L’équilibre du pouvoir financier aux mains des femmes

Par Yves Bonneau | 19 septembre 2012 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Pour ceux qui s’intéressent à la démographie – ce que vous devriez faire – et ceux qui seront encore en affaires en 2025 ou qui transféreront leur bloc d’affaires à leur fils ou… à leur fille, vous devriez savoir que le profil de votre clientèle pourrait être radicalement différent de ce qu’il est aujourd’hui. Vous n’y avez peut-être pas pensé, mais un changement lent, inexorable, profond et durable a été amorcé.

Les femmes, qui constituaient la minorité de votre clientèle il y a quelques années, formeront la majorité avant longtemps. Pourquoi? Parce que de tous les segments de la population, la cohorte féminine est celle qui a le plus progressé dans nos sociétés industrialisées et, a fortiori, au Québec. Vous en avez eu un avant-goût dès 1996 avec la Loi sur l’équité salariale qui a permis à de nombreuses femmes d’améliorer leur salaire, et par le fait même, leur niveau d’épargne disponible au cours des dernières années; ce changement s’est traduit dans la fonction publique en 2006 lorsque le gouvernement du Québec a accordé l’équité salariale à 300 000 de ses employés, pour la plupart des femmes, en leur attribuant des ajustements salariaux.

Yves Bonneau, rédacteur en chef du magazine Conseiller.

Au début du XXe siècle, les femmes composaient 20 % de la main-d’œuvre active; ce pourcentage est passé à plus de 50 % au cours de la dernière décennie. Étonnamment, les femmes recevaient, au tournant de la première guerre, 66 % du salaire moyen versé aux hommes. Dans les années 1990, les femmes travaillant à temps complet recevaient en moyenne 70 % du salaire moyen versé aux hommes. Les choses qui avaient très peu évoluées avant l’arrivée de l’équité salariale semblent maintenant débouler.

En 1986, année où j’ai terminé mes études à l’université, on comptait exactement 50 % de finissants pour 50 % de finissantes dans tout le réseau des universités québécoises. Depuis cette année charnière, le nombre de finissantes universitaires n’a cessé d’augmenter pour atteindre aujourd’hui plus de 65 %. Dans des domaines comme le droit, c’est près de 70 %, et dans les sciences de la santé, ce taux atteint 80 %! Rien de moins. En fait, il n’y a qu’en génie, en informatique, en architecture et en mathématiques que le ratio est encore inversé en faveur des garçons, mais ce n’est pas suffisant pour influencer la moyenne globale, qui continue de grimper en faveur des filles. Certains observateurs croient que cette moyenne pourrait atteindre 70 % au profit des femmes dès 2018. En 2001, les gains salariaux moyens des diplômés universitaires équivalaient à 1,6 fois ceux des détenteurs d’un diplôme d’études collégiales, et ils étaient deux fois supérieurs à ceux des détenteurs d’un diplôme d’études secondaires. Dans les universités québécoises, le poids des professeures est passé de 20 % en 1995 à 30 % en 2005. A contrario, 30 % des Québécois de 26 à 28 ans n’ont pas terminé leur cycle secondaire, contre seulement 15 % des Québécoises. C’est dire que même parmi les décrocheurs, les femmes font meilleure figure.

Dans la décennie 2020-2030, il y a fort à parier que les femmes détiendront davantage d’actifs que les hommes dans la population active, reflétant ainsi ce qui se dessine présentement dans les écoles et les universités. Il faudra nécessairement y voir un changement marqué de la façon d’épargner et d’investir de la clientèle.

Même si les femmes ont toujours été historiquement en charge des finances de la famille type, elles n’étaient pas, jusqu’à récemment, les principales contributrices en matière de revenus. Et cela est évidemment en train de changer.

Une étude américaine publiée en 2010 par la Prudential a montré que 95 % des femmes sont les décideurs financiers de leur famille, et que 84 % des femmes en couple sont soit exclusivement soit conjointement responsables des décisions financières du ménage. Dans les faits, elles sont souvent la personne clé responsable des finances familiales. Et les décisions qu’elles prennent déterminent directement leur sécurité financière à long terme, ainsi que celle de leur famille.

Cette étude a aussi montré que beaucoup de femmes n’ont toujours pas de plans financiers pour atteindre leurs objectifs. En général, les femmes sont davantage méthodiques que les hommes, l’approche de la planification financière intégrée possède tous les ingrédients pour les séduire. Pendant longtemps, les femmes croyaient ce genre de services inaccessibles en raison de la faiblesse toute relative de leur revenu; il faudra revoir comment aborder les femmes en matière de services conseils, sachant que celles-ci exigent plus de prudence et de contrôle sur leurs finances que les hommes.

Le secteur des services financiers devra continuer à évoluer pour répondre aux besoins changeants des femmes et soutenir leur éducation financière. Les conseillers et les conseillères devront de leur côté adapter leur pratique afin de bien comprendre ce marché en pleine mutation. Et ceux et celles qui auront été à l’avant-garde s’assureront de la pérennité de leur entreprise.

Yves Bonneau, rédacteur en chef yves.bonneau@objectifconseiller.rogers.com

Cet article est tiré de l’édition d’octobre du magazine Conseiller. Consultez-le en format PDF.

Yves Bonneau