L’endettement entraînera-t-il une nouvelle crise?

Par La rédaction | 9 janvier 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
5 minutes de lecture

En ce début d’année, l’endettement mondial a dépassé son niveau d’avant la crise de 2008 et « constitue un risque important pour la croissance économique future », avertit une récente étude de Desjardins.

Sous le titre évocateur La prochaine crise mondiale sera-t-elle (encore) une crise liée à un endettement excessif?, le rapport signé Hendrix Vachon, économiste senior au sein du Mouvement, souligne que « le problème de l’endettement demeure entier à l’échelle mondiale ».

Selon les données de la Banque des règlements internationaux, l’endettement cumulatif des ménages, des gouvernements et des entreprises non financières dépassait 215 % du produit intérieur brut à l’échelle mondiale au début de l’année 2008, rappelle-t-il. Or, après avoir légèrement fléchi jusqu’en 2009, il a rebondi au point d’avoisiner aujourd’hui quelque 250 % du PIB.

LES PAYS DÉVELOPPÉS PLUS ENDETTÉS

Sans surprise, ce sont les pays industrialisés qui demeurent les plus endettés, soit à hauteur de 280 % de leur PIB en moyenne, note l’économiste. Toutefois, les pays émergents ont tendance à s’en rapprocher en raison d’une tendance haussière « nettement plus prononcée » depuis quelques années. Leur taux d’endettement moyen atteint désormais 190 % du PIB.

L’endettement dans les pays développés a « fortement progressé du côté des gouvernements », alors que celui des ménages et des compagnies a « légèrement diminué » depuis 2008. Dans les pays émergents, en revanche, c’est plutôt l’endettement des entreprises qui a mené le bal, bien que celui des ménages ait lui aussi progressé dans une moindre mesure.

Analysant la tendance haussière dans les pays émergents, l’économiste relève que la somme des dettes chinoises totalise désormais 255 % de son PIB, soit nettement plus que les autres principaux pays émergents. Il s’agit d’un niveau similaire à celui des États‐Unis (254,7 % du PIB), mais encore inférieur à celui des États de la zone euro (271,2 %).

UNE MENACE POUR L’ÉCONOMIE MONDIALE

« Le problème de l’endettement ne s’est pas véritablement résorbé au cours des dernières années, mais s’est plutôt déplacé », puisque l’amélioration du bilan des ménages aux États-Unis et dans d’autres pays industrialisés a été contrebalancée par une hausse de l’endettement des gouvernements, explique Hendrix Vachon.

L’endettement privé a également fortement progressé ailleurs dans le monde, « ce qui fait qu’aujourd’hui de nouveaux pays font face aux risques liés au surendettement, menaçant encore une fois de déstabiliser l’économie mondiale et les marchés financiers », poursuit-il.

Même s’il n’existe pas de « seuils d’endettement clairs » à partir desquels les ménages, les entreprises ou les gouvernements risquent de connaître des difficultés financières, la Commission européenne juge que la dette du secteur privé devient problématique lorsqu’elle dépasse 160 % du PIB et que celle des gouvernements pose problème lorsqu’elle franchit la barre des 60 %, rappelle l’économiste de Desjardins.

LE RÔLE DES BAS TAUX D’INTÉRÊT

Cela dit, « des taux d’endettement supérieurs à ces seuils sont observés dans plusieurs pays depuis plusieurs années sans que cela se soit nécessairement traduit par une crise économique ou financière », nuance-t-il. En outre, il convient de tenir compte de l’environnement dans lequel évolue chaque pays pour évaluer la soutenabilité de sa dette.

Ainsi, les pays émergents, qui ont souvent davantage recours aux capitaux étrangers pour financer leurs emprunts publics et privés, peuvent voir les investisseurs fuir rapidement et les tensions financières apparaître dès les premiers signes de surendettement. A contrario, un pays comme le Japon, qui mise très peu sur les capitaux étrangers, composera mieux que d’autres avec un endettement public supérieur à 230% de son PIB.

Enfin, il faut également prendre en considération le niveau des taux d’intérêt, puisque plus ceux-ci sont bas, comme c’est le cas depuis plusieurs années, plus il est facile de soutenir le poids d’une dette élevée, comme le montre l’exemple des ménages canadiens, entre autres, qui ont enregistré une diminution de leur ratio du service de la dette depuis 2008 malgré un endettement accru.

LES EMPRUNTEURS SOUS PRESSION

Considérant que ces bas taux ont permis de soutenir un endettement élevé, Hendrix Vachon s’inquiète de leur récent rebond un peu partout dans le monde.

« Si ce phénomène devait prendre trop d’ampleur, les emprunteurs pourraient être nombreux à se retrouver dans l’embarras, met-il en garde. Un endettement élevé ne garantit peut-être pas à lui seul une crise financière et une récession, mais cela rend certainement l’économie plus sensible aux chocs adverses. »

« Une particularité des crises liées à l’endettement est que les reprises économiques qui les accompagnent sont généralement plus lentes. Les secteurs trop endettés doivent en effet d’abord assainir leur situation avant de recommencer à soutenir la croissance économique », ajoute-t-il.

Sa conclusion? « Bien que des améliorations notables soient observées dans certains pays, le problème de l’endettement demeure entier à l’échelle mondiale et constitue un risque important pour la croissance économique future. Ce risque est d’autant plus élevé que la récente tendance haussière des taux d’intérêt pourrait mettre de la pression sur les emprunteurs. »

La rédaction vous recommande :

La rédaction