Les marchés inefficients, ou l’heure de gloire de la gestion active

Par Dean DiSpalatro | 21 octobre 2010 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Depuis des lustres, on débat de l’efficience des marchés. Bonne nouvelle pour les gestionnaires actifs, qui prétendent pouvoir identifier des titres mal cotés afin d’en tirer profit : les sceptiques gagnent du terrain.

Nous avons demandé à des professeurs renommés de nous parler de l’hypothèse de l’efficience du marché des capitaux (HEM) et des problèmes qu’elle soulève.

À la va-comme-je-te-pousse

Des études menées dans les années 1950 et 1960 ont montré que « les fluctuations de cours des actions ordinaires semblaient aléatoires et que les tendances des cours des actions pouvaient être confondues avec des modèles créés de façon aléatoire », relate Eric Kirzner, professeur de finances à la Rotman School of Management de l’Université de Toronto.

Sur la base de ces observations est née l’HEM, qui définit trois degrés d’efficience :

  • Faible : l’analyse des données historiques ne permet pas de générer des rendements supérieurs;
  • Semi-forte : on n’obtient pas forcément de meilleurs rendements en analysant l’information accessible à tous (états financiers et prévisions économiques);
  • Forte : l’utilisation de données poussées ne procure aucun avantage aux gestionnaires.

Peut-on vraiment surclasser le marché ?

  • Les analyses laissent croire que le marché est inefficient à des degrés divers au fil du temps. Cela signifie qu’il est possible d’obtenir des rendements supérieurs grâce à la gestion active. Néanmoins, les cartes de pointage sur les indices par rapport aux fonds à gestion active SPIVA (S&P Dow Jones Indices Versus Active) apportent de l’eau au moulin des adeptes de la gestion passive. Par exemple, le rapport de fin d’exercice 2012 pour les États-Unis indique que « les rendements ont été inférieurs à ceux des indices de référence pour 63,25 % des fonds à forte capitalisation, pour 80,45 % des fonds à moyenne capitalisation et pour 66,5 % des fonds à faible capitalisation ». Le rapport de fin d’exercice 2011 souligne que « la seule tendance qui se dégage sur une période de cinq ans est que la majorité des gestionnaires d’actions et d’obligations actifs sont à la traîne par rapport aux indices de référence comparables dans la plupart des catégories ».
  • Changez de mesure et l’histoire est tout autre. Martijn Cremers, de l’université de Notre Dame, et Antti Petajisto, de l’université Yale, affirment que le concept d’indice de risque actif, qui consiste à déterminer dans quelle mesure un fonds diffère de son indice de référence, permet de clore le débat.
  • Ces chercheurs ont constaté que plus un fonds s’éloigne de son indice de référence, plus il le surpassera, une fois soustraits les frais. Les fonds qui reproduisent davantage l’indice ont tendance à offrir de plus piètres rendements. Selon eux, certains gestionnaires actifs obtiennent de moins bons rendements notamment parce que plusieurs de leurs fonds suivent de trop près les indices de référence.

Le rendement de l’inefficience

Le marché a tendance à être inefficient à court terme, mais à être plus prévisible à long terme.

Selon Ming Dong, professeur agrégé de finances à la Schulich School of Business de l’Université York, « nous savons que les titres étaient surévalués à cause de la bulle technologique, puis grandement sous-évalués pendant la crise de 2008 ».

Même lorsque les cours s’approchent de la valeur réelle, la variation entre les actions demeure. M. Dong explique qu’à tout moment certains titres sont mal cotés et créent donc une anomalie dans le marché.

Les gestionnaires à la recherche d’anomalies devraient se concentrer sur les actions ayant un faible ratio cours-bénéfice. « Il a été prouvé que ces titres font généralement mieux que le marché, particulièrement les actions de petites entreprises que les analystes ne suivent pas de près », affirme George Athanassakos, de l’Université de Western Ontario.

« Plusieurs grandes institutions et investisseurs de haut calibre ne s’intéressent pas à ces actions, explique-t-il. Ces petites sociétés n’ont pas suffisamment de profondeur pour combler le pouvoir d’achat des grands investisseurs. Ainsi, ces titres sont souvent négligés, ce qui entraîne leur sous-évaluation. »

M. Kirzner note qu’une étude portant sur les rendements au cours d’une période de près de 60 ans a démontré que les petites capitalisations ont dépassé l’indice S&P 500 d’environ 5,79 % par année.

Certains gestionnaires parviennent à rentabiliser les actions au ratio cours-bénéfice élevé, mais la tâche s’avère ardue, puisque tout le monde les surveille. « Prenons General Electric, Johnson & Johnson ou d’autres sociétés dont les actions se négocient par millions. Leur cours reflétera généralement toute l’information accessible au public », note M. Athanassakos.

M. Kirzner était un ardent défenseur de l’HEM jusqu’à tout récemment, mais l’inefficience avérée du marché l’a fait changer son fusil d’épaule : il penche maintenant du côté de la gestion de portefeuille axée sur la valeur. Il fait remarquer qu’un fonds commun de placement typique ne surpasse pas l’indice. Pour faire mieux que le marché, il faut chercher des occasions « dans des domaines très pointus, et non pas dans les actions américaines à forte capitalisation », souligne-t-il.

Des anomalies érigées en règle

Les adversaires de l’HEM mentionnent quelques anomalies confirmées :

L’effet de l’entreprise négligée par les analystes : les actions qui ne sont pas populaires auprès des grands investisseurs ou qui sont négligées par les investisseurs en général génèrent des rendements supérieurs aux attentes.

L’effet jour de la semaine : les cours ont tendance à être au plus bas le lundi, et plus élevés le vendredi.

L’effet janvier : le cours des titres chute généralement en décembre, pour remonter en janvier.

M. Kirzner dénombre quelque 45 anomalies décelées, « qui donnent des arguments à ceux qui croient qu’une analyse d’investissements et une recherche plus poussées peuvent générer des rendements supérieurs ».

Il invoque également des études récentes qui font la preuve que les stratégies momentum fonctionnent. « Cela contredit la théorie de l’efficience du marché. Une telle stratégie implique de créer un portefeuille comprenant grosso modo les titres les plus performants de la dernière année. On pourrait croire que les titres arrivant premiers dans une période donnée arriveraient derniers par la suite; or ces études prouvent le contraire. »


Dean DiSpalatro est rédacteur en chef du Groupe Advisor.

Une nouvelle génération d’indice (informations en date de juillet 2012)

Donnés compilées par Lisa Maccoll

1. Les indices fondamentaux

Les indices pondérés selon des méthodes alternatives, plutôt qu’en fonction de la capitalisation boursière, gagnent en popularité.

Le fonds First Trust Canada AlphaDex (FCAN) est un indice fondamental lancé en 2013. Il a un actif géré moyen de presque 20 millions de dollars.

Le fonds iShares Canadian Fundamental Index (CRQ) comprend des sociétés sélectionnées suivant trois facteurs, appliqués sur une période de cinq ans : le total de dividendes en espèces, la marge d’auto-financement et le chiffre d’affaires. La valeur comptable est également prise en compte. L’actif géré moyen de ce fonds grimpe actuellement à plus de 210 millions de dollars.

2. Les indices échelonnés

Les fournisseurs ont créé des FNB indiciels bâtis comme des portefeuilles échelonnés, soit avec des tranches de titres venant à échéance à différentes dates.

Le FINB BMO échelonné S&P/TSX actions privilégiées (ZPR) utilise cette stratégie. L’indice englobe les actions privilégiées à taux révisable de sociétés canadiennes sélectionnées qui satisfont à des critères de taille, de liquidité, d’inscription à la Bourse et de qualité. L’indice utilise une structure d’échelonnement sur cinq ans au sein de laquelle les catégories d’échéances annuelles sont équipondérées et où les titres constituants de chaque catégorie sont pondérés en fonction de la capitalisation boursière. Lancé en novembre 2012, il compte 832,2 millions de dollars en actif géré moyen.

3. Les indices sectoriels

Les indices sectoriels, qui prennent en compte les activités des entreprises des secteurs américains des soins de santé ou de la technologie par exemple, sont accessibles aux investisseurs particuliers canadiens par l’intermédiaire de FNB indiciels. Par exemple, le fonds iShares S&P Global Health Care Index (XHC) détient les titres de sociétés américaines du secteur des soins de santé telles que Pfizer, Merck & Co et Gilead Sciences Inc. L’actif géré moyen grimpe à presque 49 millions de dollars.

Le FINB BMO actions chinoises (ZCH) cherche à reproduire le rendement du BNY Mellon China Select ADR. Le FNB est présent dans l’ensemble du marché boursier chinois en détenant un panier de certificats américains d’actions étrangères négociés à la Bourse de New York, à la Bourse NYSE Amex ou au NASDAQ; les actions sont domiciliées en Chine. L’actif géré moyen est de 10 millions de dollars.

4. Les indices d’actions privilégiées

Il peut être difficile pour les conseillers et les investisseurs particuliers d’obtenir de l’information sur les actions privilégiées. Ces FNB donnent accès à ce type d’actions à un coût raisonnable.

5. Les indices non couverts

Les produits non couverts contre les risques de change offrent le même rendement que l’indice sous-jacent en plus de l’effet de change. Par exemple, si le rendement grimpe de 5 % pendant la journée et que la devise chute de 4 %, l’investisseur n’obtient que 1 % de rendement. Ce genre de produit convient aux investisseurs qui ont confiance dans le potentiel des devises étrangères.

Dean DiSpalatro