L’effet de levier : trouver l’équilibre

Par Denis Preston | 2 mai 2011 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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En 2009, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a publié un avis¹ sur les prêts effectués pour acheter des fonds de placement. Selon cet avis, une personne qui emprunte à des fins de placement devrait entre autres :

  • faire preuve d’une tolérance au risque moyenne à élevée;
  • avoir un taux d’imposition suffisamment élevé;
  • avoir une saine situation financière;
  • posséder les connaissances requises.

Cet avis précise également que l’emprunt fait pour investir ne convient pas aux personnes prudentes ou âgées, ni à celles qui approchent de la retraite et dont le portefeuille est axé sur le revenu.

L’investisseur doit aussi savoir qu’il peut subir des pertes et qu’il ne devrait pas compter sur les rendements de son placement pour payer les intérêts de son emprunt. Autrement dit, il doit être en mesure de rembourser l’emprunt et les intérêts à même ses autres revenus. Dans cet avis, l’AMF énonce trois ratios qui servent de guides, tant aux investisseurs qu’aux représentants, et leur permettent de déterminer la capacité d’une personne à emprunter pour investir :

  • L’emprunt ne devrait pas dépasser 30 % de la valeur nette du client
  • L’emprunt ne devrait pas dépasser 50 % de la valeur nette liquide du client.
  • Les paiements totaux des dettes ne devraient pas être supérieurs à 35 % des revenus totaux (excluant les revenus de placements) du client.

Selon les deux premiers ratios, une personne qui détient une valeur nette de 500 000 $ ne devrait donc pas emprunter plus de 150 000 $. Mais si, de cette valeur nette, 300 000 $ proviennent de biens non liquides (résidence, immeuble à revenu, etc.), alors l’emprunt ne devrait pas dépasser 100 000 $, soit 500 000 $ moins 300 000 $, multiplié par 50 %.

Selon le troisième ratio, lorsque le remboursement des emprunts (hypothèques, automobiles, etc.) d’une personne représente 25 % de son revenu, elle possède alors une marge maximale de 10 % pour payer les intérêts et rembourser l’emprunt qui servira à financer l’achat de ses placements.

Selon nous, cet avis n’insiste pas suffisamment sur le fait que pour être rentable, l’effet de levier doit se faire idéalement avec un portefeuille composé à 100 % d’actions, à défaut de quoi le rendement espéré du portefeuille n’est pas suffisamment élevé pour justifier l’augmentation du risque de l’investisseur.

FONDS ÉQUILIBRÉ

100 % ACTIONS

Ligne

Obligations

Actions

Total

1

Mise de fonds

4 000 $

6 000 $

10 000 $

10 000 $

2

Capital emprunté

4 000 $

6 000 $

10 000 $

– $

3

Capital investi (1+2)²

8 000 $

12 000 $

20 000 $

10 000 $

4

Revenu brut³

280 $

690 $

970 $

575 $

5

Impôts sur le revenu4

128 $

173 $

300 $

144 $

6

Revenus après impôts (4-5)

152 $

518 $

670 $

431 $

7

Coût de l’emprunt

230 $

345 $

575 $

– $

8

Économie d’impôt

105 $

158 $

263 $

– $

9

Coût d’emprunt net (7-8)

125 $

187 $

312 $

– $

10

Revenu net (6-9)

27 $

330 $

357 $

431 $

11

Rendement sur le capital investi (10/3)

0,3 %

2,8 %

1,8 %

4,3 %

12

Rendement sur la mise de fonds (10/1)

0,7 %

5,5 %

3,6 %

4,3 %

À des fins de démonstration, le tableau ci-dessus compare un investissement en actions de 10 000 $ (sans effet de levier) à un investissement de 20 000 $ dans un fonds équilibré (60 % actions, 40 % en obligations), réalisé à partir d’un emprunt de 10 000 $.

Comme nous pouvons le constater, un portefeuille composé exclusivement d’actions a un rendement espéré supérieur à celui d’un portefeuille avec effet de levier investi dans un fonds équilibré, même si la somme investie en actions est moins élevée (10 000 $ comparativement à 12 000 $). Pourtant, le risque assumé par l’investisseur est nettement supérieur. Si le marché boursier baisse de 20 %, le portefeuille sans effet de levier baissera de 2 000 $, alors que le portefeuille qui a recours à l’effet de levier baissera de 2 400 $, soit 20 % de 12 000 $. L’investisseur aurait donc intérêt à d’abord investir ses épargnes à 100 % en actions avant de songer à utiliser l’effet de levier.

1 L’avis de l’AMF concernant les prêts à effet de levier effectués lors d’achat de titres d’organismes de placement collectif et de fonds distincts. Cet avis est disponible sur le site de l’AMF. 2 Les chiffres entre parenthèses font référence aux lignes; donc (1+2) renvoie aux lignes 1 et 2. 3 Selon les Normes d’hypothèses de projection 2010 de l’Institut québécois de planification financière, il faut utiliser comme hypothèses un taux d’emprunt de 5,75 %, un rendement à long terme de 5 % pour les revenus fixes et de 7,25 % pour les actions canadiennes. Une fois soustraits les frais de 1,5 %, nous obtenons un rendement de 3,5 % pour les obligations et de 5,75 % pour les actions. 4 Le taux d’imposition marginal utilisé est de 45,7 %. Le rendement des actions a été réparti en dividendes et en gain en capital.

Denis Preston, CGA, MFA, FRM, Pl. Fin., GPC Formateur et consultant en gestion des risques Bachand Lafleur Preston, Groupe conseil inc.

Cet article est tiré de l’édition d’avril du magazine Conseiller. Consultez-le en format PDF.

Denis Preston