Les gestionnaires de fonds actifs vont-ils disparaître?

Par La rédaction | 22 juin 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Les gérants de fonds « empochent des marges disproportionnées par rapport à leur travail », surtout à l’heure où les taux d’intérêt sont très bas, estime Le Monde.

Dans son édition de mardi, le correspondant à Londres du quotidien français se penche sur le cas de la société Janus Henderson, qui gère aujourd’hui des encours de près de 310 milliards d’euros (460 G$ CAD) et emploie environ deux mille salariés dans 27 villes au Royaume-Uni, aux États-Unis et en Australie, notamment.

Et il relève que le luxueux siège de la firme, établi au cœur de la City, a bien du mal à masquer les « craquelures » qui apparaissent dans le secteur de la gestion de fonds depuis quelques années.

« AU MOINS, LES FONDS PASSIFS NE COÛTENT PAS CHER »

« Avec des taux d’intérêt quasiment à zéro depuis une décennie, les fonds d’investissement peinent à dégager des rendements intéressants. À force, ça finit par se voir, et les investisseurs en ont marre. Du coup, ils cherchent ailleurs des alternatives », souligne Le Monde. Résultat : ces derniers se tournent désormais vers les investissements « passifs », c’est-à-dire « des produits qui se contentent de suivre les indices boursiers », et tout spécialement les fonds négociés en Bourse (FNB).

L’intérêt, explique le journal, c’est que même si cela ne rapporte pas beaucoup, « au moins ça ne coûte pas cher ». Alors que sur certains produits les gestionnaires perçoivent des commissions pouvant atteindre « jusqu’à 2 % des actifs gérés », les FNB génèrent en effet des frais « quatre à cinq fois plus faibles, voire 10 fois moindres pour les marchés les plus courants », détaille-t-il. Récemment arrivée dans ce créneau juteux au Royaume-Uni, la société Vanguard propose par exemple aux investisseurs individuels britanniques des frais de… 0,15 % des fonds qu’elle gère.

Cette stratégie attire tellement le grand public que les investissements dits « passifs » représentent désormais le tiers des fonds communs aux États-Unis, tandis qu’une tendance identique se manifeste en Europe, relève Le Monde. La raison de ce succès? « Les investisseurs semblent s’être convaincus d’une règle simple et de bon sens : tant qu’à faire des rendements médiocres, mieux vaut au moins ne pas gaspiller son capital en frais inutiles. »

IL EXISTE UNE PRESSION DE LA PART DES CLIENTS

D’où cette question que se posent, fort logiquement, nombre d’entre eux, poursuit le journal : « Puisque les gérants “actifs” ne rapportent pas grand-chose et qu’ils coûtent plus chers, à quoi servent-ils? » Et, à terme, « ne sont-ils pas destinés à disparaître », remplacés par des professionnels gérant des produits « passifs »? Le correspondant à Londres du Monde a interrogé le patron de Henderson à ce sujet. S’il réfute l’idée que les gérants actifs soient « une espèce en voie de disparition », Andrew Formica admet néanmoins qu’il existe une pression de la part de certains clients, ce qui l’a amené à baisser les commissions qu’il leur prélevait d’environ 10 %.

De même, à l’instar de l’ensemble du secteur, la firme a entamé un vaste mouvement de concentration pour réaliser des économies d’échelle, d’où sa récente fusion avec Janus, un ex-concurrent. Dans ces conditions, estime Le Monde, le marché de la gestion active finira par être occupé par « quelques gros mastodontes » et, sans doute, par « quelques petites boutiques spécialisées ».

Une situation qui pourrait être préjudiciable pour les consommateurs, d’autant plus qu’un rapport de la Financial Conduct Authority (FCA), qui devait être divulgué ce mercredi, conclut que le secteur impose trop de frais aux particuliers, et ce, pour des rendements plus que médiocres.

MANQUE DE TRANSPARENCE ET DE CONCURRENCE

Dans un précédent rapport (en anglais seulement) publié en novembre dernier, la FCA avait calculé que, une fois retranchés les frais de gestion, un investissement de 20 000 livres (34 000 $ CAD) pendant 20 ans dans un produit « passif » rapportait 44 % de plus que dans le cas d’un produit actif. Le régulateur financier britannique en rajoutait une louche en indiquant que les frais imposés aux clients étaient fort peu transparents, qu’il n’y avait pas assez de concurrence entre les fonds et que la marge bénéficiaire moyenne des sociétés de gestion en Grande-Bretagne atteignait 36 %. Pour couronner le tout, la FCA révélait que la moitié des investisseurs individuels qu’elle avait interrogés ignoraient qu’ils payaient des frais…

Conclusion du Monde : « Entre les régulateurs qui s’agacent et les investisseurs qui se dirigent en masse vers la gestion passive, les gérants traditionnels feraient bien de réagir. (…) On aimerait bien les voir se serrer un peu la ceinture. »

La rédaction