Les fonds négociés en Bourse sont-ils prêts pour le décollage?

Par Ronald McKenzie | 11 janvier 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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• Ce texte est paru dans l’édition de janvier 2006 de Conseiller. Il est aussi disponible en format PDF. Vous pouvez également consulter l’ensemble du numéro sur notre site Web.


On disait d’eux qu’ils pourraient menacer l’édifice des fonds communs. Or force est de constater que la ruée vers les FNB se fait attendre. Ce qui ne eut pas direqu’ils sont dénués d’intérêt.

En 2002, quand Objectif Conseiller a publié un article sur les fonds négociés en Bourse (FNB), les parts iUnits S&P/TSX 60, le plus important FNB au Canada, s’échangeaient autour de 39 $. Maintenant, elles valent plus de 60 $. Heureux sont les conseillers qui ont dirigé leurs clients vers ce FNB! Pourtant, malgré leurs qualités indé- niables, les FNB ne suscitent pas d’engouement.

Il y a quatre ans, tous les espoirs étaient permis. Howard Atkinson, chef du développement des produits négociés en Bourse chez Barclays Canada, visait à l’époque les 20 milliards de dollars comme actif dans les FNB en 2007. À deux ans de l’échéance, l’actif en question se chiffre à 10 milliards. Si elle veut atteindre l’objectif fixé en 2002, Barclays devra doubler son actif sous gestion. Grosse commande!

La tâche sera d’autant plus ardue que plusieurs obstacles présents en 2002 se dressent toujours. Le premier : la vente au détail. Comme les FNB sont des produits boursiers, seuls les conseillers en valeurs de plein exercice peuvent en recommander. Au Québec, on compte 6 656 de ces conseillers, selon les données de l’Autorité des marchés financiers. En comparaison, il y a 22 821 représentants en épargne collective qualifiés pour vendre un vaste choix de produits de placement concurrents aux FNB. À la succursale bancaire de son quartier, l’investisseur peut se procurer des fonds communs, des produits structurés, des billets liés, etc. Mais s’il veut des FNB, il doit ouvrir un compte dans une maison de courtage et prendre rendez-vous avec son conseiller de plein exercice. Au mieux, il peut acheter lui-même les fonds par Internet par l’entremise d’un courtier à commission réduite.

M. Atkinson reconnaît que c’est un problème mais qu’il est surmontable. «Un nombre croissant de cabinets de services financiers ont implanté une division spécialisée en valeurs mobilières. Les représentants en épargne collective peuvent alors diriger leurs clients vers des collègues conseillers de plein exercice.» Reste que le processus n’est pas simple. Le client doit faire affaire avec deux conseillers : un pour ses fonds communs, un autre pour ses FNB. Heureusement que cela se passe sous le même toit!

Deuxième obstacle : la rémunération. Un professionnel qui vend des FNB touche la même commission que celle qu’il recevrait à la vente d’actions, soit typiquement 1,5 %. Pour une transaction de 10 000 $, par exemple, cela fait donc 150 $. Par contre, s’il vend pour le même montant de fonds communs, il touche 500 $ (5 %) plus une commission de suivi. La différence, de loin favorable aux fonds communs, est marquée.

Pour que leur «mécanique» profite tant aux clients qu’aux conseillers, les FNB doivent être intégrés dans un programme de rémunération aux honoraires. Or, selon notre dernier sondage la Référence de l’industrie (voir Objectif Conseiller, numéro d’octobre 2005), moins de 2 % des conseillers au Québec ont réussi à introduire les honoraires dans leur pratique. Voilà de quoi restreindre la distribution des FNB.

UNE REDOUTABLE CONCURRENCE

En 2003, Bill Holland, président de CI Financial, déclarait à des analystes et à des actionnaires stupéfaits que la croissance du marché des fonds communs de placement (FCP) au Canada était limitée, que les frais de gestion diminueraient inéluctablement et que les épargnants achèteraient de plus en plus d’autres produits, comme des FNB. Bill Holland avait de quoi s’inquiéter. Les fonds CI venaient de clore deux années de misère (2002 et 2003) avec des rachats nets de 1,1 milliard de dollars.

Piquée au vif, l’industrie des FCP n’a pas tardé à s’adapter aux nouvelles réalités. En quelques trimestres, elle a réussi à percer le marché des produits structurés et des fonds de couverture. Aujourd’hui, les sociétés CI Financial, Mackenzie, AIC, AGF, AIM Trimark et Franklin Templeton, pour ne nommer que celles-là, sont présentes dans le créneau des instruments raffinés. L’industrie a également démocratisé les comptes gérés, qui ont été longtemps réservés aux clients nantis. Ainsi, au début de 2005, la Banque Scotia a lancé huit portefeuilles «cycles de vie». Il s’agit de fonds de fonds qui se rééquilibrent automatiquement en fonction de l’âge et des objectifs de l’investisseur. Plusieurs autres institutions financières, telles que la Financière Sun Life et les Fonds Clarington, lui ont emboîté le pas et offrent maintenant de tels produits au détail.

Résultat? La domination des FCP reste écrasante. La popularité des produits structurés ne se dément pas, l’actif sous gestion franchissant allègrement les 50 milliards de dollars en 2004, comme le montre le graphique ci-dessous.

Cette analyse mérite d’être nuancée, dit Rudy Luukko, rédacteur spécialisé en FCP à Morningstar Canada.

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D’une part, il ne croit pas que les produits structurés et les FNB puissent se substituer l’un à l’autre. «En fait, ils occupent souvent des pôles opposés. Les premiers sont des produits à frais élevés qui protègent les investisseurs contre les pertes en capital, tandis que les FNB ont des coûts minimes et offrent une pleine participation au marché, pour le meilleur et pour le pire.»

D’autre part, M. Luukko constate que les actifs de chacun des fonds iUnits ont connu une croissance au cours des 12 derniers mois. Il s’attend à ce que Barclays Canada continue de croître, à moins que les marchés ne s’effondrent. «Barclays est un acteur bien établi dans l’arène des fonds indiciels au Canada et domine un segment de ce marché, celui des FNB. Les adeptes de ces fonds sont peu nombreux au Canada, mais leurs rangs augmentent continuellement, car ces derniers offrent une solution de rechange “viable” et peu coûteuse aux fonds indiciels conventionnels.»

tableau_2_archive_janvier2006_fonds_nego_prets_650EN ROUTE VERS 2006

Le véritable danger ne vient pas des fonds communs, indique M. Luukko, mais de l’absence des iUnits dans la très populaire catégorie des fonds équilibrés. En annon- çant, le 23 novembre dernier, le lancement de quatre nouveaux FNB, dont un fonds de dividendes et un fonds de fiducies de revenu, Barclays tentait de colmater cette brèche et de combler les attentes des investisseurs. Mais est-ce trop peu trop tard?

M. Atkinson rejette cette idée. «Pour 2006, notre scé- nario optimiste prévoit des ventes nettes de deux milliards de dollars.» Si elle veut atteindre cet objectif, Barclays Canada devra pratiquement tripler les ventes nettes de 750 millions de dollars réalisées en 2005. Mission pour le moins ambitieuse, non? M. Atkinson souligne que 2005 a été une année difficile qui porte ombrage aux résultats record obtenus en 2004, soit des ventes nettes de 900 millions. En 2005, son fonds-vedette, le iUnits S&P/TSX 60, a subi des rachats nets de 400 millions de dollars. Ses clients institutionnels ont succombé à la fièvre des fiducies de revenu et des fonds de dividendes, liquidant leurs iUnits pour se procurer les placements de l’heure.

Le chef du développement des produits négociés en Bourse chez Barclays Canada croit que l’exode est terminé. Et que les investisseurs qui lui ont fait faux bond seront attirés par les nouveaux iUnits :

■ iUnits Fonds indiciel du secteur des fiducies de revenu (symbole : XTR). Celui-ci est une réplique de l’indice S&P/TSX des fiducies de revenu.

■ iUnits Fonds indiciel de dividendes (symbole : XDV). Celui-ci copie l’indice Dow Jones Canada Select Dividend, qui regroupe des titres canadiens produisant, année après année, des dividendes à rendement élevé.

■ iUnits Fonds indiciel du secteur des matériaux (symbole: XMA). Celui-ci calque l’indice plafonné S&P/TSX des matières de base.

■ iUnits Fonds indiciel d’obligations à rendement réel (symbole : XRB). Celui-ci a pour mission de protéger les investisseurs contre l’inflation. Il est une réplique de l’indice Scotia d’obligations à rendement réel.

En outre, dit M.Atkinson, quatre FNB existants ont été remaniés de manière à tenir compte d’une plus grande diversité d’entreprises (notamment des PME) et à ce qu’ils soient moins vulnérables aux fluctuations des taux d’intérêt et des changes.

Pour sa part, M.Luukko accueille favorablement ces initiatives, qui permettront de continuer à offrir des solutions de rechange à faible coût aux fonds communs traditionnels. «Les nouveaux fonds aideront Barclays à surpasser ses ventes de l’an dernier, note-t-il. Le fonds de dividendes, particulièrement, devrait provoquer beaucoup d’enthousiasme chez les investisseurs.»

LES iUNITS AU QUÉBEC: les espoirs pour 2006

E n 2002, quand Objectif Conseiller a traité des FNB dans ses pages, les investisseurs québé- cois détenaient quelque 500 millions de dollars d’iUnits. Aujourd’hui, ils en ont pour 1,3 milliard de dollars. Cela représente environ 15 % de l’actif total des iUnits au pays.

Bobby Eng, directeur principal du développement des affaires chez Barclays Canada, estime que cette proportion est légèrement inférieure au poids du Québec dans le marché canadien de l’épargne et du placement,poids qu’il évalue entre 18 et 20 %. Il explique cet écart par le comportement des investisseurs québécois, généralement plus prudents que ceux des autres provinces. «De plus, les Québécois sont moins au fait de l’existence des produits alternatifs», constate-t-il.

Son travail consiste donc à vanter aux conseillers d’ici les mérites des iUnits et les nombreux usages qu’on peut en faire. Comme Barclays Canada vise des ventes nettes de deux milliards de dollars au pays, dont 400 millions au Québec, l’année 2006 s’annonce chargée. La firme organisera davantage de présentations dans les cabinets et de conférences à l’intention des investisseurs, encadrera de plus près les conseillers qui adopteront les FNB, fera plus de réclames dans les publications spécialisées, etc. «Nous privilégions une démarche consultative. Nous aiderons les conseillers à bâtir de meilleurs portefeuilles pour leurs clients et, par ricochet, à faire croître leur entreprise.»

M. Eng admet que la tâche sera lourde. Plutôt que de s’éparpiller, il préfère renforcer les acquis. «Nous travaillons avec les professionnels déjà familiarisés avec les FNB qui gèrent plus de 50 millions de dollars d’actif, qui touchent des honoraires et dont les clients détiennent entre 2 et 5 millions de dollars en FNB.»

L’accent est mis sur la stratégie dite du noyau et des satellites, suivant laquelle la partie principale du portefeuille est investie dans des FNB de grands marchés (le noyau), tandis que les satellites sont composés de placements plus risqués, mais de moindre importance. Plusieurs autres stratégies sont possibles.«On peut faire de la rotation sectorielle, du remplacement de fonds communs coûteux et peu performants, de la vente à découvert et gérer le risque à l’aide d’options pouvant être levées sur les FNB», dit M. Eng.

Si les objectifs de vente sont atteints au Québec, Barclays Canada devra une fière chandelle à M. Eng. En effet, il est seul à sillonner la Belle Province, en plus de desservir Ottawa et les provinces de l’Atlantique!


• Ce texte est paru dans l’édition de janvier 2006 de Conseiller. Il est aussi disponible en format PDF. Vous pouvez également consulter l’ensemble du numéro sur notre site Web.

Ronald McKenzie