Les défis de l’industrie :
La relève, le rôle des femmes et les services aux immigrants

Par Frédérique David | 20 septembre 2013 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Comment encourager la relève, valoriser la place des femmes et améliorer les services offerts aux communautés culturelles? Tels sont les défis qui étaient lancés aux acteurs de l’industrie des services financiers le 16 septembre dernier, dans le cadre de l’assemblée générale annuelle du Conseil des fonds d’investissement du Québec (CFIQ).

La relève

« Lorsqu’un client souhaite confier des sommes d’argent importantes, un jeune conseiller est moins sécurisant qu’un conseiller qui est dans l’industrie depuis trente ans », a expliqué Maxime Gauthier pendant la conférence, chef de la conformité et représentant en épargne collective chez Mérici Services Financiers, à Sherbrooke. Ce constat est-il à l’origine du manque de relève dans l’industrie? Maxime Gauthier croit plutôt que les démarches pour valoriser la profession ne sont pas assez importantes. « Nous ne faisons pas la promotion de notre profession de manière très positive, dit-il. Les gens parlent de Vincent Lacroix! Il faudrait mieux cibler nos campagnes de recrutement, que ce soit au collégial ou au secondaire. »

Des stages pour les jeunes, la création de chaires de recherche ou l’organisation de concours pourraient aider à valoriser la profession, propose Maxime Gauthier. « Le manque de main-d’œuvre risque d’augmenter parce que l’image de notre profession, on ne se le cachera pas, c’est l’homme aux cheveux blancs de 55 ans! »

Assurer une relève dans une industrie vieillissante nécessite donc un travail de concertation. « Le CFIQ, l’Autorité des marchés financiers, la Chambre de la sécurité financière et l’Institut québécois de planification financière pourraient jouer un rôle, ajoute Maxime Gauthier. Il faudrait asseoir tout ce monde autour d’une table et développer une initiative commune. »

Les enjeux liés à la relève touchent aussi la rétention des jeunes dans l’industrie. « Il faut donner les moyens aux jeunes qui font le choix d’entrer dans la profession d’y rester, ajoute Maxime Gauthier. Il faut se demander comment on peut aider ces jeunes à rester suffisamment longtemps dans l’industrie pour qu’ils soient en mesure de développer une clientèle. S’il n’y a pas d’échange, ni de mentorat, ni d’aide, le sentiment d’injustice peut devenir très fort. »

La place des femmes

Outre les jeunes, la place des femmes dans la profession fait également défaut. Selon l’Institut de la Statistique du Québec, la finance ne figure pas parmi les 25 professions qui présentaient les plus fortes augmentations de la présence des femmes entre 1991 et 2007. « Nous avons un défi à relever puisque depuis les années 1980 il y a autant de femmes que d’hommes dans les universités », souligne Monique Jérôme-Forget. L’ex-ministre des Finances libérale, actuellement conseillère spéciale au bureau montréalais de Osler, croit que cette tendance est liée au fait que « les femmes aiment moins l’argent que les hommes ». Elle constate aussi que les préjugés sont encore très présents vis-à-vis des femmes. D’ailleurs, elle n’hésite pas à suggérer aux femmes de demander de l’argent. « Au retour d’un congé de maternité, je leur dis de demander une promotion pour envoyer le message que leur emploi est aussi important, ou presque, que leur bébé! »

L’environnement de travail pourrait également influencer la présence des femmes dans l’industrie financière, selon Monique Jérôme-Forget. « Les femmes disent souvent qu’elles ne veulent plus de tout ce stress, qu’elles ont une famille et qu’elles veulent une qualité de vie », dit-elle. L’auteure du livre Les femmes au secours de l’économie : pour en finir avec le plafond de verre se dit néanmoins confiante d’assister à un revirement de situation. « La crise de 2008 a mis le monde entier à l’envers. Or, on remarque que dans les conseils d’administration où il y avait le plus de femmes, la gestion du risque a été meilleure », relève Monique Jérôme-Forget. Faisant référence au roman Too Big to Fail, qui raconte cette débâcle d’un point de vue intérieur, donc essentiellement masculin, elle n’hésite pas à prôner sans façons la parité : « Avoir seulement des hommes ou seulement des femmes dans l’industrie financière, ce n’est pas bon. Il faut avoir les deux qui se complètent! »

L’offre aux communautés culturelles

Les services offerts aux nouveaux arrivants du Québec doivent quant à eux tenir compte des différences culturelles et financières. « Leur attitude face à l’endettement et à l’épargne ne correspond pas nécessairement au modèle nord-américain, relate Pierre-Franck Honorin, directeur Nouveaux arrivants et communautés culturelles pour le Mouvement Desjardins. Les gens qui arrivent ont des liquidités, mais il est difficile de les convaincre d’investir dans des fonds communs, car ils veulent garder cet argent. »

Aider ces populations à s’adapter au système financier québécois nécessite donc de moduler son approche. « Dans les pays d’Europe de l’Est, le gouvernement et les institutions financières ne sont pas gages de sécurité. Les gens gardent donc l’argent à la maison », explique Pierre-Franck Honorin. Le Mouvement Desjardins a gagné la confiance de ces populations entre autres en offrant des bourses d’études à leurs enfants. « Les gens ont pu voir, par l’intermédiaire des enfants, que tout allait bien et cela les a conduits à venir nous voir », raconte-t-il. Le marché asiatique nécessite quant à lui une approche plus collective, car « l’argent reste dans la communauté », précise l’expert en accompagnement des nouveaux arrivants. « Et pour la communauté sud-américaine, il faut dérouler le tapis rouge ! » Pierre-Franck Honorin ajoute qu’il est essentiel de parler la langue de l’investisseur et qu’il faut se donner le temps nécessaire pour développer une relation de confiance. « C’est un investissement d’environ trois ans, indique-t-il. Environ 70% des nouveaux arrivants sont des gens qui travaillent et qui ont des biens dans leur pays qu’ils vont éventuellement rapatrier ici. Les conseillers doivent donc rassurer ces personnes quant à la solidité des institutions pour lesquelles ils travaillent. »

Frédérique David