Le rôle de l’ombudsman des banques remis en question

Par La rédaction | 17 septembre 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : 123rf

Banque Scotia est récemment devenue la troisième banque en dix ans à abandonner l’Ombudsman des services bancaires et d’investissements (OSBI) pour les plaintes liées à ses activités bancaires, après la RBC et la TD, rapporte le Financial Post.

Les trois banques ont choisi ADR Chambers Banking Ombuds Office (ADRBO) pour traiter les plaintes de leurs clients qu’ils n’arrivent pas à régler à l’interne, en ce qui concerne leurs services bancaires. Les plaintes liées à leurs services d’investissements seront toujours confiées à l’OSBI.

PRIVÉ CONTRE PUBLIC

Il y a toutefois une grande différence entre ADRBO et l’OSBI : le premier est une entreprise privée, alors que l’autre est un organisme public. La Loi sur les banques oblige ces institutions financières à avoir un ombudsman externe pour traiter les plaintes qu’elles n’arrivent pas à solutionner elles-mêmes. Toutefois, la loi ne précise pas quel ombudsman doit être utilisé.

Sarah Bradley, l’ombudsman et chef de la direction de l’OBSI, a soutenu dans une entrevue accordée au Financial Post que le fait qu’elle ne gère plus que les plaintes de deux des cinq grandes banques canadiennes pose problème.

« À partir de cet automne, environ 70 % des Canadiens n’auront pas accès à un ombudsman à but non lucratif et orienté vers le service public pour les aider s’ils ont des ennuis avec les banques qu’ils ne peuvent résoudre eux-mêmes », a-t-elle rappelé.

Selon elle, le système actuel crée un conflit d’intérêt inhérent, en laissant les banques choisir leur propre enquêteur et en forçant les services de résolution des conflits à se livrer compétition pour obtenir les contrats des banques. « Ce n’est pas juste pour les consommateurs canadiens et ce n’est pas dans leur intérêt », ajoute-t-elle.

ÉTENDRE LE MANDAT DE L’OSBI

Sans pouvoir faire de lien direct avec la décision de la Banque Scotia, le Financial Post rappelle que des propositions de changements dans la gouvernance, le mandat et le fonctionnement de l’OSBI, émises par l’organisme au printemps, ont alarmé plusieurs institutions financières.

L’Association canadienne du commerce des valeurs mobilières (ACCVM) critiquait en mai un amendement qui modifie la définition d’une « plainte ». Cette dernière inclurait désormais « les problèmes identifiés par l’OSBI durant une enquête, que ces problèmes aient été mentionnés par le plaignant ou non ». L’ACCVM souhaite que soit retirée la dernière partie de la phrase (à partir de « que ces problèmes »).

L’Association soutient que cette phrase change le rôle de l’OSBI, qui ne serait plus un organisme neutre de résolution de conflit, mais un organisme de défense des investisseurs. Elle y voit aussi des injustices potentielles, puisque les nouveaux problèmes soulevés par l’OSBI dans le cadre de son enquête n’auraient pas faits l’objet d’une plainte à la banque au préalable. Cette-ci n’aurait donc pas eu l’occasion de les régler.

L’OSBI justifie cette modification de la définition d’une plainte en disant qu’elle est conforme à ce qui se fait dans des organismes semblables à l’OSBI ailleurs dans le monde. L’organisme ajoute que les consommateurs éprouvent souvent de la difficulté à identifier tous les faits et tous les problèmes liés à une plainte. L’OBSI découvrirait parfois des problèmes qui n’ont pas été préalablement identifiés et lorsque cela arrive, il enquête. Il rejette l’objection d’« injustice » invoquée par l’ACCVM, en précisant qu’il accorde toujours la chance à l’institution financière de répondre à ses questionnements et de mener sa propre enquête.

Par ailleurs, une filiale de Sun Life Financial Inc. s’en prend au terme « exclusivement » dans un changement proposé par l’OSBI qui affirme que l’évaluation pour savoir si une plainte relève du mandat de l’OSBI serait dorénavant « exclusivement déterminée par l’OBSI ».  Sun Life y voit un trop grand pouvoir discrétionnaire accordé à l’OBSI.

40 % DES PLAINTES À LA SCOTIA

De son côté, ADRBO se réjouit d’avoir obtenu la confiance de Banque Scotia. « ADRBO oeuvre indépendamment des banques participantes et est guidé par les principes d’accessibilité, d’impartialité, d’indépendance, d’intégrité et d’imputabilité, prétend Britt Parsons, l’ombudsman des banques pour ADRBO. Les services d’ADRBO sont gratuits pour les plaignants. »

Sans vouloir commenter la décision de Banque Scotia, le PDG de CIBC, Victor Dodig, rappelle que plus il y a d’homogénéité dans un système, mieux c’est.

En 2016, l’OSBI avait traité un nombre record de plaintes. Pas moins de 40 % des 290 plaintes liées aux services bancaires portaient sur la Banque Scotia. Seulement 15 plaintes avaient été réglées à la faveur des plaignants. Rappelons que l’OSBI n’a pas le pouvoir d’imposer des dédommagements, mais seulement de les recommander.

Il semble que pour certaines d’entre elles, c’est encore trop…

La rédaction