L’euro : quels scénarios à court terme?

Par Fabrice Tremblay | 2 Décembre 2011 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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La monnaie unique européenne traverse réellement une période cruciale. Si l’abandon pur et simple de l’euro est peu probable, la mise en place d’une zone euro plus restreinte pourrait survenir prochainement. C’est ce qu’a affirmé le professeur Thierry Warin, spécialiste des questions financières européennes, lors d’une conférence organisée par le CIRANO.

Les exigences des marchés financiers sont de plus en plus élevées. Les pays de la zone euro qui détiennent la note AAA ne sont plus très nombreux. La France est le prochain pays qui risque de perdre cette note. Par conséquent, ce pays devra sans doute payer de 50 à 100 points de base de plus pour emprunter, a souligné M. Warin, actuellement fellow au CIRANO et professeur d’économie à l’École Polytechnique de Montréal.

Dans les dernières semaines, l’Italie a emprunté à un taux légèrement supérieur à 7 %. Quant à la Grèce, si elle devait retourner sur les marchés financiers, les taux seraient de l’ordre de 30 %. Un défaut de paiement partiel ou une restructuration de la dette paraissent donc inévitables pour ce pays. Mais c’est bien du côté de l’Italie que vont venir les vrais problèmes. En 2012, l’Italie devra faire face à des échéances de ses obligations pour une valeur de 260 milliards d’euros. Le défi pour ce refinancement est colossal.

Impact des Hedge funds « Avec la Grèce, nous sommes entrés dans un cercle vicieux. En raison de l’incertitude, il y a de la tension sur les marchés. Et quand il y a de la tension, il est possible de faire de l’arbitrage, les hedge funds voient une possibilité de faire de l’argent », dit M. Warin. Selon le professeur, les pays européens auraient eu la capacité financière de dire dès le départ : « Nous allons éviter tout problème avec Grèce ». Mais maintenant que les risques et la spéculation se sont propagés, la situation est difficile à rétablir.

Plusieurs scénarios sont possibles pour les prochaines semaines. Le plus pessimiste, auquel ne croit pas M. Warin, serait la fin de la zone euro. Un scénario plus probable serait la mise en place d’une zone euro plus restreinte. Cela rejoindrait d’ailleurs la volonté exprimée par l’Allemagne en 1998, au moment de la création de l’euro. Par contre, les conséquences pour certains pays exclus de la zone seraient catastrophiques. Un pays comme l’Italie, qui exporte beaucoup, pourrait s’en sortir. En revanche, le sort qui attendrait la population grecque serait sombre, affirme M. Warin. On pourrait alors parler d’une « génération perdue ».

C’était mal parti Dès la création de l’euro, en 1999, les pays membres avaient dû assouplir les critères qu’ils s’étaient fixés. Selon le traité de Maastricht, les pays participants devaient limiter leur déficit à l’équivalent de 3 % du PIB, et leur dette totale, à 60 % du PIB. Puisque même les pays en meilleure posture, dont l’Allemagne, n’atteignaient pas ces chiffres, on s’est plutôt entendu sur l’obligation d’une « convergence » vers ces critères. Cette « convergence » a été respectée dans l’ensemble jusqu’en 2005, analyse M. Warin. Depuis la crise financière de 2008, la situation s’est nettement détériorée. La moyenne des dettes nationales se situe à un niveau de 87, 7 % du PIB, avec des disparités importantes selon les pays.

Fabrice Tremblay