L’évaluation d’entreprises – première partie

Par Ron Schiller et Sylvain Levasseur | 23 mai 2010 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
8 minutes de lecture

L’évaluation se pratique depuis que les humains s’échangent des biens puisque tout échange de biens requiert un exercice d’appréciation de la valeur par les parties concernées.

L’évaluation d’entreprises, quand à elle, existe depuis que des entreprises ou des participations dans des entreprises se vendent ou s’achètent.

Lorsqu’un professionnel aide un client dans le cadre d’une opération d’acquisition ou de cession d’entreprises, il est appelé à déterminer un prix plutôt qu’une juste valeur marchande. Par contre, les principes, démarches et méthodes afférents à la détermination de la juste valeur marchande constituent un bon point de départ pour déterminer ce prix.

Principes de base en évaluation d’entreprises Ni les produits, ni la rentabilité ne suffisent à fournir une indication fiable de la valeur. Beaucoup d’autres facteurs entrent en ligne de compte, notamment les actifs corporels et incorporels, les critères financiers, la rentabilité et la structure du capital ainsi qu’une comparaison entre la société et les normes de son secteur. Les principes suivants guident le jugement et les démarches du professionnel lors de l’évaluation :

  • La valeur est déterminée à une date spécifique dans le temps;
  • La valeur d’un bien est établie en fonction de ses perspectives d’avenir;
  • La valeur se définit comme étant la valeur actualisée de tous les avantages futurs qu’un bien est susceptible de procurer;
  • Les risques du marché dictent le taux de rendement requis;
  • La valeur est établie en fonction de la capacité d’une société à générer un rendement, sauf si on obtient une valeur plus élevée en vendant ses actifs.

Démarches et méthodes d’évaluation L’illustration ci-dessus présente de façon schématique les démarches et méthodes d’évaluation généralement retenues. Trois démarches fondamentales sont généralement reconnues en matière d’évaluation d’entreprises. Afin de choisir la démarche d’évaluation appropriée, on doit d’abord déterminer si l’entreprise est viable. Une analyse préliminaire des perspectives de rentabilité (bénéfices / flux monétaires) est donc requise. Les résultats préliminaires de cette analyse devraient permettre d’envisager la possibilité ou non de justifier une valeur plus élevée en utilisant une démarche fondée sur le rendement ou sur le marché par rapport à une autre, fondée sur les actifs. Les trois démarches sont les suivantes :

1. La démarche fondée sur la valeur des actifs d’une entreprise La démarche fondée sur la valeur des actifs est retenue si :

  • une liquidation est envisagée en raison du manque de viabilité de l’entreprise selon l’hypothèse de la continuité de l’exploitation;
  • la nature de l’entreprise fait en sorte que la valeur des actifs représente le facteur déterminant de la valeur de (ex : un terrain inoccupé, un portefeuille de biens immobiliers ou de titres négociables, etc.);
  • s’il n’y a aucun bénéfice ou flux de trésorerie représentatif à capitaliser.

Cette méthode consiste donc à quantifier le montant net que réalisera l’entreprise après la disposition de tous ses actifs et le paiement de tous ses passifs.

Voici un sommaire de la méthode fondée sur la valeur des actifs :

Valeur de liquidation des actifs – Frais de vente et autres coûts reliés à la liquidation – Paiement des passifs + Profits ou pertes d’exploitation durant la période de liquidation + Impôts d’entreprises = Fonds disponibles aux actionnaires – Impôts au moment de la distribution aux actionnaires = Valeur de liquidation

2. La démarche fondée sur le marché La démarche fondée sur le marché est une façon générale d’établir la valeur d’une entreprise à l’aide d’une ou de plusieurs méthodes qui comparent l’élément à l’étude à des entreprises comparables qui ont été vendues réellement.

Des exemples de méthodes utilisées dans le cadre de cette démarche comprennent :

  • l’étude de sociétés comparables à l’aide de bases de données;
  • les analyses d’opérations antérieures relatives à la propriété de la société sous étude.

Cette méthode présente quelques difficultés pratiques. Il est souvent très difficile d’obtenir de l’information financière précise au sujet de transactions comparables puisque cette information est généralement tenue confidentielle. L’inconvénient prédominant de cette méthode demeure l’imprécision due au nombre important d’éléments qui caractérisent l’unicité de chaque entreprise.

3. La démarche fondée sur le rendement La démarche fondée sur le rendement est une façon générale d’établir la valeur d’une entreprise à l’aide d’une ou plusieurs méthodes par lesquelles la valeur est déterminée en convertissant les bénéfices prévus. Cette démarche envisage la continuité de l’exploitation de l’entreprise. Les méthodes les plus couramment utilisées sont :

  • capitalisation du bénéfice net représentatif;
  • capitalisation du flux monétaire représentatif;
  • capitalisation des bénéfices avant intérêts, impôts et amortissements (BAIIA);
  • actualisation des flux monétaires discrétionnaires.

La méthode de la capitalisation du bénéfice net représentatif Cette méthode est principalement utilisée dans des cas d’entreprises de service, de distributeurs et de détaillants et est basée sur le fait que le passé de l’entreprise va se maintenir au même rythme dans le futur. Elle est utilisée lorsque les investissements en immobilisations ne vont pas connaître de changements majeurs et lorsque l’entreprise n’est pas dans une phase de croissance importante.

Le bénéfice net représentatif avant impôts est déterminé en fonction des résultats des derniers exercices financiers et des résultats budgétés pour les années à venir, redressés pour tenir compte de revenus ou dépenses non susceptibles de se reproduire dans le futur ou non représentatifs d’une exploitation normale.

Les redressements qui surviennent les plus fréquemment sont :

  • revenus ou dépenses relatifs aux éléments d’actif excédentaires;
  • amortissement de l’achalandage ou actifs incorporels;
  • rémunération excédentaire des dirigeants;
  • loyers ou autres payés à des parties ne traitant pas à distance;
  • mauvaises créances exceptionnelles;
  • gain ou perte sur vente d’éléments d’actifs;
  • radiation de stocks désuets;
  • contributions pour services passés à un fonds de pension;
  • dépenses relatives à un déménagement.

Après avoir redressé les résultats annuels antérieurs et budgétés, on détermine le bénéfice représentatif avant impôts par voie de moyenne simple ou pondérée. On déduit de ce montant les impôts au taux d’imposition approprié afin d’obtenir le montant du bénéfice net représentatif.

Afin de déterminer le taux de capitalisation, les professionnels en sont venus à développer une démarche de détermination des multiples applicables au bénéfice net représentatif qui s’appelle la méthode de l’accumulation (Build-up method).

Cette méthode est fondée sur le principe de l’accumulation. Ainsi, le taux d’actualisation des bénéfices (et par conséquent le taux de capitalisation y afférent) est constitué de plusieurs primes de risque qu’il est possible de définir et qui, lorsqu’on les additionne au taux de rendement sans risque, équivalent au rendement global qu’un investisseur devrait réaliser en investissant dans l’entreprise.

Le modèle de la méthode de l’accumulation se résume comme suit :

Taux de rendement sans risque

Taux de rendement moyen des obligations à long terme du gouvernement du Canada + Prime de risque de participation au capital-actions (rendement moyen additionnel qu’un investisseur est susceptible de réaliser sur un placement en actions en sus du rendement des titres du gouvernement du Canada. La source la plus utilisée pour déterminer cette prime est Ibbotson Associates Stocks, Bonds and Inflation Yearbooks). + Prime additionnelle en raison de la taille de l’entreprise (on retrouve aussi cette prime additionnelle dans les statistiques Ibbotson). + Prime pour autres facteurs de risque spécifiques à l’entreprise (secteur industriel, risque financier de l’entreprise, diversification des activités, autres caractéristiques opérationnelles…) = Taux de capitalisation du bénéfice net représentatif

Finalement, afin d’établir la juste valeur marchande de l’entreprise, il est nécessaire d’ajouter, s’il y a lieu, la juste valeur marchande des éléments d’actif excédentaires à la valeur capitalisée de bénéfice net représentatif.

Voici quelques exemples d’éléments d’actifs excédentaires :

  • excédent d’encaisse;
  • placements en actions boursières;
  • placements dans d’autres entreprises;
  • actifs ne servant pas à l’exploitation courante;
  • capacité d’emprunt inutilisée.

Cliquez ici pour lire la seconde partie.

Ron Schiller et Sylvain Levasseur