossale. On doit se demander dans l’intérêt de qui cet argent est investi, mais aussi comment les droits de vote sont exercés dans les sociétés où nous sommes actionnaires et investisseurs. »

Au cours des dernières années, Normand Caron a épluché rapports annuels et études statistiques pour découvrir à combien s’élève l’épargne totale des Québécois. Ses recherches ont révélé que, au 31 décembre 2013, l’épargne individuelle des ménages de la province s’élevait à 531,2 milliards de dollars (G$). L’épargne collective, issue principalement de la Caisse de dépôt et placement et des régimes de retraite privés, représentait pour sa part 348 G$. L’actif financier total des Québécois atteint donc le montant impressionnant de 880 G$.

« On est plus riche qu’on le pense, ou qu’on veut bien nous le faire croire », a affirmé M. Caron.

Normand Caron

Démocratie actionnariale

En sachant que les actions représentent à elles seules 40 % du total, soit 348 G$, Normand Caron déplore que les droits de vote qui y sont rattachés demeurent bien souvent inutilisés. « 348 G$, ça représente 24 % de la capitalisation boursière de l’indice composé S&P/TSX. Par nos épargnes, nous détenons la majorité des droits de vote dans un grand nombre d’entreprises, mais qu’en faisons-nous? L’investisseur doit être conscient de ses droits et apte à les exercer », a-t-il soutenu.

En effet, les investisseurs individuels en gestion autonome détiennent 28 % du total de ces actions, suivis de la Caisse de dépôt et placement (27 %), des fonds communs de placement (22 %) et des caisses de retraite qui ne sont pas gérées par la Caisse de dépôt (20 %).

« Certains régimes de retraite détiennent des millions de droits de vote, mais ne les exercent pas. C’est scandaleux! », s’est exclamé M. Caron.

Et quand ils le sont, ils ne reflètent pas nécessairement la volonté des employés. « Quand en plus des employés détiennent des actions de leur entreprise, il ne s’agit pas seulement de leur épargne, mais aussi de leur emploi. Ils doivent demander des comptes », a-t-il ajouté.

Pour l’investisseur qui souhaite exercer ses droits, une méthode efficace consiste à présenter des propositions à l’occasion des assemblées annuelles des actionnaires. Depuis de nombreuses années, le MÉDAC a suivi cette voie avec succès, notamment en ce qui concerne la question du vote consultatif sur la rémunération des dirigeants, aujourd’hui adopté par plus de 100 sociétés.

« C’est la responsabilité de l’actionnaire de s’assurer que la gouvernance des entreprises respecte ses valeurs d’éthique, de transparence ou encore de respect de l’environnement, a expliqué M. Caron. Les investisseurs institutionnels doivent se coordonner et les investisseurs individuels doivent se réveiller. C’est en fédérant nos votes et en les exerçant que nous pourrons avoir notre mot à dire sur la gestion des sociétés et développer une authentique démocratie actionnariale », a-t-il conclu.

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Pierre-Luc Trudel