Les adjoints prennent de plus en plus d’initiatives

Par Carole Le Hirez | 9 mai 2022 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Le rôle du personnel de soutien se diversifie afin de répondre à la croissance du volume d’affaires et aux normes règlementaires plus complexes. Œuvrant au sein d’équipes multidisciplinaires, l’adjoint 2.0 devient un coordonnateur qui dirige du personnel et agit comme un partenaire d’affaires du conseiller.

D’ici quelques semaines, Nathalie Koenig, adjointe administrative chez IG Gestion de patrimoine, pourra inscrire sur son CV le titre d’associée aux opérations. Ce nouveau poste a été créé par l’institution afin de répondre à l’évolution accélérée des besoins des conseillers en matière de soutien.

Embauchée en 2018 comme adjointe administrative par le conseiller Julien Trudel-Clermont et son associé, la jeune femme a vu l’équipe grossir rapidement. En quelques mois, deux conseillers indépendants ainsi que deux adjointes se sont ajoutés.

Nommée adjointe principale, la Française d’origine, qui avait une formation de chimiste avant d’entrer dans l’industrie de la finance, a décidé de suivre un cours en fonds de commun de placement de l’Institut IFSE pour avoir le titre d’associée aux opérations. Son rôle consiste à faire le lien entre les conseillers et l’équipe administrative, et à effectuer certaines tâches administratives plus complexes afin de permettre aux conseillers de se concentrer sur la planification.

LA RESPONSABILITÉ DES CONSEILLERS S’ALOURDIT

L’évolution du rôle des adjoints est nécessaire pour s’adapter à la transformation importante de l’industrie, qu’elle soit économique, règlementaire ou technologique. « Les tâches administratives et reliées à la gestion d’équipe sont plus nombreuses. Les exigences des clients augmentent. L’Autorité des marchés financiers nous demande d’être plus présents pour les accompagner. Les conseillers ont de moins en moins de temps à consacrer à la gestion du bureau », indique Julien Trudel-Clermont, directeur de division et planificateur financier chez IG.

L’évolution de la règlementation liée à la connaissance des produits et des clients pèse également lourdement dans la balance. « La responsabilité du conseiller à cet égard devient plus grande. Sur beaucoup de tâches, je ne peux plus l’aider, par exemple pour le dégroupage des frais ou pour faire transitionner les clients. D’un point de vue légal, il doit le faire lui-même. Tous ces changements viennent ajouter une charge administrative supplémentaire », constate Nathalie Koenig.

CRÉATION DE NOUVEAUX TITRES

Pour faire face à cet afflux de travail, la Financière Banque Nationale à Québec a recruté une vingtaine de personnes au cours des derniers mois. « On a eu une croissance des affaires due au COVID. Le support qu’on recherchait il y a deux ou trois ans n’est plus le même aujourd’hui. Auparavant, on cherchait des gens d’opération pour faire des retraits, des dépôts ou des cotisations dans les REER, par exemple. Maintenant, on cherche des employés qui peuvent prendre des initiatives et pas seulement exécuter des tâches. On a besoin de ressources se situant à un niveau intermédiaire de décision », décrit Marie Drolet, gestionnaire de portefeuille et conseillère en gestion de patrimoine pour l’institution financière.

La pratique des institutions tend de plus en plus à évoluer vers des structures de type family office et à former des équipes multidisciplinaires pour répondre aux nombreux besoins des clients, de la planification financière à la gestion de placements en passant par la fiscalité, la comptabilité et la gestion de patrimoine. Les conseillers recherchent donc du personnel de soutien de plus en plus spécialisé pour les épauler dans ces domaines, souligne Sophie Paquet, vice-présidente à la Financière Banque Nationale, qui a créé de nouveaux postes afin de répondre à ces besoins.

En 2020, elle a ainsi commencé à recruter des analystes en placement pour aider les conseillers à bâtir des portefeuilles, effectuer du suivi de performances, assurer le rééquilibrage des portefeuilles, préparer les présentations aux clients et faire de la recherche pour la sélection de titres. Le profil recherché pour ce poste est celui de jeunes diplômés possédant le titre de CFA ou détenant une maîtrise en finance.

DES BRAS POUR LA PLANIFICATION DE LA RETRAITE

Les plans de retraite et les plans de décaissement ont pris beaucoup d’ampleur dans les firmes ces derniers temps. Plusieurs postes ont donc été conçus spécifiquement en soutien à la planification financière, comme celui d’analyste senior en gestion de patrimoine. Possédant le titre de planificateur financier, cet employé est chargé de rédiger des rapports de planification financière, d’identifier et d’évaluer les besoins des clients, de mettre à jour les plans de retraite et d’établir des plans de décaissement.

« La création de ces nouveaux rôles permet d’offrir une progression de carrière aux jeunes adjoints qui font leur entrée dans la profession », ajoute Sophie Paquet. Un atout non négligeable alors que l’industrie peine à attirer la relève, notamment les femmes.

« Cela m’anime de ne pas être juste une exécutante mais de participer à la pratique du conseiller auquel je suis associée, confirme Nathalie Koenig. Avec l’arrivée de deux nouvelles adjointes, les volets marketing et formation se sont ajoutés à la gestion d’équipe dans mon rôle. C’est très simulant. » D’ici un an ou deux, elle projette d’obtenir des permis en assurance, afin d’offrir du soutien dans ce domaine également.

ADJOINTS AVEC PLUSIEURS PERMIS

« Des adjointes possédant des permis dans divers domaines, c’est vers cela qu’on s’en va, estime Julien Trudel-Clermont. Les clients croient que les adjointes sont des secrétaires. Or, pour les conseillers, elles ont toujours été des bras droits. Elles me challengent, par exemple, sur la façon dont je dois faire une transaction. Leur rôle va bien au-delà du secrétariat. »

La Financière Banque Nationale recrute désormais des adjointes détenant leur cours sur le commerce des valeurs mobilières, ce qui leur permet d’exécuter certaines transactions. Leur titre a changé en début d’année 2022 pour celui d’associées en gestion de patrimoine. « Il est plus représentatif de leur importance dans l’organisation. C’est une forme de reconnaissance de leur rôle et de leurs compétences », commente Sophie Paquet.

Les options se multiplient donc pour les adjoints, mais aussi pour les conseillers. La Financière Banque Nationale a ainsi créé récemment un poste de directeur de l’offre en gestion de patrimoine, axé sur le développement des affaires, pour recruter de nouveaux clients et les diriger vers les assurances ou la planification successorale. Destiné aux plus grandes équipes, le poste de directeur des opérations permet d’uniformiser les processus de travail, d’assurer le suivi des dépenses ou encore de gérer les ressources humaines.

Si la technologie contribue à améliorer les processus, le facteur humain demeure crucial alors que la demande pour des conseils en planification financière continuera à augmenter, estime la vice-présidente. Planifier la relève au niveau administratif est un élément essentiel, selon elle, pour assurer la solidité et la croissance de l’industrie au cours des prochaines années.