Legs : nos clients sont-ils réalistes?

Par Denis Preston | 25 octobre 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
4 minutes de lecture

Lorsqu’un client envisage un legs, cela a des incidences sur plusieurs aspects de sa planification financière, entre autres, sur sa retraite.

Le souhait d’un client de léguer une somme à un enfant ou à une fondation ne change pas la façon dont nous effectuons notre travail : il suffit d’ajouter le montant désiré au besoin en capital nécessaire pour la retraite. Par contre, nous devons vérifier si ce désir est réaliste.

ÉPARGNE-T-ON SUFFISAMMENT?

Compte tenu de l’espérance de vie croissante et de leur forte propension à consommer, la majorité des Québécois n’épargnent pas suffisamment pour leur retraite, et a fortiori pour faire un legs. Dans les faits, la plupart des Québécois ne pourront léguer autres choses que leurs biens personnels, incluant leur résidence.

Vos clients vraiment sérieux dans leur désir de legs devront soit :

  • Retarder leur retraite;
  • Diminuer leur niveau de vie à la retraite;
  • Diminuer immédiatement leur niveau de vie pour épargner davantage, à la fois pour leur retraite et pour leur legs.

Un legs entraîne donc une diminution de la consommation de la génération légataire pour favoriser la consommation de la génération héritière.

LA CONTRAINTE BUDGÉTAIRE À VIE

Cette diminution est due au fait que, durant une vie, une famille ne peut dépenser (en valeur actualisée) plus que la somme de ses revenus (en valeur actualisée). C’est ce que les économistes appellent la contrainte budgétaire à vie. Nous devons donc épargner pendant notre période de travail pour maintenir notre niveau de vie à la retraite.

C’est une cruelle réalité que nous devons rappeler régulièrement à nos clients, et pas seulement pour leur retraite, mais aussi pour leur legs, qu’il soit financé grâce à une épargne ou une assurance vie.

LEGS OU DON DU VIVANT?

Étant donnée l’augmentation de l’espérance de vie, les legs – lorsqu’il y en a – sont versés de plus en plus tardivement. En moyenne, un Québécois de 40 ans qui désire léguer le fera vers l’âge de 78 ans, et une Québécoise, vers 83 ans.[1]

Cela signifie qu’au moment où les enfants toucheront leur héritage, ils seront probablement dans la cinquantaine, voire la soixantaine. Généralement, ce n’est pas à cet âge que les gens ont les plus grands besoins; c’est plutôt lorsqu’ils achètent leur première maison ou qu’ils ont des enfants en bas âge.

Si vos clients disposent de ressources qu’ils peuvent transmettre à leurs enfants sans compromettre leur propre retraite, ils devraient envisager un don du vivant plutôt qu’un legs au décès. Ce don allégera, par exemple, des contributions aux régimes enregistrés d’épargne-études ou augmentera une mise de fonds pour une maison, afin de réduire le coût de l’assurance de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL).

LES LEGS À UNE FONDATION DE BIENFAISANCE

Parfois, nos clients désirent léguer à une fondation. C’est un désir très louable. Mais ont-ils pris conscience que le legs ne sera probablement pas versé à la fondation avant plusieurs décennies, soit selon leur espérance de vie? Laquelle espérance de vie devrait s’accroître dans les années futures.

Alors pourquoi ne pas procéder immédiatement à une partie du legs? Par exemple en donnant directement à la fondation, chaque année, le montant nécessaire à la constitution du legs, plutôt que d’épargner ou de payer une prime d’assurance vie pour faire un legs plus tard.

La fondation pourra ainsi consacrer immédiatement ces sommes aux buts qu’elle poursuit, et non pas dans plusieurs décennies. Bien entendu, le montant du don sera admissible au crédit d’impôt pour don si la fondation se qualifie.

En somme, lorsqu’un client nous fait part du désir de léguer, nous devrions discuter avec lui :

  • De sa contrainte budgétaire;
  • De sa capacité à financer sa propre retraite;
  • Des conséquences de l’augmentation de l’espérance de vie.

Ce n’est que par la suite que nous pourrons déterminer avec lui le meilleur moyen d’atteindre les objectifs qu’il priorise.


[1] Source : Table de mortalité, Québec, 2000-2002, Statistique Canada.

Denis Preston