Les dessous de « la laverie russe » dévoilés

Par La rédaction | 23 mars 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Des banques britanniques auraient « recyclé » quelque 740 millions de dollars d’argent russe provenant d’une escroquerie portant sur plusieurs milliards, rapporte l’Agence France-Presse.

Citant des révélations publiées lundi par le quotidien britannique The Guardian, l’agence précise que des documents obtenus par l’Organized Crime and Corruption Reporting Project (en anglais) montrent qu’au moins 20 milliards de dollars ont été sortis de Russie entre 2010 et 2014 dans le cadre d’une vaste opération criminelle baptisée The Russian Laundromat (« la laverie russe »).

Selon l’OCCRP, qui regroupe des journalistes d’investigation est-européens et bénéficie du soutien du département d’État américain, cette opération a impliqué plus de 500 personnes, dont des oligarques et des criminels russes ayant des liens avec le FSB, le service de renseignement russe.

« L’UNE DES FRAUDES LES PLUS IMPORTANTES DE L’HISTOIRE »

Durant ces quatre années, plusieurs institutions financières britanniques, dont HSBC, la Royal Bank of Scotland, Barclays et Coutts, auraient traité plus de 1 900 transactions, pour une valeur de 740 millions de dollars. Par ailleurs, 373 autres opérations auraient eu lieu via des banques américaines, cette fois pour un montant de 63 millions.

The Guardian indique que tous les établissements bancaires impliqués dans cette affaire seront interrogés par la justice britannique afin de savoir pourquoi ils n’ont pas alerté les autorités concernant les transferts d’argent suspects auxquels ils ont participé. Toutefois, le quotidien ajoute qu’ils semblent avoir uniquement traité des fonds déjà blanchis.

De son côté, Le Monde rapporte que derrière cette « incroyable machine » qu’est « la laverie russe » se cache « l’un des schémas de blanchiment d’argent les plus importants de l’histoire ». Entre l’automne 2010 et le printemps 2014, ce système aurait ainsi permis à des centaines de personnalités russes d’exfiltrer du pays plus de 20 milliards de dollars d’argent sale pour les placer à l’abri dans plusieurs États ouest-européens, apparemment avec la complicité de responsables du FSB.

PLUSIEURS HAUTES PERSONNALITÉS RUSSES IMPLIQUÉES

Le schéma utilisé était assez simple. « En règle générale, une société écran accordait à une autre un prêt fictif, que celle-ci se disait incapable de rembourser avant de se mettre en faillite. Grâce à la complicité de juges en Moldavie, la justice autorisait le remboursement, par des sociétés russes, de cette dette fictive à des créanciers prête-noms », détaille Le Monde. Pourquoi des juges moldaves? Tout simplement « parce que les juges russes étaient devenus trop chers », ajoute le quotidien sur la base d’informations publiées par journal russe Novaïa Gazeta.

L’argent sale était ensuite envoyé vers des banques lettones, c’est-à-dire dans un pays membre de l’Union européenne, avec toutes les apparences de la légalité, avant de finir son périple dans des établissements bien connus au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Suisse, en Estonie, en France, en Belgique ou aux États-Unis.

Selon Le Monde, les bénéficiaires de cette vaste fraude appartiennent à « l’élite des affaires moscovites », soit environ 500 personnes dissimulées derrière des structures opaques. Toutefois, explique le journal, les journalistes membres du collectif de l’OCCRP ont pu en identifier un certain nombre et établir que la majorité avaient fait fortune « grâce à leurs relations avec les autorités et des contrats passés avec l’État russe dans des domaines aussi divers que la construction, l’ingénierie, la banque et les hautes technologies ». Quant à l’argent, il s’est aujourd’hui « évaporé dans le monde opaque des compagnies offshore », bien qu’une partie a notamment servi à payer des fourrures, des diamants, des montres, ou encore des frais de scolarité en Europe ou de luxueuses vacances.

La rédaction