Le REEI, ce mal-aimé

Par Julie Perreault | 5 septembre 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Igor Stevanovic / 123RF

En dépit d’une timide croissance en 2016, le nombre de Québécois ayant adopté le régime enregistré d’épargne-invalidité (REEI) reste encore relativement faible. Et les raisons de ce désamour sont multiples.

Les plus récentes statistiques de l’Agence du revenu du Canada (ARC) semblent indiquer une légère augmentation du nombre de détenteurs d’un régime enregistré d’épargne-invalidité (REEI) au Québec, passant de 16 553 en décembre 2015 à 18 093 régimes en mars 2016. Toutefois, un certain nombre d’entre eux l’ont été à l’initiative du Curateur public (251 entre octobre 2015 et octobre 2016) pour des personnes sous sa tutelle.

La question demeure donc : pourquoi n’y a-t-il pas plus de Québécois admissibles qui l’utilisent?

UN PRODUIT COMPLEXE

Bien que ses avantages soient indéniables, le REEI demeure en soi un outil de placement très technique. Et malgré l’information gouvernementale disponible, un minimum d’accompagnement professionnel est nécessaire pour l’utiliser, selon Guillaume Parent, président de Finandicap, cabinet de services financiers, et représentant en épargne collective pour Groupe financier PEAK.

« Les gens ont besoin de se faire vulgariser le contenu. Lorsqu’on a un enfant ou un proche handicapé, le temps et les efforts sont concentrés sur le bien-être au quotidien. Le reste passe en second », indique ce dernier.

La plupart des institutions financières offrant actuellement le REEI le font presque exclusivement via des centrales téléphoniques, dit-il. Le conseiller est d’avis qu’un appel d’une demi-heure n’est pas suffisant pour permettre à des parents de comprendre et de réfléchir adéquatement à leurs objectifs financiers et à leur stratégie.

« En tant que conseiller, on se doit de pousser plus loin, d’aider les gens à planifier à court, moyen et long terme. Advenant, par exemple, que les parents se retrouvent plus tôt que tard dans l’incapacité de prendre soin de leur enfant handicapé », souligne-t-il.

UNE INFORMATION DIFFICILE À TROUVER

L’accessibilité de l’information ou même de conseillers spécialisés constitue également un obstacle, comme en témoigne Luc Dubé, père d’une enfant handicapée. Désireux d’assurer l’avenir de sa fille tout en éliminant une potentielle responsabilité financière pour ses autres enfants, ce dernier scrutait depuis un certain temps les produits financiers disponibles.

Lorsqu’il a appris l’existence du REEI, M. Dubé a voulu en savoir plus. Mais la quête d’information s’est avérée ardue.

« J’ai fait diverses démarches, entre autres auprès de professionnels en services financiers au début des années 2010. Mais, je n’obtenais que peu de réponses et les gens ne connaissaient pas vraiment le produit. Au bout de deux ans de recherches, je suis finalement tombé sur le site Web de Finandicap ». Sans détour, le père de famille confirme qu’il n’aurait pas été en mesure de mener à terme le processus pour l’obtention d’un REEI sans l’expertise de son conseiller.

Planificateur financier au Groupe Investors, Charles Bolduc partage également cet avis. Ayant choisi de se perfectionner sur le sujet afin d’en faire bénéficier ses clients admissibles, il concède que l’information au sujet du REEI demeure ardue à trouver pour les particuliers, et que ce n’est pas tous les conseillers qui la maîtrisent.

« Aujourd’hui comme avant, les gens qui désirent un REEI doivent aller dans des succursales spécifiques. Obtenir de l’information reste laborieux pour eux sans l’aide d’un conseiller », confirme le planificateur financier.

DES MYTHES À DÉCONSTRUIRE

Au-delà de la complexité du produit ou de l’accès à l’information, certaines croyances tenaces contribuent également à freiner la croissance des adhésions. Dans le lot, le mythe qui veut que le bénéficiaire se fasse couper ses prestations d’aide sociale s’il est détenteur d’un REEI a la vie dure.

« En fait, un bénéficiaire peut épargner jusqu’à 200 000 $ dans son REEI, tout en gardant ses prestations, car elles ne sont pas considérées dans le calcul », explique M. Parent.

Autre idée préconçue : il faut être riche pour ouvrir un REEI. Or, simplement en ouvrant un régime enregistré d’épargne-invalidité, le requérant peut faire sa demande pour le Bon canadien pour l’épargne-invalidité, mentionne à son tour M. Bolduc. Celui-ci, d’une valeur de 1 000 $, lui sera alors versé annuellement dans son REEI, jusqu’à concurrence de 20 000 $. « Cotiser aussi peu que 50 $ dans le régime fait une différence ».

Enfin, certaines craintes persistent encore quant à l’admissibilité de son enfant ou de son proche, notamment à savoir si le handicap de celui-ci sera reconnu comme « suffisant ». Pour M. Parent, ces inquiétudes proviennent surtout d’une mauvaise compréhension de la Loi sur l’impôt.

« C’est certain que plus la déficience est importante, plus la reconnaissance est facile. Mais je recommanderais aux gens ayant un proche handicapé de commencer par faire remplir le formulaire T2201, le Certificat pour le crédit d’impôt pour personnes handicapées, par un professionnel de la santé. Le pire qui puisse arriver, c’est un refus », conclut M. Parent.

Alors que les statistiques estiment à 125 000 le nombre de Québécois vivant avec un handicap admissibles au REEI , on peut affirmer sans se tromper qu’il reste encore beaucoup à faire en matière d’information et de promotion de cet outil d’épargne, autant chez les professionnels que chez les clients.

Julie Perreault