Un appel au retrait du PL 141

Par La rédaction | 8 mai 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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La Coalition des associations de consommateurs du Québec (CACQ), Option consommateurs et l’Union des consommateurs demandent au gouvernement de retirer le projet de loi 141, et ils « invitent tous les intervenants qui partagent leur préoccupation » à appuyer cette requête.

Dans un communiqué publié hier conjointement, les trois organismes expliquent qu’il leur paraît en effet « impensable » que « l’un des plus imposants projets de loi de l’histoire parlementaire soit adopté à la hâte et dans une incompréhension presque totale ».

Estimant que « la protection du public et l’économie québécoise méritent mieux » et que cet examen « impose à nos institutions démocratiques un fardeau inapproprié », la CACQ, Option et l’UdC réclament du ministre des Finances Carlos Leitao et des députés de la Commission des finances publiques qu’ils repoussent à plus tard l’étude du projet.

PROJET « TROP VOLUMINEUX » ET ÉCHÉANCIER « TROP SERRÉ »

Après avoir rappelé que le PL 141 « contient en tout plus de 2 000 articles et vise une soixantaine de lois, dont une douzaine qu’il remplace ou modifie en profondeur », les trois associations soulignent que « beaucoup des réformes proposées sont également très complexes et très techniques » et qu’elles auront « des impacts considérables sur les consommateurs et sur l’industrie ».

« La Commission des finances publiques doit maintenant analyser ce projet omnibus et ses membres ont reçu du ministère des Finances au moins 4 653 pages de notes explicatives. Compte tenu de son importance et de la complexité des enjeux, il est manifestement impossible qu’elle puisse étudier de façon approfondie les tenants et aboutissants du projet à l’intérieur du calendrier parlementaire actuel. Elle en a jusqu’à maintenant examiné à peine le cinquième, et on a déjà procédé à près de 80 amendements », ajoutent la CACQ, Option et l’UdC.

« Avant, pendant et après la trop brève période de consultation, de nombreux experts et organisations ont soulevé d’importants questionnements, que le ministre et la commission parlementaire n’ont pas le temps d’examiner avec toute l’attention requise. Mais un consensus émerge de la plupart des observateurs à l’effet que la protection du public serait sérieusement réduite par ce projet de loi », déplore Rébecca Bleau, coordonnatrice de la CACQ.

« EN VOULANT TOUT FAIRE, LE PL 141 MANQUE LA CIBLE »

Les trois organismes conviennent toutefois qu’un des aspects abordés dans le PL 141 devrait être réglé rapidement, soit les dispositions destinées à favoriser la stabilité systémique du Mouvement Desjardins. En effet, ces mesures doivent entrer en vigueur le plus tôt possible afin que le Québec se conforme à la recommandation émise en 2014 par le Fonds monétaire international dans ce domaine. Selon la CACQ, Option et l’UdC, cette partie du projet loi, qui fait consensus, pourrait donc « faire l’objet d’un projet de loi distinct et bien ciblé, qui pourrait être adopté pendant l’actuelle session parlementaire ».

« Il faut moderniser l’encadrement du secteur financier québécois, qui est essentiel pour son développement économique et pour les consommateurs. Mais pour être réussie, cette modernisation doit être précédée d’une consultation globale, à laquelle tous les intéressés pourraient participer », soutiennent les trois organismes, qui invitent Carlos Leitao à « mettre sur pied une consultation d’envergure sur l’encadrement du secteur financier québécois afin de proposer une vision correspondant pleinement au contexte du XXIe siècle ».

« Le ministre des Finances doit se rendre à l’évidence qu’en voulant tout faire, le PL 141 manque la cible. Les fondements démocratiques qui sous-tendent l’étude des projets de loi ne doivent pas faire les frais de la précipitation, alors que la protection des consommateurs est en jeu », concluent la CACQ, Option et l’UdC.

LA CSF APPUIE LA DEMANDE DES ASSOCIATIONS DE CONSOMMATEURS

Dans un communiqué diffusé hier, la Chambre de la sécurité financière indique qu’elle appuie la demande des organismes de protection des consommateurs. « Le PL 141, un volumineux projet de loi de plus de 2 300 articles, modifie en profondeur l’encadrement du secteur financier québécois. Au cours de la dernière année, l’étude du projet et de ses conséquences sur la protection des consommateurs ont préoccupé bon nombre d’intervenants du public, ainsi que ceux de l’industrie financière qui ont exprimé de sérieux doutes en regard des changements proposés », justifie la CSF.

Celle-ci ajoute que, « à quelques semaines de la fin des travaux parlementaires, alors que plusieurs groupes n’ont pu prendre part aux courtes consultations de trois jours de l’hiver dernier, plusieurs questionnements demeurent sans réponse et il reste trop peu de temps pour analyser adéquatement les milliers d’articles restants ».

« Il est rassurant de constater que les préoccupations émises par la CSF sont aussi partagées par de nombreux groupes, notamment ceux qui représentent les intérêts des consommateurs. Nous sommes en faveur de la modernisation des lois encadrant le secteur financier, mais nous croyons qu’il ne faut pas agir dans la précipitation, considérant l’importance de ce domaine. Au final, ce sont les consommateurs qui en feraient malheureusement les frais », déclare Marie Elaine Farley, présidente et chef de la direction de la Chambre.

DEUX EX-PARLEMENTAIRES SOUHAITENT UN REPORT DU PROJET

Il y a quelques semaines, l’ex-député libéral Alain Paquet et l’ex-député péquiste Rosaire Bertrand avaient dénoncé le PL 141, jugeant que celui-ci mettait en péril à la fois les droits des consommateurs et ceux des professionnels du conseil financier. Dans un communiqué publié hier, les deux anciens parlementaires, également anciens présidents de la Commission des finances publiques et anciens ministres, affirment cette fois « appuyer sans réserve » la demande des organismes de défense des consommateurs.

« Les enjeux fondamentaux soulevés avec et pour la majorité des intervenants (parmi les quelque 50 000 professionnels et les millions de Québécois qui seront affectés) méritent un temps d’arrêt pour trouver les bonnes solutions. Sans aucun motif partisan, à la toute fin de cette dernière session parlementaire, l’étude accélérée et l’adoption du PL 141, contenant plus de 700 articles, plus de 2 000 articles, sous-articles et alinéas et qui touche près de 60 lois existantes, serait précipitée, faite à la vapeur et malvenue. Nous souscrivons à l’idée d’actualiser le cadre législatif et réglementaire, mais force est de constater que cet ambitieux projet requiert davantage de travail en amont et de consultation pour moderniser optimalement l’encadrement du secteur financier », déclarent Alain Paquet et Rosaire Bertrand.

« Le travail en commission parlementaire est une des activités les plus importantes des députés. Les discussions et échanges sur un dossier aussi complexe que l’encadrement du secteur financier, dont les ramifications auront des conséquences directes sur la sécurité financière des Québécois, demandent toute la concentration, l’expertise et le temps nécessaire pour bien accomplir ce travail », concluent-ils.

La rédaction