L’évasion fiscale dans la ligne de mire

Par Priscilla Franken | 22 mars 2013 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
5 minutes de lecture
Trudeau nomme Bill Morneau aux Finances

« La première grande ligne de ce budget est l’atteinte du déficit zéro et tout le reste découle de cet objectif, constate François Imbeau, associé fiscaliste chez Deloitte. On cherche à sécuriser l’assiette fiscale et très clairement, à contrer l’évasion fiscale avec des mesures coercitives et surprenantes. En 30 ans, c’est la première fois que je vois ça. »

Voici les six mesures qui ont retenu l’attention de l’expert :

On ne jongle plus avec les produits dérivés Les gestionnaires de fonds ne pourront plus user de subtilités techniques pour transformer un revenu d’intérêt, intégralement imposable, en gains en capital, qui sont assujettis à un taux d’imposition moindre.

Bye-bye « stratagème 10-8 » Les avantages fiscaux liés à des stratagèmes d’assurance-vie avec effet de levier, que l’on appelle communément « stratagèmes de type 10-8 », sont éliminés.

François Imbeau

« Avec cette mesure, on est venu bloquer la déductibilité des intérêts, la déductibilité de la prime payée sur la police et, lorsqu’une compagnie est titulaire et bénéficiaire de l’assurance vie, on empêche désormais que le produit de la police soit ajouté, au moment du décès, au compte de dividende en capital », détaille François Imbeau.

Idem pour la rente assurée avec effet de levier Même chose qu’au point précédent, cette fois pour les avantages fiscaux liés à des rentes assurées avec effet de levier. Ainsi, la prime qui sert à garantir l’emprunt ne sera plus déductible et le revenu gagné sera imposé chaque année, comme n’importe quel placement à taux fixe.

Par ailleurs, si le titulaire et bénéficiaire de la rente est une société par actions, on empêche désormais que le produit de la police soit ajouté, au moment du décès, au compte de dividende en capital.

Sur le plan de la fiscalité internationale, trois autres mesures sont dignes de mention, selon François Imbeau :

Des transferts plus transparents À partir de 2015, les intermédiaires financiers (banques, caisses, sociétés de fiducie, entreprises de services monétaires, casinos…) seront obligés de déclarer tout transfert électronique de plus de 10 000 $ dans les cinq jours suivant l’opération.

« Il y a là une volonté de lever le voile, observe François Imbeau. Les autorités fiscales veulent retracer les mouvements de fonds. »

Encourager la délation Il s’agit là d’un programme de commissions remises aux délateurs qui permettront de mettre à jour des cas « d’inobservations fiscales internationales » de grande ampleur, soit des montants d’impôts et de taxes de plus de 100 000 $. La commission pourra atteindre 15%.

« C’est une grande première au Canada, mais, selon le ministre des Finances, cela existe déjà aux États-Unis et au Royaume-Uni », note le fiscaliste.

Un délai de prescription plus long Les Canadiens qui détiennent des biens à l’étranger dont la valeur dépasse 100 000 $ verront la période de prescription passer de trois ans à compter de l’avis de cotisation couvrant l’ensemble de la déclaration de revenus, à trois ans à compter de la production de leur Bilan de vérification du revenu étranger (formulaire T1135).

« L’objectif est de prolonger le délai de prescription, explique François Imbeau. Il faut souligner que bien souvent, les gens n’ont pas conscience de détenir certains biens à l’étranger, comme des actions étrangères par exemple, simplement parce qu’ils les ont acquis au Canada »

« Un organisme commun de réglementation » « Le gouvernement préférerait améliorer la réglementation des marchés de capitaux du Canada par l’entremise d’un organisme commun de réglementation des valeurs mobilières qui serait établi en collaboration avec les provinces et les territoires », peut-on lire dans le plan d’action économique 2013.

Rien de neuf sous le soleil, certes, puisqu’on entend parler de cette volonté depuis plusieurs années maintenant.

Le document souligne que le Canada est le seul pays industrialisé qui n’a pas d’organisme national de réglementation des valeurs mobilières, et liste une série d’avantages liés à ce projet :

« (…) le Canada pourrait disposer d’un régime de réglementation des valeurs mobilières de calibre mondial qui contribue à une économie nationale plus forte et qui permet au Canada de mieux soutenir la concurrence sur les marchés de capitaux internationaux. Les entreprises canadiennes seraient en mesure d’obtenir des fonds au Canada plus rapidement et à plus faible coût, ce qui favoriserait les investissements. Les entreprises bénéficieraient également d’une prise de décisions plus rapide en matière de réglementation. »

On peut également lire que la création d’un organisme commun n’éliminerait pas les commissions provinciales des valeurs mobilières.

À lire : Commission pancanadienne : la Cour suprême dit non à Ottawa

Nos textes sur le budget fédéral 2013 :

Le budget 2013 se concentre sur la lutte au déficit >>

Le Fonds de solidarité FTQ et Fondaction CSN écopent >>

L’évasion fiscale dans la ligne de mire >>

Mauvaise surprise pour le secteur financier >>

Pour tout savoir sur les mesures fiscales >>

Priscilla Franken