Les 18 travaux de Louis Morisset

Par Jean-François Parent | 15 novembre 2016 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Lors du Rendez-vous avec l’Autorité, le grand patron du régulateur a laissé entendre que les prochains trimestres seront chargés. Pour lui, et pour l’industrie.

Devant un parterre de quelque 400 professionnels du secteur financier réunis lundi à Montréal, Louis Morisset a livré quelques pans de son plan stratégique 2017-2020, qui contient pas moins de… 18 priorités.

LES FONDS DISTINCTS DANS LE COLLIMATEUR

Au chapitre des produits financiers, la distribution des fonds distincts fait présentement l’objet d’une révision réglementaire, indique le PDG de l’Autorité des marchés financiers (AMF), citant un rapport du Conseil canadien des responsables de la réglementation d’assurance, publié en mai dernier.

L’étude compare l’encadrement des fonds distincts à celui des fonds communs, faisant le point sur les écarts réglementaires entre ces deux produits, écarts qui doivent être comblés pour mieux protéger les consommateurs.

L’AMF s’apprête ainsi à publier une prise de position « qui présentera notamment un exemple de divulgation des frais et des rendements » destiné aux porteurs de parts de fonds distincts. Selon la direction que prendront les régulateurs à l’échelle du pays, « l’AMF pourra ensuite moduler son encadrement et ses attentes » relativement à ces produits.

COMMISSIONS INTÉGRÉES

Autre grande priorité du régulateur : le rehaussement des obligations des conseillers, lequel pourrait bien se traduire par l’abolition des commissions intégrées.

Ces grandes réformes « pourraient entraîner des changements importants dans les modèles d’affaires » de l’industrie, concède M. Morisset.

Se disant conscient des inquiétudes des professionnels en services financiers, qui se demandent pourquoi les régulateurs procèdent à de nouvelles consultations alors que l’industrie vient tout juste de subir le MRCC 2 et les changements à l’aperçu des fonds, Louis Morisset insiste : « Nos analyses ont mis en lumière des situations très sérieuses où clairement l’intérêt pécuniaire des conseillers primait sur l’intérêt des investisseurs. »

Se défendant de généraliser, le PDG de l’AMF juge cependant « qu’il ne s’agit pas de cas isolés. Les commissions intégrées soulèvent des enjeux fondamentaux de protection des investisseurs et d’efficience des marchés ».

L’AMF déposera un document de consultation qui inclura « une analyse rigoureuse » des enjeux d’une réforme des commissions intégrées, et ce, avant la période des Fêtes. Répondant aux doléances de certains professionnels, Louis Morisset assure que l’incidence sur l’accès aux conseillers pour les clients au détail sera évaluée.

La consultation sur le projet de règlement 33-404, qui porte notamment sur les commissions, contient de nombreux autres éléments de réforme, explique Louis Morisset.

« L’amélioration de la gestion des conflits d’intérêt, la connaissance du client et celle des produits, et l’obligation de convenance au client » : plusieurs dossiers sont à l’étude par les régulateurs.

Pour mettre un terme à ce qui « nuit à la crédibilité des conseillers » et induit les investisseurs en erreur, l’AMF se propose notamment de « réviser en profondeur » les titres des professionnels en services financiers, où plus d’une dizaine de désignations se côtoient.

Malgré toute cette intensité réglementaire, l’AMF entend cependant jeter un peu de lest sur certains enjeux.

Ainsi, Louis Morisset maintient qu’une norme portant sur le meilleur intérêt du client n’est pas opportune au Québec, où de telles obligations sont déjà enchâssées dans le Code civil.

RÉCENTES NOUVEAUTÉS

M. Morisset a également rappelé que, depuis l’été dernier, il est obligatoire de produire et de remettre aux clients un rapport sur le rendement des placements, ainsi qu’un autre sur les frais et les commissions. Ces changements ont été mis en place suivant une « volonté d’être un régulateur de proximité », explique-t-il.

Se disant conscient des impacts que ces exigences entraînent pour l’industrie, Louis Morisset est néanmoins d’avis qu’elles favorisent une « meilleure prise de décision et une relation plus saine » avec les conseillers.

Quant au Programme de qualification en assurance de personnes, le PDG de l’AMF affirme qu’il a reçu « un accueil favorable de l’industrie ». Entres autres exigences, le PQAP instaure une période probatoire menant à l’obtention du permis de pratique. L’AMF dit également avoir mis sur pied l’accréditation d’organismes offrant de la formation spécialisée.

Louis Morisset indique également que la publication des règles encadrant l’aperçu des fonds négociés en Bourse se fera d’ici la fin de l’année.

« Cela permettra d’éviter l’arbitrage réglementaire entre les produits similaires », dit-il.

DÉLITS D’INITIÉS

Point faible des régulateurs partout au pays depuis longtemps, la lutte aux délits d’initiés vient de franchir une nouvelle étape, insiste M. Morisset, qui a fait son entrée à l’AMF comme surintendant du marché des valeurs.

Citant l’exemple des poursuites pénales déposées contre l’ancien PDG d’Amaya et contre une ex-adjointe de la haute direction de BCE, le juriste de formation insiste sur l’importance accordée par l’Autorité à ce type de délit.

Des amendes ont également été imposées à plusieurs administrateurs de Nstein Technologies, rappelle-t-il, ce qui illustre, selon lui, « le chemin parcouru au cours des dernières années pour repérer plus rapidement » le délit d’initié.

L’Autorité insiste également sur son programme de dénonciation, lancé récemment, assurant la confidentialité aux lanceurs d’alerte au sein des entreprises.

« Nous avons mis sur pied une équipe spécialisée pour encadrer les dénonciateurs dans leur démarche », dit-il, ajoutant que la protection de ces derniers est au centre des préoccupations de l’équipe vouée à ce volet.

Depuis le lancement du programme en juin, une vingtaine de dénonciations ont été reçues par l’AMF.

RÉGULATEUR NATIONAL

Enfin, une énième ronde de discussions portant sur un régulateur national n’émeut pas Louis Morisset. La Cour d’appel du Québec entend présentement un renvoi sur la légitimité d’un régime coopératif fédéral de réglementation en valeurs mobilières.

Estimant que ce débat se portera vraisemblablement en Cour suprême, M. Morisset ne cache pas sa lassitude. Il insiste sur les mesures prises pour harmoniser les régimes en vigueur au Canada et conclut en déclarant que l’Autorité ne se laissera « pas distraire par ce bruit de fond désagréable ».

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Jean-François Parent