Le REER a 60 ans

Par Rémi Maillard | 7 février 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Depuis son apparition dans le budget fédéral de 1957, le régime enregistré d’épargne-retraite (REER) a conquis des millions d’épargnants.

Voilà l’occasion de revenir sur l’histoire de cet outil d’épargne qui fait désormais partie intégrante de l’univers fiscal des Canadiens.

Son origine remonte à mars 1957, lorsque le gouvernement libéral de Louis St-Laurent a modifié la Loi de l’impôt sur le revenu, permettant aux contribuables de déposer de l’argent dans des régimes d’épargne personnels afin de disposer d’un revenu de retraite durant leurs vieux jours. Cette innovation a ainsi permis aux épargnants de profiter des mêmes avantages fiscaux dont bénéficiaient déjà les participants aux régimes enregistrés de pension (REP) offerts par leur employeur, rapporte Statistique Canada. Le gouvernement provincial du Québec emboîtera le pas deux ans plus tard.

UNE COTISATION MAXIMALE DE… 2 500 $

À l’époque, la cotisation dans ce qui s’appelait alors une « rente de retraite enregistrée » était plafonnée à 10 % du revenu de l’année, pour un montant maximal de 2 500 dollars. Les Canadiens y avaient alors versé environ 27 millions de dollars. Six décennies plus tard, le nombre total de cotisants a atteint 5 974 180 pour l’année fiscale 2014, tandis que le montant global de leurs cotisations s’est élevé à 38,6 G$, selon les plus récentes données de Statistique Canada.

D’après un sondage mené en ligne par CROP en novembre dernier, 64 % des familles de la Belle Province cotisent à un REER, tandis que 47 % détiennent un compte d’épargne libre d’impôt (CELI) et 45 %, un régime enregistré d’épargne-études.

Au départ, les Canadiens s’étaient pourtant montrés peu enthousiastes vis-à-vis de ce nouvel outil d’épargne, comme le rappelle à Conseiller Nicholas Shields, planificateur financier pour le Groupe Investors.

« Le but initial était d’encourager l’épargne-retraite, et c’est toujours le cas aujourd’hui, explique-t-il. Ce qui a changé, en revanche, c’est que durant les premières années, une personne qui ne cotisait pas perdait ses droits; autrement dit, ceux-ci ne s’accumulaient pas. Alors que depuis 1990, et surtout 1996, les limites de temps ont été abrogées, ce qui permet désormais aux particuliers d’accumuler ad vitam aeternam leurs droits de cotisation. »

PLUSIEURS CAUSES AU SUCCÈS DU REER

Dans les années 1950 et 1960, les particuliers pouvaient compter sur le fait que les gouvernements, et surtout les employeurs, allaient s’occuper de leur retraite, souligne Nicholas Shields. « Toutes les grandes compagnies proposaient à leurs employés des régimes de retraite à vie, mais les choses ont beaucoup changé depuis. Il y a de moins en moins de compagnies qui offrent un régime de retraite et au lieu que celui-ci soit à prestations déterminées, il est généralement plutôt à cotisation déterminée. Les gens ne peuvent donc plus se fier autant qu’autrefois à l’État ou à leur employeur et ils sont obligés d’accumuler eux-mêmes une bonne partie de l’argent qui leur servira à financer leurs vieux jours. »

Le planificateur financier juge que ce phénomène est en grande partie à l’origine du succès rencontré par le REER. « Au fil des ans, les différents gouvernements qui se sont succédé ont essayé d’élargir ses possibilités afin d’attirer un maximum d’épargnants. En faisant augmenter le montant des cotisations permises, ils ont voulu encourager les particuliers à économiser le plus possible. Globalement, depuis 60 ans, la tendance a été de leur permettre de cotiser toujours davantage. »

Selon Nicholas Shields, un autre facteur clé qui a contribué à la hausse des cotisations au REER depuis sa création est la démographie. « Les baby-boomers ont joué un rôle important dans les années 1980 et 1990 et, leur revenu disponible augmentant avec le temps, ils ont pu cotiser davantage », note-t-il.

De même, l’évolution du marché du travail a également eu un impact non négligeable, puisque « les femmes étant aujourd’hui beaucoup plus actives sur le marché du travail que dans les années 1960, elles aussi cotisent beaucoup plus qu’autrefois ».

« BEAUCOUP DE COTISATIONS SONT INUTILISÉES »

« Certains facteurs ont pu jouer un rôle dans la progression des REER », croit également Statistique Canada, qui mentionne, entre autres :

  • une population plus sensibilisée à la nécessité d’épargner pour la retraite;
  • un désir accru de maximiser l’utilisation des abris fiscaux;
  • l’effet des campagnes de publicité annuelles des institutions financières;
  • les augmentations périodiques du niveau maximum de cotisation admissible par les gouvernements.

Soixante ans après leur apparition, les REER sont-ils pleinement utilisés par les Canadiens? Non, répond Nicholas Shields. « Les contribuables laissent beaucoup de cotisations inutilisées. Ils ne profitent pas au maximum des possibilités offertes par ces régimes et perdent donc des remboursements d’impôt auxquels ils auraient potentiellement droit. Il est bien rare aujourd’hui de trouver quelqu’un qui cotise à 100 % de ce à quoi il a droit. »

« Cette situation est due à deux raisons : soit le budget d’un ménage est mal géré et certains montants qui pourraient être placés dans le régime partent ailleurs, soit les gens n’ont tout simplement pas les moyens financiers d’épargner davantage qu’ils ne le font déjà », conclut-il.

Quelques dates clés

  • 1957 : Le gouvernement fédéral crée le REER, appelé à l’époque « rente de retraite enregistrée ». La limite des contributions est alors de 10 % du revenu de l’année, pour un maximum de 2 500 dollars. Si une personne ne cotise pas, elle perd ses droits pour cette année-là.
  • 1968 : Première année pour laquelle des données sur les cotisations au REER sont disponibles. À l’époque, on dénombre 172 000 cotisants d’un océan à l’autre.
  • 1974 : Introduction du REER de conjoint, destiné à permettre l’imposition des retraits de la part du conjoint qui gagne le moins.
  • 1978 : Lancement du fonds enregistré de revenu de retraite (FERR) afin d’éviter aux particuliers de devoir liquider leur REER d’un seul coup ou d’en utiliser le produit pour constituer une rente.
  • 1990 : Augmentation de la limite des cotisations à 18 % des revenus de l’année précédente; le maximum atteint ainsi 11 500 dollars. Changement dans la règle sur les droits de cotisations inutilisés, ce qui permet aux particuliers de reporter leurs droits de cotisation inutilisés dans un délai de sept ans.
  • 1992 : Création du régime d’accession à la propriété (RAP) afin d’aider les contribuables à accéder à la propriété en utilisant les fonds de leur REER.
  • 1996 : Indexation de la limite des cotisations; introduction du facteur d’équivalence; élimination de la limite de sept ans pour les droits de cotisation inutilisés.
  • 1999 : Instauration du régime d’encouragement à l’éducation permanente.
  • 2005 : Abolition de la limite qui empêchait les investisseurs d’investir plus de 30 % du contenu de leur REER à l’étranger.
  • 2007 : L’âge auquel les épargnants doivent convertir leur REER en FERR ou en rente passe de 69 à 71 ans.
  • 2009 : Le plafond du RAP passe de 20 000 à 25 000 dollars par personne. Un couple peut donc prélever 50 000 dollars dans son REER pour financer l’achat de sa première maison.
  • 2014 : Près de six millions de Canadiens cotisent au REER pour un montant total de 38,6 G$.

Sources : Placements Mackenzie, Groupe Investors et Statistique Canada.

Rémi Maillard

Journaliste multimédia. Santé, environnement, société, finances personnelles. Également intéressé par les affaires publiques, les relations internationales, la culture… Passionné de cyclisme.