L’économie de la retraite en 2010

Par Peter Drake | 14 Décembre 2010 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Peter Drake

L’année 2010 tirant à sa fin, il est bénéfique de faire une rétrospective des changements qui sont survenus, autant que ceux qui ne sont pas survenus, dans le domaine de l’économie de la retraite. Pour ce faire, nous examinerons le rendement de l’économie et des marchés mondiaux de cette année, la façon dont les investisseurs interprètent ce rendement, les débats actuels sur les politiques publiques régissant les revenus de retraite au Canada, ainsi que les répercussions que chacun de ces facteurs pourrait avoir sur les gens qui économisent et investissent en vue de leur retraite.

Commençons par l’économie.

Pour toute l’année 2010, le Fonds monétaire international prévoit une croissance économique mondiale de 4,8 pour cent. Il s’agit de plus d’un point de pourcentage au‑dessus de la moyenne enregistrée ces 10 dernières années.

Nous devrons attendre que l’année 2011 soit bien entamée avant de connaître les données définitives concernant la croissance économique, mais une chose est sûre, la plupart des économies nationales ont affiché une croissance. Nous sommes également en mesure de constater que les taux de croissance économique dans le monde sont inégaux.

Les économies des États-Unis et du Canada ont enregistré une croissance modeste, alors que celles du Japon et de la plupart des pays européens ont progressé plutôt lentement, tandis que d’autres pays d’Europe, notamment la Grèce, n’ont affiché aucune croissance. Enfin, la plupart des économies latino-américaines et asiatiques ont enregistré une croissance rapide.

Les marchés évoluent rarement en ligne droite, mais le marché boursier et les actifs à risque ont, en général, enregistré une croissance. En dépit de la volatilité des marchés omniprésente en 2010, à la fin de novembre, l’indice de rendement annuel total composé S&P/TSX avait grimpé de 13 pour cent. Bien que l’indice MSCI EAFE, mesuré en dollars canadiens, affichait un rendement légèrement négatif à la fin du mois de novembre, les indices S&P 500 et MSCI Marchés émergents étaient en hausse de six et neuf pour cent, respectivement, et l’indice obligataire universel Dex avait progressé de plus de six pour cent pour la même période. À l’autre extrémité du spectre de risques, l’indice canadien des bons du Trésor à 91 jours a connu une maigre croissance de 0,4 pour cent, dans la conjoncture à taux réduit qui règne depuis la fin de la crise.

En somme, bien que nous ayons été témoins de quelques rendements satisfaisants, tant sur le plan de l’économie que sur celui des marchés des capitaux, comment se fait-il que nous n’ayons toujours pas l’impression d’assister à une reprise? Examinons de nouveau l’économie.

Plus tôt cette année, d’aucuns craignaient que l’économie des États-Unis puisse replonger dans une récession. Cette rechute n’a toutefois pas eu lieu et la plupart des prévisionnistes s’attendent à ce que la reprise se maintienne. En fait, à la fin du mois de novembre, certains signes laissaient présager une modeste reprise de la croissance, alors que les consommateurs semblaient renouer avec la confiance perdue au début de l’année. Il est primordial que le marché du travail se développe davantage pour assurer la pérennité de la reprise. Peu importe ce que démontrent les autres statistiques, si les emplois ne sont pas au rendez-vous, les consommateurs auront tendance à réfréner leurs dépenses. Il est à espérer que le deuxième cycle de mesures de stimulation monétaire, à savoir l’assouplissement quantitatif, amorcé par la Réserve fédérale américaine accentuera la croissance économique. Toutefois, le seul fait que la Fed juge ces mesures nécessaires exacerbe le sentiment d’incertitude.

En outre, les marchés financiers craignent que la dette publique de certains pays européens ne représente un risque de crédit, voire un risque économique et de change. Cette crainte résulte du fait que certains gouvernements européens, déjà aux prises avec une dette élevée, affichent des déficits budgétaires annuels exorbitants. Ce printemps, la Grèce a été le premier pays à faire les manchettes. Au fur et à mesure que l’année avançait, la situation a semblé se résorber, mais ce fut au tour de l’Irlande de semer l’inquiétude vers la fin de l’année. Un plan de soutien, financé par la Facilité de stabilité financière européenne (FSFE) et le Fonds monétaire international, a été conclu à la fin du mois de novembre. Au moment de rédiger cet article, la conjoncture laissait supposer que d’autres pays européens, possiblement le Portugal et l’Espagne, pourraient, à leur tour, avoir besoin d’aide au cours des prochains jours ou des prochaines semaines.

L’économie mondiale dans laquelle nous vivons fait en sorte que presque tous les événements ont des répercussions les uns sur les autres. Même si le Canada n’est pas aux prises avec les pressions budgétaires qui sévissent dans certains pays en Europe, les investisseurs canadiens se tiennent informés et craignent que les problèmes en Europe ne se généralisent. Calculé en pourcentage d’emplois, le coût de la récession au Canada ne représente qu’une fraction par rapport aux États-Unis, en termes d’emplois perdus. Autre point de comparaison, les États-Unis n’ont, jusqu’à maintenant, récupéré que dix pour cent des emplois perdus, alors qu’au Canada, tous les emplois ont été récupérés. Pourtant, cette situation favorable pour les Canadiens ne semble pas les rendre optimistes; au contraire, ils se sentent plutôt déconcertés par la conjoncture morose qui ébranle la confiance des Américains. Dans l’esprit des investisseurs, même les rendements positifs de certains marchés des capitaux observés depuis le début de l’année ont été jusqu’à un certain point neutralisés en raison de leur rendement instable plus tôt cette année.

Dans un monde plus rationnel et moins émotionnel, les investisseurs se souviendraient que la reprise actuelle a été amorcée à la suite d’une récession causée par des crises financières. Les reprises à la suite de telles récessions prennent généralement plus de temps que celles causées par d’autres facteurs. À l’évidence, nous ne vivons pas dans un monde complètement rationnel. Les manières qu’ont les investisseurs de voir et de ressentir les événements jouent parfois un rôle plus important dans les décisions d’investissement et d’économie que les chiffres de rendement réels.

Lorsqu’il s’agit d’économiser et d’investir en prévision de la retraite, ces perceptions amènent les gens à prendre des mesures, ou plutôt, à s’abstenir d’en prendre. Lorsque je m’adresse à des groupes de conseillers des quatre coins du Canada, il m’arrive de leur demander combien parmi eux traitent avec des clients qui sont encore frileux à l’idée de retourner sur les marchés de placement. Des chiffres bouleversants se dégagent des réponses obtenues à cette question, et à une autre semblable posée aux investisseurs. C’est à se demander combien de Canadiens, qui devraient économiser et investir en vue de leur retraite, ont décidé d’arrêter temporairement de le faire.

Bon nombre d’études, en plus de débats occasionnels, entourant la réforme du système de revenu de retraite au Canada ont eu lieu en 2010. Bien que ces études revêtent une grande importance, elles ne doivent toutefois pas dissuader les Canadiens planifiant leur retraite de profiter au maximum des outils à leur disposition actuellement. Je donnerai des précisions à ce sujet au début de la nouvelle année à la suite de la réunion des ministres des Finances concernant la réforme des régimes de retraite, qui se tiendra en décembre à Kananaskis en Alberta.

Toujours concernant les revenus de retraite, vous devrez rappeler à vos clients non retraités la mise en œuvre par le gouvernement fédéral de nouvelles règles de calcul des prestations du Régime de pensions du Canada, lesquelles entreront en vigueur en janvier 2011. Ces changements auront pour effet de réduire ou d’augmenter davantage les prestations selon qu’une personne part à la retraite avant ou après 65 ans, respectivement. Le moment auquel une personne compte commencer à recevoir ses prestations est, bien entendu, une décision importante dans la planification de sa retraite. Par conséquent, vos clients devront tenir compte de ces nouvelles règles.

Alors, qu’est-ce qui a changé en 2010 et qu’est-ce qui n’a pas changé?

Concernant le fondement de l’économie et le rendement des marchés, on peut dire que les rendements convenables et constants constituent un changement. En revanche, le sentiment des investisseurs à l’égard de la crise financière et de la récession économique de 2007-2009 n’a, quant à lui, pas changé.

Sur le plan des politiques publiques régissant l’économie et l’investissement en prévision de la retraite, peu de choses ont changé, sauf les études au sujet d’un régime de retraite public élargi qui ont toujours lieu et qui semblent vouloir s’intensifier. Ce sera important de surveiller l’issue de ces études et d’informer nos clients de tout changement éventuel qui aurait des répercussions sur leurs régimes de retraite, comme les changements qui seront apportés au Régime de pensions du Canada en 2011.

En ce qui a trait aux montants à économiser en prévision de la retraite, rien n’a changé. Vos clients doivent toujours tenir compte du genre de retraite qu’ils envisagent pour déterminer le montant dont ils ont besoin. Il incombe ensuite au conseiller de leur fournir les lignes directrices concernant les montants à investir et le type de placement, selon leurs besoins. Plus particulièrement, ce qui ne change pas, c’est le temps et l’effort qu’exige le processus pour porter ses fruits, un peu à l’image de la reprise actuelle.


Peter Drake est vice-président, Retraite et recherches économiques, Fidelity Investments Canada. Fort de plus de 35 années d’expérience à titre d’économiste, il dirige les initiatives de recherche de Fidelity axées sur la retraite au Canada à notre époque.

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