Les économies mondiales éviteront la récession à double creux

Par Alexandre Daudelin | 8 Décembre 2010 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Les économies mondiales éviteront probablement une récession à double creux, selon Warren Jestin, économiste en chef à la Banque Scotia, co-auteur de prévisions complètes publiées à l’occasion de la conférence sur les perspectives de l’économie et du marché pour 2011 et 2012 de la Banque Scotia.

« L’activité économique mondiale a décéléré ces derniers mois, et la croissance de 2011 ne devrait pas atteindre la moyenne de 2010 en Amérique du Nord, en Europe et au Japon, » a déclaré M. Jestin. « Les graves tensions financières issues de la lourde dette de certains pays européens et des États-Unis ne provoqueront probablement pas de récession à « double creux ». Cependant, le long processus de maîtrise de déficits budgétaires pléthoriques, de retrait d’une stimulation monétaire sans précédent et de restructuration du système financier mondial entraveront les perspectives de croissance de nombreux pays jusqu’au milieu de la décennie. »

M. Jestin s’attend à ce que la croissance de la production canadienne chute sous les 2,5 % en 2011 alors que la demande intérieure fléchit et que le raccommodage budgétaire s’amorce. Les États-Unis ne feront guère mieux, malgré un surcroît de stimulation monétaire et le report de la correction d’immenses déséquilibres budgétaires.

« En 2012, malgré une embellie prévue, la croissance devrait rester inférieure à 3 % dans les deux pays, où les taux d’intérêt commenceront à monter et où le resserrement budgétaire s’accentuera. »

La croissance prévue de la Chine est de 9,5 %, suivie par celles de l’Inde (8,5 %) et du Brésil (5,5 %). « Ces pays sont devenus des locomotives de l’économie mondiale, dont l’impact sur les changes et sur les marchés des produits de base et des capitaux augmente avec leurs ressources financières », a-t-il déclaré.

Un système bancaire de calibre mondial et la santé relative du bilan des ménages, des entreprises et des gouvernements ont conféré au Canada un avantage décisif lors du déclenchement de la crise. « Ces avantages qui lui sont propres ont protégé l’économie du Canada contre les conséquences négatives de la chute vertigineuse des ventes aux États-Unis et des prix des produits de base mondiaux à la fin de 2008 et au premier semestre de 2009 », a-t-il ajouté.

L’impact des économies émergentes Vincent Delisle, directeur des stratégies de portefeuille, Scotia Capitaux, croit pour sa part que la reprise plus faible que la normale dans les pays développés, la stimulation monétaire aiguë aux États-Unis, la tendance au resserrement en Chine et le problème de la dette européenne expliquent la volatilité récente des marchés , a ajouté M. Delisle. « En 2011, ces facteurs devraient encore mettre à l’épreuve les nerfs des investisseurs et provoquer des changements sporadiques de leadership entre les actifs cycliques et défensifs. »

Selon M. Delisle, la reprise mondiale devrait se poursuivre en 2011 et la croissance du PIB mondial devrait tourner autour de 4 % (4,8 % en 2010). « Une croissance au ralenti ne devrait pas endiguer les craintes d’inflation dans les pays développés, mais les pressions soutenues sur les prix dans les pays émergents (Chine, Inde, Brésil) pourraient entraîner de nouveaux resserrements. »

Il continue : « Pour 2011, les perspectives boursières sont positives et nous pensons que le S&P 500 oscillera entre 1 125 et 1 325. Cependant, une myriade de défis continuera de tester la confiance des investisseurs et une approche tactique devrait de nouveau permettre d’ajouter de la valeur en 2011. »

Du point de vue des catégories d’actif, M. Delisle continue de préférer les actions aux obligations en 2011. « Cependant, nous ramenons la surpondération recommandée des actions à 58 % pour 2011 contre 65 % en 2009 et 68 % en 2010. »

Le risque de change Enfin, pour Camilla Sutton, chef stratège, Devises, Scotia Capitaux, l’économie, le secteur financier et les autorités monétaires du monde restent sur la corde raide. « Les principales inquiétudes entourent l’avenir de l’Europe, mais aussi la vigueur de la reprise mondiale et la politique monétaire américaine. Les risques ont augmenté, ce qui incitera sans doute les investisseurs à se montrer plus attentifs au risque de change », a-t-elle affirmé.

Mme Sutton a souligné que l’Europe croule sous le poids croissant de ses problèmes d’endettement. Ce qui était un enjeu de dette souveraine est devenu une crise de confiance majeure, dont il est de plus en plus difficile de quantifier et de prévoir l’effet boule de neige. « Notre scénario de base présume que l’Europe a les ressources voulues pour se sortir de la crise. Nous croyons donc que l’euro s’appréciera lentement en 2011 et en 2012. »

Le dollar américain reprendra vraisemblablement sa lente marche descendante, estime Mme Sutton. La situation budgétaire des États-Unis est mauvaise et, pire encore, le plan visant à la redresser est limité. « Il y a un risque important qu’une aggravation des problèmes en Europe fasse monter le dollar américain; c’est là un risque important auquel il faut être très attentif. Selon notre scénario de base, le dollar américain sera plus faible qu’aujourd’hui au tournant de 2011 et en 2012 », a-t-elle expliqué.

Vu ses fondamentaux relativement solides, l’abondance des produits de base, le creusement des écarts de taux d’intérêt, un dollar américain généralement plus faible et une position souveraine enviable, le Canada devrait continuer d’attirer les placements internationaux. « Cependant, des accès d’aversion pour le risque et une résistance politique à une forte hausse du huard limitent les perspectives de la monnaie. Par conséquent, nous nous attendons à une appréciation persistante du dollar canadien, quoique assez lente et interrompue par des périodes de faiblesse », a insisté Mme Sutton, en terminant.

Alexandre Daudelin