Les enjeux fiscaux des placements spéculatifs

Par Melissa Shin | 21 octobre 2010 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
12 minutes de lecture

Voici quelques conseils d’ordre fiscal qui touchent cinq placements spéculatifs courants.

1. Sociétés en commandite

Selon M. Jacober, les sociétés en commandite sont des entités populaires dans l’univers du marché non réglementé, puisqu’elles permettent de transférer certaines déductions au profit des investisseurs, notamment :

* les pertes; * la déduction pour amortissement (DPA); * les coûts accessoires.

Dans leurs documents de marketing, les sociétés en commandite donnent des exemples d’applications possibles de ces déductions. Vous pouvez également poser des questions aux conseillers du distributeur. La planification fiscale est facilitée lorsque cette information est connue.

« Supposons que j’investis dans une société en commandite qui doit déclarer ses déductions à la fin de l’exercice. Je sais que je vais gagner un revenu d’emploi cette année et j’aurai une idée de la déduction que je pourrai y appliquer », explique M. Jacober.

Certaines sociétés en commandite détiennent des biens américains (souvent des biens immobiliers), ce qui peut déclencher une obligation fiscale aux États-Unis.

« Dans certains cas, les gens s’aperçoivent de cette obligation après avoir investi, indique M. Campbell. Même si vous n’avez pas d’impôt à payer aux États-Unis, vous devez quand même assumer le coût associé à la production d’une déclaration américaine et à l’obtention d’un numéro de compte aux États-Unis. »

L’ARC examinera également vos déclarations de plus près.

M. Jacober explique que certaines sociétés en commandite se sont prévalues de la règle américaine des cases à cocher, qui permet à une entité de choisir comment elle sera imposée, à savoir comme société par actions, comme société en commandite ou comme entité transparente. En choisissant le statut de société par actions, les sociétés en commandite contournent l’obligation pour leurs clients de demander l’ITIN (numéro d’identification étranger aux fins de l’impôt) et de produire une déclaration fiscale aux États-Unis.

Beth Webel, associée en fiscalité chez PwC à Hamilton (Ontario), précise qu’en raison des différents régimes, il est essentiel de confirmer le statut fiscal d’une entité. Pour ce faire, il faut consulter le prospectus, vérifier les statuts constitutifs de l’entité et discuter avec les fiscalistes de l’entité : « Vous devez comprendre l’entité avec laquelle vous faites affaire. Même si la mention SARL est ajoutée au nom d’une société par actions, elle pourrait tout de même être traitée comme une société en commandite aux fins fiscales. Ce concept n’existe pas chez nous. »

Payez moins d’impôt

  • Trois moyens vous permettent de réduire la charge fiscale associée à tous ces placements :
  • 1. Veiller à ce que le revenu soit imposé au plus faible taux possible.
  • 2 Reporter.
  • 3 Déduire.

2. Produits de base

La plupart des investisseurs achètent des produits de base par l’intermédiaire de fonds négociés en Bourse (FNB) ou de contrats à terme standardisés. Dans certains cas, cela peut se traduire par des gains en capital annuels.

« Un FNB d’or ou d’argent fondé sur des produits dérivés peut procéder au renouvellement de contrats et entraîner la réalisation subséquente de gains en capital, contrairement aux FNB qui détiennent physiquement de l’or et de l’argent », explique Ioulia Tretiakova, directrice des stratégies quantitatives à PUR Investing à Toronto.

Ces distributions sont habituellement réinvesties. Par exemple, « le FINB BMO contrats à terme sur métaux précieux a distribué et réinvesti 1,21 $ par action en 2012, soit environ 7 % ». De cette somme, 0,98 $ représentait un revenu de source étrangère alors que 0,14 $ était considéré comme un autre revenu.

Des opérations de requalification ont déjà permis de minimiser de tels événements imposables en requalifiant le revenu en gain en capital, mais le budget 2013 a changé les règles du jeu. Vous devez donc aviser vos clients qu’ils devront peut-être assumer une plus lourde charge fiscale à l’avenir.

Au chapitre des contrats à terme, « malgré les inconvénients d’un compte sur marge, un investisseur peut profiter d’un avantage fiscal en déclarant les gains et les pertes à titre de capital si certaines conditions sont satisfaites, soutient Mme Tretiakova. En général, cela dépend si l’ARC perçoit la négociation de contrats à terme comme une activité commerciale. Si un investisseur semble négocier des contrats à terme de manière professionnelle, la déclaration des gains et des pertes à titre de capital pourrait être refusée. »

Melody Chiu, directrice principale de la fiscalité chez PwC à Toronto, explique que l’ARC a tendance à considérer que la négociation de contrats à terme est une activité spéculative. Par conséquent, elle impose les gains de transactions à titre de revenu.

En revanche, si le produit dérivé est lié à une immobilisation, cette interprétation peut changer. C’est par exemple le cas « si vous détenez un contrat de change à terme ainsi que des actions dans une société américaine et que le but est de vous mettre à l’abri des fluctuations du taux de change Canada–É.-U. »

Tout gain découlant du contrat à terme pourrait être imposé à titre de capital si une proportion suffisante est liée à l’immobilisation détenue (les actions, dans l’exemple fourni). « L’ARC a sa propre conception de ce lien et de la mesure dans laquelle il doit être étroit », dit Mme Chiu.

3. Immobilier

Il existe trois façons d’y investir :

  • La propriété directe (non admissible au REER);
  • Une coentreprise composée d’un groupe d’investisseurs connus (non admissible au REER)
  • Un fonds de placement immobilier (FPI) ou un fonds public (admissible au REER).

Dans ces trois cas, l’amortissement des immeubles et des terrains donne droit à une déduction. Selon M. Campbell, c’est donc dire que « le capital peut être distribué chaque année puisque vous gagnez un revenu que vous pouvez mettre à l’abri grâce à la DPA ». Il est également possible de déduire certaines dépenses comme les services publics et les intérêts hypothécaires.

Ces déductions reportent l’impôt et ne l’éliminent pas de manière définitive. Le prix de base rajusté diminue chaque fois que vous déduisez des dépenses, et si vous vendez le bien en réalisant un profit, « bon nombre de ces déductions sont récupérées et imposées en fin de compte », fait remarquer M. Campbell.

Même les gens qui ne font pas de profit peuvent recevoir une facture fiscale salée « s’ils ont amorti l’immeuble pendant 20 ans pour retirer un revenu non imposable chaque année ».

Pour gérer ce problème, insistez sur le fait que toute déduction « refera surface et devra être remboursée au moment de la vente de l’immeuble », ajoute-t-il. Vous pouvez aider vos clients à planifier de manière stratégique le calendrier des dépenses et de la DPA, laquelle ne doit pas nécessairement être demandée chaque année. Par exemple, dans un contexte de marché baissier, les clients qui ont l’intention de vendre la propriété à courte échéance pourraient reporter la demande de DPA parce que les gains réels pourraient ne pas couvrir l’impôt à payer.

Dans une coentreprise, chaque propriétaire peut choisir indépendamment de demander ou non la DPA. En revanche, ce sont les FPI qui réclament la DPA.

Avec les FPI, le prix de base est aussi affecté. « Une partie de chaque distribution annuelle est généralement un retour de capital non imposable. Cela dit, le prix de base de votre investissement est diminué d’un montant équivalent chaque année », dit M. Campbell. Si vous détenez le même FPI à un rendement de 5 % pendant 10 ans et que vous le vendez au même prix que celui que vous avez payé, « vous pourriez tout de même être assujetti à l’impôt sur les gains en capital, car le prix de base a subi une érosion substantielle ».

Pire encore, si vous détenez ce FPI jusqu’à ce que le prix de base soit ramené à zéro, tout retour de capital subséquent sera considéré comme un gain en capital.

Si un de vos clients détient des FPI avec le prix de base de 0 $, « nous lui recommanderions de faire don de ces FPI plutôt que de les encaisser afin d’éviter l’impôt sur les gains en capital », de conclure M. Campbell.

Supposons qu’une cliente du Québec envisage de verser un don en espèces de 1000 $. Elle aurait droit à un crédit d’impôt d’environ 450 $. En revanche, « si elle a un FPI dont le prix de base est presque nul et qu’elle fait don de ce titre, non seulement elle aura droit au même crédit de 450 $, mais elle évitera de payer environ 250 $ en impôt sur les gains en capital. Au total, son avantage s’élève donc à 700 $; le prix du don est de 300 $, au lieu de 550 $ ».

4. Sociétés de placement

Même s’il est moins prisé par les investisseurs, ce type de placement peut toujours être utile, selon M. Jacober.

Si une société privée sous contrôle canadien (SPCC) (ce qui englobe une société de placement) génère plus de 500 000 $, le revenu supérieur à ce seuil est imposé à un taux d’imposition des sociétés plus élevé, ce qui permet à la SPCC de distribuer un dividende déterminé.

Cet avantage est particulièrement marqué en Alberta, où les dividendes déterminés sont imposés à 17 %, soit le taux d’imposition le plus faible. Au Québec, le dividende déterminé est imposé à un taux marginal de 35,22 %, comparativement à un taux d’imposition marginal de 38,54 % pour un dividende ordinaire.

M. Jacober note que la plupart des sociétés de placement hypothécaire versent un revenu en intérêts (voir l’article « Le placement hypothécaire : un instrument à considérer » à la page 20).

5. Actions accréditives

Le budget 2013 a confirmé la survie des actions accréditives pour une autre année.

Ces actions sont généralement émises par des petites entreprises de l’industrie des ressources, lesquelles renoncent, en faveur des actionnaires, aux déductions fiscales auxquelles donnent droit leurs activités d’exploration afin que les actionnaires puissent les demander dans leurs déclarations fiscales personnelles ou corporatives. Ces entreprises procèdent ainsi, car n’étant pas encore rentables, elles ne peuvent se servir de leurs crédits d’impôt.

Grâce à ce traitement fiscal, un investisseur peut généralement déduire l’intégralité du coût de ses actions accréditives de son revenu net, ramenant ainsi le prix de base rajusté des actions à zéro. La valeur totale du placement sera imposée comme un gain en capital au moment de la vente.

Selon M. Campbell, il existe toutefois un problème : « Le détenteur doit être en mesure de tirer pleinement profit des avantages fiscaux. Sinon, cela pourrait déclencher un impôt minimum de remplacement (IMR) si son revenu n’est pas assez élevé ou si son revenu diminue pendant la période de détention du placement. »

L’IMR exige que chaque contribuable verse un montant fixe d’impôt sur son revenu brut. Ce revenu correspond au revenu imposable modifié, moins l’exemption de 40 000 $, multiplié par 15 % au fédéral et 16 % au Québec. Le montant le plus élevé entre l’impôt régulier et l’IMR est payable pour l’année.

« Nous voyons souvent des cas où des gens ont acheté des actions accréditives sans pour autant gagner un revenu suffisant pour utiliser la totalité des avantages fiscaux », explique M. Campbell. Pour exploiter leur plein potentiel, il recommande d’acheter ces actions de manière à ce qu’elles soient déductibles à votre taux marginal maximal. Par exemple, le seuil d’imposition le plus élevé au Québec commence à 133 054 $ (2013). Si votre client gagne 170 000 $, il devrait limiter ses achats d’actions accréditives à 34 946 $.

Tout IMR supérieur à l’impôt régulier peut être reporté sur une période de sept ans et utilisé en tant que crédit à l’encontre d’impôts réguliers futurs. « Cependant, si le revenu de votre client ne dépasse jamais le seuil d’imposition minimum, vous continuez à créer des avantages fiscaux qu’il ne pourra jamais utiliser, ajoute-t-il. Souvent, afin que le placement atteigne le seuil de rentabilité, un allègement fiscal est nécessaire. »

Pour éviter que vos clients soient tenus de payer l’IMR en raison de leurs actions accréditives ou d’autres placements imposés à un taux préférentiel :

  • Limitez leurs déductions REER pour augmenter l’impôt ordinaire à payer et reportez la déduction à une année future;
  • Recommandez aux clients propriétaires-actionnaires de gagner un revenu d’emploi additionnel plutôt que des dividendes;
  • Restructurez les portefeuilles de manière à ce qu’une plus grande proportion des revenus soit imposée à taux complet élevé (par exemple : des intérêts);
  • Limitez les autres déductions facultatives comme la déduction pour amortissement pour les travailleurs autonomes ou à l’encontre des revenus locatifs.


Melissa Shin est directrice générale du Groupe Advisor.

Melissa Shin

Melissa Shin est directrice de la rédaction du groupe des publications financières de Newcom Media Inc. Elle fait partie de l’équipe depuis 2011 et a été reconnue par l’ACGA et la CFA Society Toronto pour ses reportages. Rejoignez-la à mshin@newcom.ca.