Les principaux paradis fiscaux ne sont pas ceux qu’on pense

Par La rédaction | 15 novembre 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
5 minutes de lecture
View From The Banana Plantage

Les principaux paradis fiscaux ne sont pas forcément ceux auxquels on pense. Bien souvent, il s’agit de pays « normaux », comme les États-Unis, le Royaume-Uni, les Pays-Bas ou encore la Belgique, rapporte Trends-Tendances.

Dans une chronique publiée lundi intitulée Paradise Papers, le bal des hypocrites, Amid Faljaoui estime que, à l’heure où les dirigeants des grands pays industrialisés tentent de renflouer les comptes publics « en reportant l’âge de la pension [retraite], en diminuant les salaires des fonctionnaires ou en réduisant certaines dépenses sociales », ce nouveau scandale « arrive au bon moment ».

Selon le directeur des magazines francophones du groupe multimédia belge Roularta, ces révélations pourraient en effet leur permettre de clamer haut et fort que « si les écoles ne sont pas aussi performantes, que les hôpitaux ne sont pas aussi modernes, que les infirmières sont mal payées et que les fonctionnaires ne disposent pas des équipements nécessaires, c’est la faute à l’évasion fiscale des multinationales et des ultra riches ».

FAIRE LE CONTRAIRE DE CE QU’ON DIT

Le problème, souligne le chroniqueur, c’est qu’ils n’en feront rien et ne profiteront donc pas de cette « fenêtre de tir fantastique », selon les récents propos de la commissaire européenne chargée de la Concurrence, pour dénoncer les agissements antisociaux des méga entreprises, qui nuisent aux intérêts « des salariés, des petits indépendants, des classes moyennes et des petites et moyennes entreprises ».

La raison? Il y a un abîme entre le discours des gouvernants et leur action (ou inaction) dans la vraie vie, souligne Amid Faljaoui, qui estime qu’ils font ainsi preuve d’« hypocrisie ». « Si les médias ont beaucoup parlé des paradis fiscaux exotiques, ils oublient de préciser que les principaux paradis fiscaux sont des pays « normaux », comme les États-Unis, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, le Grand-Duché du Luxembourg ou la Belgique. Tous ces pays, très dignes en apparence, ont des régimes de faveur qui les transforment en paradis fiscaux pour certains ressortissants étrangers ou pour les multinationales », rappelle-t-il.

Le pire, ajoute le chroniqueur, c’est que tous ces pays « ne sont pas près de supprimer ces niches fiscales » mais, au contraire, qu’« ils les peaufinent ». Aux États-Unis, par exemple, la principale réforme fiscale de Donald Trump vise justement à réduire fortement l’impôt sur les sociétés. De son côté, le gouvernement britannique rêve d’abaisser drastiquement le taux d’imposition des grandes sociétés afin de compenser les aspects négatifs du Brexit. Et la liste des pays qui se livrent à de telles initiatives est loin d’être exhaustive, « parce que la concurrence fiscale fait rage entre les États » et que s’ils veulent garder ces multinationales sur leur sol, ils se sentent obligés de leur donner ce qu’elles réclament.

« HYPOCRISIE ET SCHIZOPHRÉNIE »

Amid Faljaoui cite un autre exemple à l’appui de sa démonstration : même si tout le monde sait – et le déplore – que les géants du numérique ne paient presque pas d’impôt grâce à leurs montages fiscaux, quand Amazon annonce qu’elle cherche une ville de plus d’un million d’habitants pour l’accueillir et générer ainsi des milliers d’emplois, « une frénésie agite toutes les villes américaines pour attirer ce nouveau quartier général ».

Enfin, le chroniqueur s’en prend à « l’hypocrisie de ceux qui fustigent toute cette évasion fiscale », à commencer par les commissaires européens « qui sont schizophrènes, car ils fustigent la fraude mais profitent, en tant que fonctionnaires européens, d’une fiscalité plus douce que le commun des mortels ». Sans parler de « leurs collègues de l’OCDE [Organisation de coopération et de développement économiques], qui sortent régulièrement des rapports sur la fraude fiscale, mais oublient de rappeler qu’eux-mêmes paient moins d’impôts et de cotisations sociales que les autres fonctionnaires ». Sa conclusion? « Les Tartuffes de Molière ne sont pas morts ».

Québec veut limiter ses pertes fiscales internationales

Le ministre des Finances du Québec a déposé vendredi un plan d’action destiné à éponger les pertes fiscales internationales au Québec, évaluées à quelque 686M$ en 2017, rapporte l’agence QMI. Celles-ci se décomposent de la manière suivante: 270M$ en lien avec le commerce électronique; 257M$ avec la non-déclaration de placements dans des paradis fiscaux par des particuliers; 159M$ dus à l’évitement fiscal résultant des profits détournés.

«Ce plan d’action contient 14 mesures concrètes, efficaces, qu’on va commencer à déployer dans la nouvelle année. (…) Certaines de ces mesures nécessiteront des changements législatifs, donc on va faire ça probablement dans le budget qui aura lieu quelque part en mars 2018», a déclaré à cette occasion Carlos Leitao. Le plan présenté prévoit notamment la création par Revenu Québec d’une nouvelle unité spéciale de lutte contre l’évasion fiscale. De même, les grandes entreprises qui seront reconnues coupables d’évitement fiscal n’auront théoriquement plus la possibilité de décrocher des contrats gouvernementaux.

La rédaction vous recommande :

La rédaction