Les conséquences d’une hausse des taux seraient néfastes

Par La rédaction | 6 septembre 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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C’est ce que révèle une étude publiée hier par Desjardins. Selon le Mouvement, plusieurs ménages risquent de se retrouver en difficulté en cas d’augmentation des taux d’intérêt.

Son auteure, Hélène Bégin, y rappelle d’abord que, comme ailleurs au pays, les dettes des Québécois ont progressé « beaucoup plus rapidement » que leurs revenus au cours des dernières années, même si les très bas taux d’intérêt ont permis de maintenir leurs paiements mensuels « à un niveau raisonnable ». Toutefois, met-elle en garde, une remontée des taux d’intérêt plus importante qu’anticipé entraînerait « une détérioration significative » de la situation de plusieurs ménages, car elle compromettrait leur capacité à honorer leurs obligations financières.

« La hausse graduelle des taux aurait d’abord un impact immédiat sur les détenteurs de prêts à taux variable et de marges de crédit personnelles. Pour les emprunts à taux fixe, les effets s’échelonneraient au fil des échéances puisque des taux plus élevés seraient exigés au gré des renouvellements. Ainsi, la proportion de Québécois vulnérables augmenterait en l’espace de quelques années et la capacité de maintenir les paiements mensuels pourrait même être compromise pour certains ménages », prévoit l’économiste principale de Desjardins.

FAIBLE RISQUE DE DÉFAUTS DE PAIEMENT

Une autre étude publiée le mois dernier par le Mouvement montre en outre que le ratio du service de la dette (RSD), qui évalue l’ensemble des obligations financières liées au remboursement des emprunts en fonction du revenu brut et en tenant compte de la valeur des emprunts, des taux d’intérêt et des revenus des ménages, se maintient autour de 16 % depuis une quinzaine d’années. Le risque de défaut de paiement n’a donc pas augmenté dans l’ensemble de la population.

La Banque du Canada (BdC) considère que les ménages dont le RSD dépasse le seuil de 40 % sont vulnérables, c’est-à-dire qu’ils peuvent avoir du mal à effectuer leurs versements. Ceux ayant un ratio entre 30 % à 40 % présentent également un risque potentiel, estime Hélène Bégin, puisqu’ils sont susceptibles de se retrouver rapidement dans une position délicate à la suite d’un imprévu, comme une séparation, une maladie grave, une perte d’emploi ou une hausse subite du coût d’emprunt.

La situation est d’autant plus préoccupante pour eux que la remontée des taux d’intérêt directeurs, qui a débuté en juillet dernier, « devrait entraîner une détérioration graduelle » de leur situation financière, redoute l’économiste principale. Pour limiter les risques de défaut de paiement, celle-ci suggère donc aux emprunteurs de « s’assurer d’être capables de faire face à une hausse d’environ 2 % des taux hypothécaires à moyen terme », même s’il ne s’agit pas là de son scénario de base.

« IL FAUT SE PRÉPARER À DIFFÉRENTES ÉVENTUALITÉS »

Pour l’analyste, et même si une poussée spectaculaire des taux d’intérêt lui paraît « très peu probable », les particuliers devraient se préparer à différentes éventualités. Pour les y aider et évaluer cet éventuel impact, Desjardins a effectué trois simulations. La première permet de connaître l’évolution du RSD dans l’hypothèse où le taux des fonds à un jour augmenterait jusqu’à 2 % d’ici deux ans avant de redescendre à 1,25 % dans cinq ans (alors qu’il se situe aujourd’hui à 0,75 %).

Les deux autres simulations impliquent des hausses de taux d’intérêt plus importantes, puisqu’elles prévoient que, à la fin de 2021, le taux des fonds à un jour atteindrait respectivement 3 % et 5 %. Ces deux scénarios alternatifs se rapprochent du taux d’intérêt nominal neutre évalué à environ 3 % par la BdC, note Hélène Bégin, qui rappelle que « même si ce niveau peut paraître élevé, le taux des fonds à un jour atteignait 5,75 % à la fin de l’année 2000 »

« Le RSD moyen serait plutôt stable dans le [premier] scénario, mais il augmenterait dans les deux scénarios alternatifs. Le fardeau financier serait donc plus difficile à supporter pour l’ensemble des ménages qui ont recours à l’emprunt, même en supposant que le taux d’endettement demeure constant. », détaille l’analyste.

PAS FORCÉMENT D’IMPACT À COURT TERME

La part des ménages dont le RSD est supérieur à 40 % « ne bougerait pratiquement pas » dans le premier scénario, c’est-à-dire si les taux grimpaient à 2 %. Dans cette hypothèse, ajoute-t-elle, les particuliers « semblent en mesure d’absorber sans trop de dommages des augmentations limitées du coût d’emprunt ».

En revanche, dans le cas des deux scénarios alternatifs prévoyant des hausses plus importantes des taux d’intérêt, « entre 6 % et 6,7 % des ménages dépasseraient le seuil critique d’endettement en 2021 », ce qui représente de 20 000 à 40 000 ménages additionnels qui basculeraient dans cette zone en l’espace de cinq ans et qui seraient à risque de défaut de paiement, souligne l’analyste. Et si le taux des fonds à un jour de la BdC grimpait jusqu’à 3 % voire 5 %, l’impact négatif serait encore plus considérable.

Une remontée du coût d’emprunt se répercuterait différemment sur les divers produits de crédit, mais sans grand impact immédiat, observe également Hélène Bégin. La raison? Pour la plupart des prêts hypothécaires et les prêts à la consommation conventionnels, l’effet se fait sentir uniquement lors de leur renouvellement. En outre, ce délai ne touche pas les prêts hypothécaires à taux variable ni les marges de crédit personnelles qui sont directement liés au taux préférentiel des institutions financières. De même, pour ce qui est des cartes de crédit, les paiements mensuels sont peu affectés par ses variations de taux puisqu’ils demeurent assez stables dans le temps.

LES MÉNAGES SONT PLUS VULNÉRABLES QU’AUTREFOIS

Les ménages sont aujourd’hui plus sensibles à la variation des taux d’intérêt qu’il y a 15 ou 20 ans, car depuis le début des années 2000, les types de produits et leur répartition ont beaucoup évolué, ajoute l’analyste. Ainsi, « l’attrait des marges de crédit personnelles et des prêts à taux variable, qui sont liés aux taux directeurs de la BdC, font en sorte que les augmentations sont presque immédiatement transmises aux emprunteurs ». De même, les prêts traditionnels à la consommation, moins populaires depuis quelques années, sont assortis d’un taux fixe pour la durée du terme, « ce qui protège en quelque sorte les paiements mensuels des fluctuations soudaines ». Autrement dit, « la faiblesse des taux d’intérêt a rendu les marges de crédit fort attrayantes, mais cela expose davantage les ménages à leur remontée ».

Ceux qui ont contracté des prêts à taux variable ou qui ont recours à une marge de crédit personnelle subiront directement les effets de chacune des augmentations de taux directeurs de la banque centrale. Pour les prêts à taux fixe, l’impact se fera sentir selon la date d’échéance du prêt puisque le renouvellement exigera un taux supérieur, souligne l’économiste.

Même si rien n’annonce un rebond spectaculaire des taux d’intérêt canadiens, Hélène Bégin conseille cependant aux emprunteurs de se préparer « à une certaine augmentation des taux d’intérêt au cours des prochaines années. » Un conseil qu’elle juge particulièrement important « pour les ménages avec un prêt hypothécaire qui devra être renouvelé à plusieurs reprises durant la période d’amortissement. »

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