Les femmes, mal servies en gestion de patrimoine

Par La rédaction | 14 juillet 2022 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Alors qu’elles accaparent une part de plus en plus importante de l’actif sous gestion, les femmes sont mal servies par les institutions d’investissement qui les tiennent pour acquis, soutient la firme de recherche McKinsey.

Ce constat émane d’une étude sur les placements et le sexe menée auprès de 3 000 femmes et 2 000 hommes provenant de milieux aisés en Europe de l’Ouest. Il en ressort que les besoins des femmes en matière d’investissement diffèrent de ceux des hommes.

Si certaines institutions d’investissement ont mis en place des unités dédiées au service des investisseuses, d’autres tardent à passer à l’action et doivent donc d’améliorer leurs offres pour bien répondre à ce marché en forte croissance.

Selon McKinsey, en Europe de l’Ouest, les femmes investisseuses contrôlent maintenant environ un tiers de l’actif sous gestion, soit quelque 4,6 milliards d’euros. Une part qui devrait augmenter d’environ 8,1 % d’ici 2030, tandis que celle des hommes augmentera beaucoup plus lentement, à environ 2,7 %, estime la firme de recherche.

LE STATUT MATRIMONIAL FAIT UNE DIFFÉRENCE

Les femmes mariées détiennent plus des trois quarts (78 %) du total de l’actif, soit 3,6 milliards d’euros, le reste (22 %) étant entre les mains de femmes célibataires ou divorcées.

Ces différences dans la composition des ménages teintent les relations avec les institutions financières. Un peu plus de la moitié des femmes (54 %) qui sont en couple partagent la même banque que leur partenaire et la majorité (61 %) fait affaire avec le même conseiller. Toutefois, 40 % d’entre elles changeraient de banque ou de conseiller en cas de séparation ou de deuil, contre 29 % des hommes.

Cela signifie une perte potentielle de clientèle somme toute importante, d’où l’importance de développer une offre spécifique.

L’enquête a également révélé un « déficit d’investissement » entre les sexes. Les gains moyens et les montants investis par les femmes sont inférieurs à ceux des hommes. De plus, les unes et les autres abordent la répartition des portefeuilles différemment : les portefeuilles moyens des femmes sont composés de 32 % d’actions et de 32 % de titres à revenu fixe, comparativement à 45 % et 24 % respectivement pour les hommes.

McKinsey estime que ces différences entraînent un rendement moyen du portefeuille de 5 % pour les femmes, comparativement à 6 % pour les hommes, ce qui se traduit par un écart de 5 000 à 10 000 euros en moins pour les femmes.

Les banques et les gestionnaires de patrimoine gagneraient à offrir des services personnalisés à ces dernières afin de leur donner plus d’occasions de soupeser les risques et les rendements de différentes stratégies de placement et de différentes combinaisons de catégories d’actif dans leur répartition de portefeuille.

Une bonne nouvelle : les femmes se sont dites disposées à recevoir davantage de conseils de leurs institutions financières, surtout par l’entremise de canaux numériques comme les services-conseils en ligne, les logiciels analytiques et les applications mobiles. Plus du quart des sondées aimeraient également recevoir des conseils d’experts par téléphone, comparativement à 22 % pour les hommes.

Cela dit, à ce chapitre, les experts doivent faire mieux puisque l’insatisfaction est généralisée : 43 % des femmes se sont dites insatisfaites de la qualité des conseils financiers qu’elles ont reçus. Chez les hommes, la proportion est encore plus élevée à 49 %.

Parmi les autres résultats de l’enquête, mentionnons que les femmes sont plus nombreuses (42 %) à rechercher une approche de répartition de l’actif axée sur l’aversion au risque, contre 34 % chez les hommes. Ces derniers prennent davantage la totalité ou la plupart des décisions d’investissement dans leur ménage que les femmes, soit respectivement 73 % et 58 %.

DES MESURES À PRENDRE

Les sociétés de gestion de patrimoine ont donc intérêt à transformer leur proposition de valeur et leur parcours d’investissement pour mieux répondre aux besoins de différents segments de clientes : entrepreneures, professionnelles, célibataires, mariées, avec enfants, divorcées, veuves, retraitées, etc.

Elles auraient aussi avantage à former leurs conseillers pour qu’ils mettent les besoins des femmes au premier plan et travaillent à renforcer ces relations avec la clientèle. Il y a un besoin de renforcer l’expertise des conseillers pour comprendre les besoins évolutifs des femmes en matière de produits, de services et de solutions à mesure que leur carrière progresse ou que la situation familiale change.

Elles peuvent s’inspirer de ce qui se fait ailleurs. Certaines entreprises de services financiers ont mis en place des plateformes en ligne et des centres d’appels dédiés pour offrir aux femmes des conseils financiers adaptés à leur situation. Une banque a créé un magazine qui s’adresse spécifiquement à cette clientèle et organise des événements pour partager des points de vue sur les femmes et la finance. Une autre a créé une communauté numérique où les femmes peuvent accéder et mettre en commun leurs connaissances et leur expérience.