L’étiquette en affaires ou l’art de vous distinguer

Par Caroline Fortin | 28 octobre 2015 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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À partir de quel trou peut-on commencer à parler affaires avec un client éventuel sur un terrain de golf? Comment réagir quand le contenu de notre verre se déverse malencontreusement sur le chic tailleur crème d’une invitée? Quelle tenue porter lors d’un congrès de fin de semaine? Ne pas connaître les réponses à ces questions pourrait vous mettre dans l’embarras et risquer de vous faire perdre des occasions d’affaires.

À une époque pas si lointaine, les citoyens apprenaient sur les bancs d’école les préceptes de la bienséance et de la civilité. Aujourd’hui, serait-on tenté d’affirmer, les gens n’ont que faire des bonnes manières. Pour les professionnels et les gens d’affaires, toutefois, maîtriser l’art de l’étiquette constitue un outil de plus pour se démarquer et même surpasser la concurrence. Car c’est en grande partie l’impression produite sur le client qui déterminera si celui-ci fera affaires avec vous ou non. De la même façon, si vous n’offrez pas un service de qualité à vos clients, vous risquez fort de les perdre… en plus d’un certain nombre de références.

Et l’on ne parle pas uniquement ici de savoir par quelle fourchette commencer lors d’un dîner gastronomique. L’étiquette peut vous être utile aussi bien dans les relations d’affaires et au golf que par courrier électronique et au téléphone. Voici donc quelques règles de base à respecter.

Ginette Salvas, consultante en étiquette

LES APPELS, ÇA SE RETOURNE!

Le mois dernier, Ginette Salvas, conseillère en image, étiquette et protocole, a mené une campagne de recrutement (reliée à un autre domaine) auprès des agents en assurance et des conseillers financiers. «Eh bien, 90 % des personnes contactées n’ont pas rappelé», soupire-t-elle. «C’est une épidémie : les gens sont de plus en plus nonchalants et ne retournent plus leurs appels». Conséquence : les clients vont voir ailleurs.

Selon les résultats d’un sondage conduit par la firme américaine ETICON en avril 1999, plus de 50 % des professionnels interrogés ont affirmé qu’ils changeaient carrément d’entreprise lorsqu’ils étaient servis par des personnes impolies ou grossières. Au palmarès des comportements les plus reprochés par les professionnels sondés trône… l’impertinence au téléphone. Qu’est-ce qui est considéré comme impoli? Les mises en attente brutales et longues, les appels non retournés et le dédale infernal des boîtes vocales.

La règle d’or à respecter dans ce domaine est pourtant que tous les appels doivent être retournés dans les 48 heures. Maximum. «En affaires, on ne sait jamais ce qu’on peut perdre en ne retournant pas nos appels : une référence de client, une information importante, une occasion d’affaires», indique Ginette Salvas, soulignant que les bévues les plus courantes sont commises au téléphone et lors des repas. Tutoyer un interlocuteur qu’on ne connaît pas et «oublier» des clients en attente sont des exemples. Rappelez-vous que la clientèle est pressée, exigeante et stressée… tout comme vous.

La boîte vocale idéale devrait quant à elle comporter un message court, clair et daté (pour ceux et celles qui peuvent changer leur message tous les jours). À proscrire : les numéros de téléphone de rechange dits tellement vite qu’on doit rappeler pour terminer de le prendre en note, les messages interminables au bout desquels on est informé qu’on peut composer le zéro «pour une assistance immédiate» (dites-le au début, cela fera sauver du temps) et les messages bilingues répétés intégralement dans les deux langues. Dans ce dernier cas, on peut opter pour une formule moins redondante :«Bonjour, you’ve reached Gisèle Lalonde at 888-4343, je ne puis prendre votre appel pour le moment, please leave a message et je vous rappellerai, thank you, bonne journée».

SOIGNEZ VOTRE IMAGE

En amour ou en affaires, la première impression est cruciale, c’est connu. Et c’est la tenue vestimentaire qu’on voit en premier. «L’important, c’est de bien se connaître», dit Ginette Salvas. Si dans les années 70, on recommandait aux femmes de s’en tenir aux «power suits» (tailleurs aux couleurs neutres et à la coupe austère) et aux hommes d’éviter l’extravagance, au cours des dernières années, on a appris aux gens à s’habiller en fonction de leur personnalité, poursuit Mme Salvas. Tant que le tout est décent et de bon goût, chacun est libre de mettre la fantaisie qu’il désire dans son habillement!

Les femmes doivent seulement surveiller la longueur de leur jupe et réserver leurs talons aiguilles pour les sorties. Et tout dépend du contexte corporatif dans lequel on travaille. Pour les hommes d’affaires, les couleurs, les complets souples mais structurés ainsi que les tissus texturés et légers sont maintenant admis. «L’été, les hommes d’affaires peuvent se permettre des chemises à manches courtes – le pastel est de retour – portées en dessous d’un habit. Les pantalons sans plis sont également de mise. Il est cependant important de mentionner que ce n’est pas tout le monde qui peut avoir l’air décontracté. Dans ces cas-là, on recherche plutôt une touche personnelle dans le choix des lunettes, des chaussures et des accessoires», explique Steve Antoniou, directeur général chez Harry Rosen, rue Peel, à Montréal.

Quant à savoir comment s’habiller lors d’un congrès de fin de semaine, il suffit souvent de consulter le programme, signale Ginette Salvas. «Normalement, on apporte une ou deux tenues d’affaires, une tenue de banquet et une tenue plus décontractée, pour jouer au golf, par exemple», poursuit-elle. Ainsi, on est certain d’être vêtu convenablement en toute occasion.

En général, «chaque professionnel devrait se poser la question à savoir ce qu’il doit inspirer à ses clients», indique par ailleurs Mme Salvas. «Pour les conseillers financiers, ce devrait être la fiabilité, la sécurité et la réussite.»

Des sentiments que l’on peut transmettre par la seule poignée de main. «Tout peut se jouer à cette étape», avertit Mme Salvas. Qui n’a pas éprouvé de malaise en serrant une main molle et fuyante? «La poignée de main doit être franche et ferme, mais dosée. Il n’est pas nécessaire de broyer la main de l’autre pour montrer son dynamisme», indique pour sa part Jean-François Théorêt, spécialiste en protocole dans l’environnement des affaires et directeur des séminaires d’information pour le Groupe des communications informatiques de Bell Canada.

Nombre d’impairs peuvent en outre survenir lors des présentations. Par exemple, vous vous mettez les pieds dans les plats si vous dites : «Chéri(e), voici mon patron, Michel Lussier». Il faut toujours introduire les personnes selon l’ordre hiérarchique. Par exemple, on présente un collègue à un client, un cadre subalterne à un supérieur, un collègue à son équivalent de l’extérieur et, de façon générale, un plus jeune à un plus âgé, rappelle M. Théorêt, invité en février dernier à prononcer une conférence lors de la soirée L’étiquette en affaires, organisée par l’Ordre des comptables accrédités du Québec et l’Ordre des conseillers en relations industrielles du Québec. Une seule exception : n’importe qui est présenté à un membre du clergé.

Jean-François Théorêt, spécialiste en protocole

JE, VOUS, IL

Un petit mot sur le tutoiement. «En toute occasion, il faut être conscient que la familiarité engendre le mépris», fait remarquer Jean-François Théorêt. Gardez-vous donc d’utiliser le «tu» si l’autre personne ne vous l’a pas offert au préalable.

EN RETARD? SILENCE!

Si, en raison de circonstances hors de votre contrôle, vous devez arriver en retard à une réunion, «regardez l’hôte dans les yeux. S’il vous passe une remarque, excusez-vous. Surtout, évitez le bruit, entrez le plus discrètement possible», conseille Jean-François Théorêt. La même attitude s’applique lors des repas à plusieurs convives. Bien entendu, vous pourrez vous expliquer sur les causes de ce retard lorsque vous serez invité à le faire…

QUAND LES COCKTAILS MONTENT À LA TÊTE…

Lors d’une soirée bien arrosée ou dans un cocktail de bureau, si vous échappez votre verre sur quelqu’un par maladresse excusez-vous une seule fois et offrez de payer pour le nettoyage à sec. «Renverser son verre sur les vêtements de quelqu’un est un accident, mais faire une blague à propos de l’incident est une gaffe», apprend-t-on du reste sur le site Internet de la firme Étiquette SVP, située à Kirkland (www.etiquettesvp.com).

Si, en conversant avec un des invités, vous perdez le fil de la conversation et que la personne s’en aperçoit, excusez-vous et dites simplement que vous avez été distrait. Mais la bienséance exige qu’on suive toujours notre interlocuteur du regard pour lui signifier notre attention.

Trucs pour les golfeurs

(Tirés du site Internet de Étiquette SVP : www.etiquettesvp.com)

  • Un conseil aux débutants : assurez-vous d’avoir plusieurs parties derrière la ceinture avant d’accepter une invitation ou d’inviter votre patron à pratiquer son «sport» favori;
  • Si votre invité est de meilleur calibre que vous, prévoyez un troisième joueur afin de rendre la partie plus intéressante pour lui;
  • Occupez-vous de tous les détails si c’est vous qui invitez : voiturette, indications pour le chemin, parapluie, manuel des règles officielles, etc.;
  • Amenez les affaires sur le sujet de conversation seulement après le 9e trou. Profitez de la première portion du parcours pour faire parler votre invité de sa famille, ses passe-temps et son cheminement;
  • Laissez le joueur le plus expérimenté conduire la voiturette. Habituellement, cette même personne se charge du pointage.

ÉTIQUETTE TECHNOLOGIQUE

Les téléphones cellulaires sont certes profitables, mais il ne faut pas en abuser. «La seule situation où l’on peut laisser son téléphone ouvert en compagnie d’autres personnes est lorsqu’on attend un appel urgent. Dans ce cas, on sort et on prend l’appel», avise Ginette Salvas. Dans les bureaux du Directeur de l’état civil, rue Bleury, une affiche exhorte d’ailleurs les possesseurs de portables à aller parler de l’autre côté des portes… Et de grâce, laissez tomber les sonneriessymphonies et les autres mélodies retentissantes de cet acabit!

Vous l’ignoriez peut-être, mais il existe maintenant une étiquette pour Internet, connue sous le nom de Netétiquette! On retrouve d’ailleurs en détail les fondements de cette politesse «internetienne» sur le site du Wabash College, en Indiana (jade.wabash.edu/wabnet/info/netiquet.htm). On y rappelle entre autres qu’il est préférable d’obtenir la permission d’un correspondant avant d’envoyer des fichiers joints lourds et lents à télécharger. Et que l’utilisation des lettres capitales (comme dans : J’en ai besoin LE PLUS TÔT POSSIBLE) est très impoli et peut être considéré comme une insulte.

C’est grâce à de menus détails comme ceux-ci que vous vous forgerez la réputation enviable de «personne distinguée». Ce qui, dans la vie comme en affaires, ne nuit guère.


• Ce texte est paru dans l’édition de juin 2000 de Conseiller. Il est aussi disponible en format PDF. Vous pouvez également consulter l’ensemble du numéro sur notre site Web.

Caroline Fortin