Les 15 pires paradis fiscaux

Par Rémi Maillard | 13 Décembre 2016 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Les multinationales pratiquent l’évasion fiscale à un niveau industriel, privant les États des ressources dont ils ont besoin pour lutter contre la pauvreté et investir dans la santé, l’éducation et l’emploi, affirme Oxfam.

Dans un rapport publié hier, l’organisation non gouvernementale (ONG) soutient que ce phénomène prive les pays en développement de près de 100 milliards de dollars chaque année, « une somme qui permettrait largement de financer l’éducation des 124 millions d’enfants actuellement déscolarisés, ainsi que des programmes de soins de santé qui pourraient sauver la vie de six millions d’enfants ».

Selon Oxfam, les paradis fiscaux sont « la manifestation ultime du nivellement par le bas de l’impôt sur les sociétés au niveau mondial », et ils existent dans toutes les régions du monde, y compris au Canada.

UN TAUX D’IMPOSITION TOUJOURS PLUS BAS

« Les États du monde entier réduisent la fiscalité des entreprises dans l’espoir de les attirer sur leur territoire. Ce faisant, ils nuisent non seulement à leur propre économie, mais aussi à celle des autres pays », affirme l’ONG. La preuve? Le taux d’imposition moyen des multinationales au niveau mondial est passé de 27,5 % il y a 10 ans à 23,6 % aujourd’hui, et la tendance s’accélère.

Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les recettes que ses pays membres collectent via l’impôt sur les sociétés ont baissé de 3,6 % à 2,8 % du produit intérieur brut entre 2007 et 2014, ce qui contribue à l’actuelle explosion des inégalités. Lorsqu’ils renoncent à l’argent des grandes sociétés pour équilibrer leur budget, ces États sont contraints de réduire les dépenses publiques… ou d’augmenter les impôts des contribuables, en particulier ceux de la classe moyenne.

Pour inciter les gouvernements à redresser la barre, les chercheurs d’Oxfam ont évalué chaque pays selon l’usage qu’ils font de trois politiques fiscales considérés comme dommageables par les économistes : les faibles taux d’imposition sur les bénéfices des sociétés, la promotion des incitations fiscales et le manque de contribution aux efforts internationaux pour lutter contre l’évasion fiscale.

LE PALMARÈS DES « PIRES PARADIS FISCAUX »

À l’issue de cet exercice, l’ONG a dressé une liste des « 15 pires paradis fiscaux dans le monde » pour les grandes entreprises. Ce top 15 des pays ou des territoires qui pratiquent « les formes les plus extrêmes d’évasion fiscale » est le suivant (les territoires marqués d’un astérisque sont contrôlés par le Royaume-Uni) :

  • Bermudes*
  • Îles Caïmans *
  • Pays-Bas
  • Suisse
  • Singapour
  • Irlande
  • Luxembourg
  • Curaçao
  • Hong Kong
  • Chypre
  • Bahamas
  • Jersey*
  • La Barbade
  • Maurice
  • Îles Vierges britanniques*

L’analyse réalisée par Oxfam révèle que 90 % des plus grandes entreprises du monde sont présentes dans au moins un paradis fiscal. Et selon la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement, les principales multinationales possèdent chacune en moyenne près de 70 filiales dans des pays ou territoires fiscalement « accueillants », ce qui leur permet d’être soumises à un taux effectif d’imposition nettement inférieur à celles de leurs rares concurrentes qui ne pratiquent pas une telle politique.

LE RECOMMANDATIONS D’OXFAM

Pour contrer le fléau de l’évasion fiscale, l’ONG appelle notamment les États à créer « une instance fiscale internationale qui encadre et coordonne une coopération incluant tous les pays […] pour garantir que les régimes fiscaux au niveau mondial, régional et national contribuent à l’intérêt public ».

Concernant les paradis fiscaux, Oxfam presse les États et les institutions internationales de s’engager à :

  • Dresser « une liste claire des pires paradis fiscaux, affranchie de toute interférence politique », selon des critères objectifs (mesures de transparence, très faibles taux d’imposition et existence de pratiques fiscales dommageables);
  • Adopter « de fortes mesures défensives, y compris des sanctions, à l’encontre de ces paradis fiscaux afin de limiter l’érosion de l’assiette fiscale et le transfert de bénéfices ». L’ONG estime que, « a minima, tous les pays devraient appliquer des règles strictes sur les sociétés étrangères contrôlées afin d’empêcher les multinationales basées dans ces pays de transférer artificiellement leurs bénéfices vers des paradis fiscaux »;
  • « Aider les paradis fiscaux ayant basé leur modèle économique sur ce statut de paradis fiscal à développer une économie plus variée et durable. »

Barack Obama réforme les paradis fiscaux made in USA

À quelques semaines de son départ de la Maison-Blanche, le président des États-Unis a décidé de réformer le régime fiscal opaque du Delaware, du Wyoming et du Nevada, rapporte Le Monde. L’administration américaine s’apprête ainsi à adopter un texte de loi qui obligera les réels bénéficiaires des sociétés écrans immatriculées dans ces trois paradis fiscaux à révéler leur identité au fisc à compter de 2017.

Ce nouveau règlement, élaboré conjointement par l’Internal Revenue Service (IRS), le fisc américain, et le Trésor, cible les sociétés à actionnaire unique et à responsabilité limitée, dites single LLCs. « Une véritable avancée en termes de transparence », affirme-t-il, puisque aujourd’hui, aucune obligation de ce genre ne pèse sur ces sociétés individuelles à partir du moment où elles ne possèdent pas d’actionnaire américain ou n’exercent pas d’activités aux États-Unis.

Le secret des affaires y prévaut, et ces entités ouvertes en 24 à 48 heures sont, pour cette raison, très prisées des riches étrangers. Elles sont invisibles pour le fisc. Ces sociétés ont été à l’origine de nombreux scandales internationaux de fraude et d’évasion fiscales, dont celui des Panama Papers, relève Le Monde.

C’est d’ailleurs en réponse à ce dernier scandale qu’a été annoncée, dès le printemps, la réforme sur le point d’être adoptée par l’administration Obama. Reste à savoir si le nouveau règlement sera remis ou pas en question par Donald Trump, qui est « un adepte assumé des paradis fiscaux », conclut le journal.

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Rémi Maillard

Journaliste multimédia. Santé, environnement, société, finances personnelles. Également intéressé par les affaires publiques, les relations internationales, la culture… Passionné de cyclisme.